Actions européennes : chères malgré des fondamentaux décevants

La marge de sûreté offerte par les actions européennes n’est toujours pas suffisante. La situation pourrait durer tant que les taux resteront bas.

Jocelyn Jovène 28.09.2016
Facebook Twitter LinkedIn

En 2016, les profits des entreprises européennes devraient se contracter de 3%, avant de rebondir de 13% en 2017. Mais au regard d’une croissance économique molle, de niveaux d’endettement élevés et de risques politiques (populisme) et internationaux (Chine), la hausse des profits l’an prochain reste à ce stade très hypothétique.

Les indices actions ont acté cette contre-performance, baissant de 7% depuis le début de l’année. Cette baisse s’explique aux deux tiers par la révision en baisse des estimations de résultat, le reste venant de la légère baisse du multiple de valorisation. Malgré cela, ce dernier reste relativement élevé : à 15x, le P/E à 12 mois de l’indice Stoxx Europe 600 se situe 19% au-dessus de sa moyenne historique 2002-2016 (12,8x).

Comme nous le relevons depuis quelques mois, les actions européennes n’offrent pas de marge de sûreté suffisante. Cette situation n’a guère changé si l’on se base sur la valorisation des actions européennes suivies par Morningstar.

European Coverage Median Priceto Fair Value 20160927

Source : Morningstar Direct.

Depuis 2012, la croissance des profits des entreprises cotées en Europe déçoit (graphique). La reprise des profits n’est pas aussi dynamique qu’espérée, en dépit des efforts de restructuration passés, de la baisse de l’euro et du cours des matières premières.

Variation annuelle des profits des entreprises européennes (Stoxx Europe 600)

Stoxx 600 Net income growth historical 1999 2015

Source: Factset, Morningstar.

La volatilité des devises, les biais sectoriels de l’indice (poids des financières et de l’énergie) ont largement contrebalancé les facteurs de soutien des profits.

Le niveau de marge opérationnelle de l’indice n’a cessé de reculer (passant de 10,64% en 2011 à 7,63% l’an dernier). De nombreux investisseurs blâment le manque de « top line » (croissance du chiffre d’affaires).

Il n’empêche. L’Europe accuse un retard en matière de rentabilité des fonds propres par rapport aux Etats-Unis, pays où malgré le poids des financières, d’autres secteurs (technologies de l’information notamment) ont connu un dynamisme soutenu des profits.

Autre élément défavorable, depuis l’été 2015, les investisseurs fuient les actions européennes. La décollecte sur la classe d’actifs atteint des niveaux significatifs cette année, à près de 72 milliards d’euros en Europe.

L’absence de soutien des fondamentaux et les flux sortants amènent à donc à se demander pourquoi les marchés actions ne baissent pas davantage, dans un contexte où la croissance mondiale pourrait bien rester durablement molle.

L’explication la plus plausible est la faiblesse des taux d’intérêt, liée aux interventions des banques centrales des pays développés. Il existe une relation mécanique entre le coût de l’argent et la valorisation des marchés.

Lorsque les taux sont bas, les investisseurs arbitrent en faveur des actifs plus risqués pour générer du rendement (crédit, actions, voire alternatif). Mais ce faisant ils poussent la valorisation de ces classes d’actifs vers le haut, avec le risque de correction si l’économie et les fondamentaux des entreprises ne suivent pas.

Cette situation peut néanmoins durer un certain temps, car les investisseurs espèrent une poursuite du soutien de la part des banques centrales. Le marché s’attend ainsi à ce que la BCE prolonge son programme d’achat d’actifs (« QE ») qui doit se terminer en mars 2017. Cet environnement de faibles taux demeure précaire.

Compte tenu d’un niveau d’endettement élevé, estimé à 291% du PIB de la zone euro (contre 253% aux Etats-Unis et 481% au Japon selon Morgan Stanley), et d’un niveau de chômage excessif, les perspectives de croissance sont ternes : les ménages hésitent à consommer et les entreprises à investir, ce qui contribue largement à l’absence de croissance du chiffre d’affaires.

De nombreux observateurs appellent de leur vœu la mise en place de politiques de soutien à l’activité aux côtés de politique de l’offre (réformes structurelles), mais ces actions, qui ne produisent de résultats tangibles que sur le long terme, requièrent du courage politique et une bonne dose de pédagogie.

Dans un environnement de marché où les facteurs macro-économiques et politiques pilotent le sentiment des investisseurs et où les fondamentaux restent déprimés, ne pas payer suffisamment attention aux multiples de valorisation risque à la fois de déprimer les rendements futurs et de créer de la volatilité dans les portefeuilles.

Facebook Twitter LinkedIn

A propos de l'auteur

Jocelyn Jovène

Jocelyn Jovène  est analyste financier senior et rédacteur en chef de Morningstar France.