L’ETF Ark Innovation obtient une note « Neutral »

Cet ETF recèle d’important risques liés à l’équipe de gestion et au contrôle des risques.    

Robby Greengold 02.04.2021
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Le spécialiste de l’investissement thématique ARK Investment Management a bénéficié de vents porteurs ces dernières années, ce qui s’est traduit par une collecte rapide et massive.

Mais son gérant unique, une équipe de gestion inexpérimentée et des contrôles de risques laxistes le rendent vulnérable à un changement de fortune sur les marchés. Son fonds vedette, ARK Innovation, se voit attribuer une note « Neutral » par la recherche Morningstar.

ARK estime que de nombreux indices actions recèle des titres menacés par l’obsolescence technologie et que les gérants traditionnels tendent à trop coller à leur indice de référence, s’exposant de ce fait à des industries menacées de disparaître.

La société de gestion avance cinq solutions autour de thèmes – intelligence artificielle, blockchain, séquençage de l’ADN, stockage de l’énergie et robotique – qui devraient révolutionner comment les secteurs d’activité vont opérer dans le futur.

En accord avec cette approche, les produits financiers qu’elle propose sont très différents des indices traditionnels.

Le portefeuille de son fonds vedette, ARK Innovation, fait des paris très marqués, et a investi dans des entreprises de toutes tailles. Il est investi dans des entreprises déficitaires, tant que ces dernières investissent massivement pour dépasser des prévisions de croissance déjà élevées.

Plutôt que de parier sur des titres qui vont battre leur indice, la stratégie parie sur des sociétés dont elle estime la croissance à plus de 15% par an sur les cinq prochaines années. Ce taux minimum est le double du rendement annualisé moyen de l’indice Russell Mid Cap Growth (benchmark de la catégorie de la stratégie) depuis 2000.

L’offre d’ETF d’ARK a fait bien mieux que cela. Sa stratégie vedette, qui regroupe les idées présentes dans les six autres ETF gérés activement, a bondi de 150% en 2020. Cette surperformance a attiré des capitaux très importants, et les actifs de la société de gestion ont atteint 80 milliards de dollars fin février 2021 contre 12 milliards il y a un an seulement.

Le risque lié au gérant unique

L’élément clef derrière le succès d’ARK est sa fondatrice, directrice générale et gérante principale, Cathie Wood, qui, après plus de trois décennies dans l’industrie, a lancé sa société en 2014.

Elle a développé le process de sa stratégie lorsqu’elle travaillait chez AllianceBernstein entre 2001 et 2013, où elle pilotait des stratégies similaires à celles proposées par ARK. Ces stratégies ont produit des résultats très mitigés, notamment une forte volatilité, une faible protection à la baisse et des performances décevantes sur le long terme.

Durant les 12 années durant lesquelles Wood gérant le compte séparé AB MA Strategic Research, sa performance totale avant frais a battu l’indice Russell 1000 Growth, mais elle a sous-performé sur une base ajustée du risque.

Le directeur de la recherche Brett Winton pourrait lui succéder en cas de besoin, mais ses 15 années d’expérience n’en incluent aucune en tant que gérant de portefeuille.

L’autre défi de la société de gestion est la rotation des talents. Les analystes vont et viennent et les neuf restant manquent cruellement d’expérience au sein de l’industrie.

Ces analystes ont d’ailleurs des profils qui tranchent nettement avec le profil-type de l’analyste actions dans l’industrie de la gestion d’actifs, le plus souvent titulaire d’un diplôme de niveau Mastère et également titulaire du diplôme de l’institut CFA. Quasiment aucun des analystes d’ARK n’a été au-delà du Bachelor.

Les annonces pour des emplois d’analyste chez ARK ne requièrent quasiment aucune expérience spécifique d’aucune sorte. Ceci se traduit par des profits très variés. Cette variété peut être l’une des sources de créativité et d’innovation de l’équipe de gestion.

Mais son expérience cumulée est plus limitée que celle d’autres sociétés de gestion.

Wood estime que l’organisation traditionnelle des analystes par secteurs d’activité est inadaptée. Elle privilégie une affectation des analystes par spécialité technologique (stockage d’énergie, robotique, fusées réutilisables…).

Cette approche n’est pas illégitime, car certaines technologies peuvent s’adresser à différents types de fournisseurs et d’utilisateurs ainsi que différents secteurs d’activité. Suivre l’accessibilité, le coût ou le taux d’adoption des technologies les plus prometteuses peut offrir un avantage dans la sélection de titres.

