Krach boursier : déjà fini ?

Les marchés ont rebondi la semaine passée, mais pour beaucoup d’observateurs, la baisse n’est pas finie.

Jocelyn Jovène 30.03.2020
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Le krach boursier est-il terminé ? C’est la question que peuvent légitimement se poser de nombreux investisseurs après le rebond spectaculaire des indices boursiers dans le monde entier.

Par rapport au point bas des marchés du 23 mars, la reprise est spectaculaire en effet : 13,6% pour l’ indice S&P 500, 15,9% pour le CAC 40 et pour le Nikke 225, 8,8% pour les marchés émergents (sur la base des cours au 27 mars et sans tenir compte de la baisse de ce lundi 30 mars).

« Bear Market Rally »

Pour certains analystes chartistes, la tendance baissière n’est pas terminée. « Ce rebond de court terme n’est pas un nouveau départ haussier, mais une opportunité de vendre à des cours plus attractifs.

Par extension, dès que les opérateurs constateront que les indices calent de nouveau, soyez certains qu’une avalanche de flux vendeurs s’abattra encore sur les marchés », avertit le responsable de l’analyse technique d’un courtier basé à Paris.

D’autres observateurs pensent qu’il y a plus de chance d’observer un rebond durable vers la fin de l’année. « La nature du choc est temporaire (…) La politique économique est bien outillée pour traiter les défis actuels (…) Les valorisations peuvent être considérées comme offrant des perspectives de rendement sur le long terme attrayantes pour les investisseurs les plus patients », notent les stratégistes de Goldman Sachs dans une note datée du 29 mars.

« Mais pour les investisseurs actifs, cependant, le gros des asymétries est plutôt du côté de la baisse », préviennent-ils, ajoutant que l’un des marqueurs de la reprise réside avant tout dans l’évolution du nombre de nouveaux cas de coronavirus, ainsi qu’une plus grande visibilité sur l’évolution du cycle économique et la manière dont il affecte l’activité des entreprises.

Un krach inédit (encore un)

L’originalité du krach boursier actuel repose sur la conjonction de deux facteurs, totalement imprévus par les marchés : le coronavirus et la crise du pétrole.

Ce qui se passe à Wall Street et sur l’ensemble des marchés boursiers, à l’exception peut-être de certaines places émergentes, est une sorte de mécanisme de double détente.

La première réaction, épidermique, des investisseurs, a consisté à sortir massivement des actifs risqués, en cédant par vague des actifs de qualité diverses. Le fait qe l’on ait récemment observé une baisse tant des actions que des bons du Trésor tend à montrer que l’on arrive peut-être au bout d’un premier mouvement de baisse.

La deuxième jambe de la correction pourrait bien survenir par la suite, lorsque l’on aura une idée un peu plus claire de l’impact sur l’activité des entreprises, le niveau de chômage (les inscriptions hebdomadaires au chômage commencent à remonter aux Etats-Unis), la confiance des consommateurs.

Quand les statistiques économiques dures vont commencer à rendre compte de l’impact du coronavirus, le marché risque d’engager une nouvelle phase de baisse. Son ampleur dépendra de la réponse des politiques économiques et de l’évolution de la crise sanitaire, notamment le reflux du nombre de nouveaux cas.

Ce que « price » le marché

Le P/E du marché américain, si l’on se réfère à l’indice S&P 500, vient de tomber à 13,5x avant de revenir vendredi dernier sur sa moyenne historique de 15,2x sur les 20 dernières années. C’est le niveau atteint fin 2018 aux Etats-Unis.

US SP 500 PE History 20200327

Il faut toutefois noter que si l’on doit revivre un scénario de type 2008, le P/E du marché américain pourrait tomber jusqu’à 9,4x, soit au-delà de 2 écarts-types sous sa moyenne historique, avant d’entamer une phase de rebond.

Il faut aussi observer que jusqu’ici, les estimations de résultats n’ont été que très modérément revues à la baisse, alors que l’on sait que l’économie américaine a de très grandes chances d’entrer en récession, comme le reste du monde.

Cela peut sans doute s’expliquer par le fait que les entreprises ont du mal à évaluer l’impact du coronavirus sur leur activité. Mais les estimations de croissance bénéficiaire autour de 7% sont clairement irréalistes vu l’environnement actuel.

Sur la base des multiples actuels, certains observateurs estiment que le marché américain intègre un déclin de 20% des bénéfices cette année. Au cours des précédentes récessions, les bénéfices des entreprises américaines ont chuté de 25% en moyenne, ce qui signifie que Wall Street s’attend à une récession majeure.

Les conditions d’un rebond durable

D’un point de vue micro-économique, les stratégistes d’UBS rappellent que lors du dernier krach, il a fallu que la vitesse des révisions en baisse des estimations de résultats soit supérieure à la vitesse de baisse des cours pour signaler la proximité d’un point bas sur les marchés actions.

En effet, si les cours ne baissent pas plus vite que les révisions en baisse des estimations de profit des entreprises, cela signifie que les marchés ont déjà intégré l’essentiel des mauvaises nouvelles.

La diminution des spreads sur les marchés de crédit pourrait également servir d’indicateur d’une amélioration de la situation financière des entreprises. De même qu’une détente sur les indices de volatilité des marchés actions (VIX, VVIX, VSTOXX).

A plus long terme, la question sera d’évaluer dans quelle mesure cette crise du coronavirus a affecté la croissance potentielle à travers le monde et si elle ne va pas provoquer des mutations plus profondes et durables de l’économie mondiale et au sein de nombreux secteurs d’activité.

 

 

 

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A propos de l'auteur

Jocelyn Jovène

Jocelyn Jovène  est le rédacteur en chef de Morningstar France.