Récession : comment réagissent les fonds de private equity?

Le principal défi est de trouver des cibles dignes d’intérêt pour pouvoir déployer les capitaux levés.

Jocelyn Jovène 07.06.2017
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L’économie américaine n’est pas (encore) en récession. Pourtant dans l’éventualité où le cycle économique viendrait à se retourner, après 8 années de croissance molle et des incertitudes sur l’accélération de la croissance à court ou moyen terme, quelles sont les perspectives pour l’industrie des fonds d’investissement (private equity) et leurs investisseurs.

Pour les analystes de Pitchbook, le marché nord-américain du private equity est saturé et se traduit par compétition croissante qui déprime les perspectives de rendement de la classe d’actifs.

Certains observateurs s’attendent à un retournement du cycle, incitant à regarder comment les fonds de private equity ont traversé la précédente récession aux Etats-Unis.

Entre 2008 et 2009, le nombre de rachats d’entreprises par effet de levier (LBO) s’était contracté de 47% et la taille médiane des transactions avait plongé de 75 à 30 millions de dollars, avant de rebondir à 68 millions en 2010. Depuis le début de l’année, la taille médiane d’un LBO sur le marché américain atteignait 203 millions de dollars.

Pourtant, au cours de la récession, les fonds d’investissement disposaient de 460 milliards de capitaux prêts à investir. Le problème est qu’à ce moment, les sources de financement bancaire ou sur les marchés étaient inexistantes.

Limités dans leur capacité d’endettement, les fonds de private equity se montraient beaucoup moins actifs en raison de perspectives de rendement moins attrayantes (ou requérant un retour sur capital investi plus élevé en raison d’une structuration des transactions nécessitant plus de capitaux et moins de dette).

Quels défis pour les fonds de private equity ?

Qu’en est-il fin 2016 ? A la différence de la précédente récession, les analystes de Pitchbook estiment dans une note publiée récemment que le problème pour les fonds de private equit réside moins dans la capacité à lever des capitaux qu’à trouver des cibles offrant des rendements suffisamment attrayants.

Fin 2016, ces fonds disposaient de près de 553 milliards de dollars d’argent prêt à être investi (« dry powder ») et des actifs sous gestion de près de 1.000 milliards de dollars.

Le nombre de fonds ayant du capital à déployer pour la période 2012-2016 est 32% supérieur à ceux qui avaient des capitaux à investir au cours des cinq années précédant la récession de 2008.

Les capitaux cherchant à acquérir les mêmes cibles ont fortement augmenté, tant de la part des fonds souverains qu’à travers les transactions secondaires.

A cela s’ajoute l’implication croissante des transactions conduites par des entreprises (les transactions « stratégiques »), avec une augmentation significative des opérations de fusions-acquisitions (1.392 milliards de dollars en 2016 pour 9.847 transactions). Les entreprises sont de plus en plus en compétition avec les fonds d’investissement pour trouver des opportunités de croissance.

Et ceci se retrouve dans le nombre d’entreprises non cotées aux Etats-Unis, qui a diminué de 5% entre 2007 et 2014. En 7 ans, le rythme des destructions d’entreprises a été plus rapide que celui des créations.

Quelle stratégie adopter ?

Face au risque de récession, quelle stratégies les fonds peuvent-ils adopter ? La première approche consiste à envisager le scénario du pire : chute des multiples de valorisation, compression de la rentabilité du capital investi et détention plus longue que prévu des sociétés.

Une autre approche est d’approfondir les phases de « due diligence » (audit préalable) et de bien comprendre comment l’activité d’une entreprise, ses produits ou services réagissent en cas de récession : comment la demande peut-elle évoluer si l’environnement économique se détériore ?

Contrairement à la récession de 2008, les fonds de private equity ont aujourd’hui accès à des sources de financement alternatifs aux banques. Le prêt privé représenterait une source de capitaux de l’ordre de 4.000 milliards de dollars, détenus dans des fonds alternatifs.

Le marché du private equity pourrait enfin évoluer dans deux directions différentes : l’existence de sommes importantes de capitaux prêtes à s’investir (« dry powder ») pourrait se traduire d’un côté par une augmentation de la taille des transactions, et d’un autre côté par une compétition accrue dans l’univers des petites transactions (100 millions à 1 milliard de dollars).

En conclusion, si le risque de récession est difficile à prévoir, les fonds d’investissement peuvent s’y préparer et mieux réfléchir à la manière d’investir le capital levé pour dégager un rendement du capital plus satisfaisant sur le moyen-long terme.

 

L'intégralité de l'étude Pitchbook est disponible sur Morningstar Direct

 

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A propos de l'auteur

Jocelyn Jovène

Jocelyn Jovène  est analyste financier senior et rédacteur en chef de Morningstar France.