Mais ses vues sur ce point ne diffèrent pas de ses concurrents. Nombreuses sont les sociétés de gestion où les analystes cherchent à limiter la spécialisation à outrance et privilégient une approche collaborative dans le suivi des secteurs d’activité.

L’approche de Wook peut également amener à des angles morts en matière de couverture que des firmes mieux pourvues en recherche pourraient ne pas manquer.

Par exemple, seuls deux analystes couvrent la thématique du séquençage du génome humain, et sont en outre peu expérimentés, ce qui peut présenter un désavantage par rapport à des sociétés de gestion mieux pourvues où des analystes aux compétences plus étendues et mieux formés (doctorat, expérience dans l’industrie ou la science) leur permettent d’aborder des sujets très complexes pour suivre les secteurs de la santé, de la biotechnologie ou des sciences de la vie.

Un contrôle des risques laxiste

L’approche agnostique en termes d’indice de référence et les objectifs ambitieux en matière de performance conduisent la société de gestion à prendre des risques qui sont gérés plus à l’instinct par Wood que sur la base de règles préétablies ou de données.

La société de gestion n’a pas de personnel dédié la gestion des risques et n’aborde ce sujet qu’à travers un système de notation qui suit 6 indicateurs liés à la thèse d’investissement sur chaque titre (ces 6 critères sont : 1) société, management, culture ; 2) exécution ; 3) barrières à l’entrée ; 4) leadership des produits ; 5) valorisation ; 6) risques).

Wood construit le portefeuille titre après titre, utilisant le score attribué à chaque société pour déterminer la taille de la position. Mais ces scores ne disent rien sur les sources de risque et de performance de chaque titre, ni s’il y a un risque de corrélation entre titres ou avec des facteurs externes.

ARK utilise peu de paramètres prédéterminés dans la construction de portefeuille, contrairement à la grande majorité des sociétés de gestion. La société indique qu’elle n’investit pas plus de 10% environ dans une société donnée et que moins de la moitié des actifs du fonds ARK Innovation est lié à une technologie donnée.

ARK ne fait aucune promesse en matière de diversification de ses portefeuilles, et avertit ses investisseurs qu’ils doivent s’attendre à un parcours volatil.

Montée des risques

Le portefeuille est devenu moins liquide et plus vulnérable à d’importantes pertes à mesure que sa taille augmentait. Au cours des 12 mois à fin février 2021, les actifs de l’ETF ont été multipliés par 10 à 23 milliards de dollars.

Le fonds a conservé et accru ses positions dans des titres de petites sociétés qui sont plus difficiles à vendre sans avoir un impact matériel sur leur cours de Bourse.

L’ETF est apparu comme l’un des fonds ayant la plus forte concentration de sociétés dont il détenait 10% ou plus des actions en circulation.

ARK a minimisé le fait que le risque de baisse du portefeuille avait augmenté, s’appuyant essentiellement sur les performances passées pour prévoir l’avenir. Sans la présence de professionnels dédiés à la gestion des risques pour tester le portefeuille en période de stress, estimer les pertes potentielles sur une base historique ou de scénarios, et évaluer un scénario du pire, l’équipe de gestion est mal équipée pour se préparer et réagir.

Mais tout ceci dépendra de l’attitude de Wood. Par le passé, cette dernière a privilégié l’amplification d’une position sur les titres les plus risqués lorsque les marchés devenaient incertains.

En période de crise, son approche consiste à céder des titres (« cash-like ») d’entreprises ayant la plus grande diversité de sources de revenu (généralement des grandes capitalisations). Une stratégie déjà appliquée en 2008 chez AllianceBernstein et qui avait conduit son fonds à une perte de 45% avant frais de gestion, contre un recul de 38% pour l’indice Russell 1000 Growth.

Des raisons de douter

L’approche d’ARK présente certains mérites, et la recherche des gains les plus spectaculaires peut attirer des investisseurs agressifs et adeptes de risque, capables d’encaisser des pertes substantielles.

Mais son équipe d’analystes inexpérimentés, son approche en matière de construction de portefeuille et de gestion des risques, de même que la taille du fonds soulèvent de nombreuses questions sur sa capacité à surperformer encore durablement.

 

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A propos de l'auteur

Robby Greengold  est analyste fonds chez Morningstar.