Principaux points
- Contrairement à ce que l’on pourrait craindre, la baisse récente du dollar a plutôt coïncidé avec une hausse des actions françaises.
- C’est un constat qui s’est répété depuis la crise financière de 2008, en raison notamment des arbitrages de portefeuille selon la volonté ou pas de prendre du risque en dehors des Etats-Unis (“risk on/risk off”).
- D’autres facteurs ont également joué, notamment le biais “value” des actions françaises ou des effets sectoriels.
La baisse du dollar, conséquence de la politique des tarifs douaniers de l’administration Trump, devrait en principe peser sur les résultats des entreprises françaises qui exportent aux Etats-Unis et pénaliser leur cours de Bourse. Or ce n’est que rarement le cas. Plusieurs facteurs en sont la cause, expliquent des gérants.
Quelle a été la performance des actions dans les précédents épisodes de baisse du dollar ?
Depuis le 13 janvier dernier, l’indice DXY, qui mesure la parité de change du dollar avec un panier de devises (euro, yen, sterling, franc suisse), perd 10% tandis que l’indice CAC 40 gagne 4%.
La phase actuelle de baisse du dollar et de hausse des actions françaises n’est pas inédite. Au cours des différentes phases de marchés durant lesquelles le dollar a baissé, les actions françaises ont progressé.
Ainsi, entre mars et décembre 2009, l’indice DXY recule de près de 16%, quand l’indice CAC 40 bondit de près de 42%, dans un contexte toutefois marqué par la reprise de l’économie mondiale des suites de la crise financière de 2008.
Entre juin 2010 et mai 2011, l’indice DXY recule de près de 18% et l’indice CAC 40 gagne lui près de 22%. De même, entre décembre 2016 et janvier 2018, l’indice DXY cède 13% et les actions françaises progressent de 14%.
Baisse du dollar, hausse des actions françaises : où est l’erreur ?
La hausse des actions françaises pendant les phases de recul du dollar peut sembler contre-intuitive.
Les grandes capitalisations françaises, qui contribuent le plus fortement aux variations des indices boursiers français, réalisent une part importante de leur activité aux Etats-Unis. En théorie, une baisse du dollar leur est défavorable : la valeur de leurs ventes en euros est moindre et les produits ou services que les entreprises françaises vendent outre-Atlantique sont moins compétitifs, puisqu’ils coûtent plus chers pour un acheteur américain.
Le fait que les actions françaises progressent malgré la baisse du dollar est lié à différents facteurs.
Pourquoi les actions françaises profitent-elles de la baisse du dollar ?
La variation du dollar est liée aux flux internationaux de capitaux et aux arbitrages des allocataires d’actifs, qui privilégient les actifs en dollars durant certaines phases de marché et les évitent durant d’autres.
« L’évolution du dollar est un reflet de l’attitude « risk-on »/« risk-off » des investisseurs », observe Laurent Chaudeurge, membre du comité d’investissement de BDL Capital Management. « Lorsque les investisseurs veulent réduire le risque de leurs portefeuilles, ils ont tendance à être acheteurs d’actifs en dollars, ce qui soutient la devise. Mais lorsqu’ils sont prêts à prendre plus de risques, ils ont tendance à regarder hors des Etats-Unis, ce qui se traduit par une baisse du dollar. »
Dans l’épisode actuel de baisse du dollar, on observe un regain d’intérêt des investisseurs internationaux pour les actions européennes, motivé par des changements de politique économique en Allemagne et de soutien au secteur de la défense. La cherté relative des actions américaines est également un frein à l’attrait des investisseurs pour les actifs en dollars.
En outre, les craintes de dérapage du déficit public américain ont entraîné une hausse des rendements des bons du Trésor, reflet d’un moindre appétit des investisseurs internationaux.
« Face aux feux provoqués par Trump, l’Europe a répondu par des contre-feux : poursuite de la baisse des taux de la BCE et réaction allemande sur les déficits publics et son plan d’investissement dans les infrastructures », note François-Xavier Chauchat, économiste et gérant chez Dorval AM. « L’Europe devient capable d’adopter le ‘policy-mix’ idéal pour la zone euro – politique budgétaire plutôt neutre et politique monétaire qui est le principal soutien pour les économies les plus fragiles, comme la France. »
Dans ce contexte, les investisseurs hésitent moins à revoir leur allocation et à s’intéresser davantage aux actifs en euros, dont les actions françaises.
D’autres facteurs comme le style de gestion ou les biais sectoriels jouent
Le dollar n’est pas le seul élément qui peut influencer la performance des actions françaises. L’impact des facteurs de style ou les expositions sectorielles des différentes places boursières ont une influence.
« Nous avons observé que lorsque le dollar baisse, le facteur ‘value’ surperforme », observe Laurent Chaudeurge, expliquant que les investisseurs sont prêts à prendre plus de risque et donc à sortir des actifs en dollars pour privilégier ceux en euros.
Or, les indices boursiers français ont une exposition élevée aux titres « value » : les actions « value » de grande capitalisation représentent 31% de l’indice CAC 40, 25% de l’indice Morningstar France et 22% de l’indice Morningstar Europe, selon les données de Morningstar.
Des titres « value » de la cote parisienne comme BNP Paribas BNP, AXA CS, Engie ENGI, Michelin ML ou Renault RNO ont le plus souvent surperformé le marché français au cours des différentes phases de baisse du dollar observées depuis 2009.
Au-delà des effets de style, les biais sectoriels des indices peuvent aussi avoir une influence en fonction des régimes de change.
Depuis le début de l’année, « les effets sectoriels jouent assez fortement en Europe », souligne Eric Mijot, responsable de la stratégie actions mondiales de Amundi Investment Institute.
« La performance relative des actions françaises par rapport à d’autres places en zone euro est pénalisée par le poids des valeurs de consommation discrétionnaire et de l’industrie. La France sous-performe l’Allemagne, l’Italie ou l’Espagne, où le poids des valeurs cycliques domestiques, notamment des financières, est plus important qu’en France. Ces valeurs devraient profiter de la thématique de la relance européenne (plan infrastructures en Allemagne, programme pour la défense en Europe) et sont moins exposées à la question des tarifs douaniers américains. »
Le marché français est ainsi pénalisé par l’exposition relativement forte aux valeurs du luxe. LVMH MC, première pondération de l’indice Morningstar France, laquelle a perdu près de 27% depuis le 13 janvier. De même, Hermès RMS et Kering KER, sous-performe leur indice de référence, la première ne progressant que de 1,4% depuis le 13 janvier et la second chutant de près de 26% au cours de la même période.
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