Taux d’intérêt négatif : un problème pour le secteur bancaire ?

L’impact du dispositif, présenté comme une menace par certains courtiers, va surtout obliger les banques à s’adapter sans toutefois créer de catastrophe.

Jocelyn Jovène 02.03.2016
Facebook Twitter LinkedIn

La perspective d’un abaissement des taux de dépôt déjà négatifs auprès de la BCE alarme plusieurs courtiers.

Pour Bank of America Merrill Lynch, ce qui coûtait initialement 0,2 milliard d’euros lorsque les taux de dépôt négatif ont été mis en œuvre fin 2014 coûte actuellement 2 milliards d’euros aux banques.

Un taux de dépôt négatif de 100 points de base représenterait un coût de 20 milliards d’euros fin 2018, selon la banque américaine, soit une ponction représentant 20% des profits du secteur en Europe.

« Avec  une rentabilité des fonds propres déjà inférieur au coût du capital, les taux négatifs entraîneraient une augmentation du coût des prêts et un resserrement des conditions de crédit – et relanceraient le débat sur la viabilité de certaines banques de la zone euro », expliquent Alastair Ryan et Michael Helsby de Merrill Lynch dans une note datée du 2 mars.

Même son de cloche chez Société Générale, où Geoff Dawes s’inquiéte dans une note datée du 26 février des conséquences désastreuses des taux négatifs pour le secteur avec une proportion croissante des actifs bancaires ne rapportant plus rien. « La dynamique du secteur est sérieusement compromise si les taux de dépôt de la BCE atteignent -100 à -120 points de base », écrit-il.

L’expérience des taux négatif est-elle si traumatisante que cela pour les banques ? Ce n’est pas certain.

Plusieurs banques centrales hors zone euro ont mis en place des taux négatifs, fin 2014 ou dans le courant de l’année 2015 : en Suisse, au Danemark et en Suède.  

Dans une évaluation du dispositif publiée sur son site, la Banque nationale de Suède estime que « le taux d’intérêt négatif a eu à ce stade un impact plus ou moins normal sur l’économie suédoise ».

La banque du Danemark estime de son côté qu’après avoir été vu comme « une curiosité », les taux d’intérêt négatifs font désormais partie du pays. « Les taux négatifs peuvent peser sur la rentabilité des banques, mais ces dernières se sont adaptées à la situation », observe l’institution.

Il y a donc clairement un décalage entre ce qu’affirment les courtiers, filiales de banques, et ce que disent les institutions à l’origine du dispositif.

Certes le secteur bancaire a fortement corrigé depuis le début de l’année, mais cela est avant tout lié aux incertitudes sur les exigences en matière de fonds propres de la part de la BCE, qui a clarifié récemment son message, et à des craintes liées à certains risques (pétrole notamment). Cette correction était d'ailleurs jugée excessive par Morningstar.

A plus long terme, la question de la rentabilité du secteur est bien sûr posée, surtout au regard de taux longs toujours sous pression, et de banques qui ont réduit la voilure sur leurs activités autrefois les plus rentables.

Mais si la croissance en Europe parvient à se maintenir, et que les banques sont en mesure de maîtriser, voire d’abaisser, leur coût du risque, elles pourraient bien bénéficier d’un effet de levier sur la reprise de l’activité (effet volume).

Facebook Twitter LinkedIn

A propos de l'auteur

Jocelyn Jovène

Jocelyn Jovène  est analyste financier senior et rédacteur en chef de Morningstar France.