Votre fonds d’obligations “court terme” est-il plus risqué qu’il n’y paraît ?

D'autres facteurs que les taux peuvent jouer et ne doivent pas être négligés.

Mara Dobrescu 23.01.2015
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Morningstar définit les fonds d’obligations « court terme » comme ceux qui affichent une duration inférieure à 3 ans. Ils sont donc situés dans la partie « Faible sensibilité » sur l’axe horizontal de la Morningstar Fixed Income Style Box.

Par construction, ces fonds sont peu sensibles aux variations de taux d’intérêt, ce qui les rend adaptés aux investisseurs qui souhaitent se prémunir contre une hausse des taux. Néanmoins, dans un environnement de taux bas, cette duration structurellement faible implique que le gérant dispose d’une marge de manœuvre limitée pour générer une performance correcte (voire même positive !) après frais.

En effet, alors que les taux à 2 ans en zone euro sont aujourd’hui inférieurs à 0%, les fonds « court terme » facturent des frais annuels de l’ordre de 0,7% en moyenne, pour les parts destinées aux particuliers. Pour espérer délivrer un rendement convenable et battre ses compétiteurs, un gérant de dette court terme doit donc soit bénéficier de frais ultra-compétitifs, soit être prêt à investir sur des titres  plus rémunérateurs, mais également plus risqués.

Le premier cas de figure est illustré par l’essor, ces dernières années, d’offres de gestion passive sur l’univers obligataire, proposées à des tarifs nettement plus compétitifs, de l’ordre de 0,15%. Ces fonds bon marché parviennent à délivrer une performance proche de l’indice de référence, battant par la même occasion leurs concurrents actifs, handicapés par des frais conséquents. 

En voici quelques exemples :

Néanmoins, face à la problématique actuelle du rendement, on constate que la plupart des gérants actifs ont préféré augmenter le niveau de risque du portefeuille, plutôt que de baisser les frais. Ceci est illustré notamment  par une détérioration de la qualité de crédit des obligations en portefeuille.

On constate ainsi que l’exposition moyenne aux obligations à haut rendement (ayant des notations de crédit inférieures à BBB-) a significativement augmenté depuis trois ans pour les fonds de la catégorie Morningstar Emprunts Privés Court Terme et Morningstar Obligations Diversifiées Court Terme. Ces titres « spéculatifs » présentent naturellement un risque de défaut plus important que les titres mieux notés.

Ils sont souvent émis par des entreprises structurellement plus fragiles, ou très endettées, et donc vulnérables à une éventuelle détérioration des conditions de financement sur les marchés. Il peut également s’agir de titres dits « subordonnés », c’est-à-dire moins prioritaires dans l’ordre de remboursement, en cas de défaut. 

Bon nombre de ces fonds se retrouvent ainsi dans la partie « mauvaise qualité de crédit », sur l’axe vertical de la Fixed Income Style Box, comme l’illustre le graphique en tête de cet article.

Quelques idées de fonds

Parmi les fonds couverts par les analystes fonds Morningstar, AXA WF Euro Credit Short Duration  (noté Bronze) affiche à fin Septembre 2014 une allocation de 7% aux obligations « high yield », de notation BB. Le processus de gestion permet à la gérante, Boutaina Deixonne, de s’exposer aux titres moins bien notés dans une limite de 5% des actifs, voire ponctuellement jusqu’à 10% si les opportunités de valorisation identifiées par l’équipe sont particulièrement attractives.

Cette latitude a cependant été utilisée de manière responsable sous la houlette de la gérante, et le fonds a conservé à tout moment un profil de risque similaire à celui de sa catégorie, tout en délivrant une surperformance modeste, mais régulière. Sur 5 ans à fin novembre 2014, le fonds devance 68% de ses concurrents.

Carmignac Sécurité (également noté Bronze par les analystes Morningstar) affiche également un profil de risque marqué. Ce fonds d’obligations diversifiées, avec une approche opportuniste, se distingue de la plupart de ses pairs par sa capacité à investir de façon agressive sur les emprunts privés (y compris sur le « high yield » jusqu’à 10%).

A fin octobre 2014, le gérant, Keith Ney, conservait une surexposition importante aux obligations du secteur financier (82% de la poche crédit), avec une préférence pour  les émissions subordonnées des banques italiennes et irlandaises. Le fonds peut également investir sur la dette gouvernementale et privée de pays émergents, en euros, un facteur différenciant par rapport à ses concurrents.

Le fonds BGF Euro Short Duration Bond (noté Silver) se situe quant à lui dans la partie « qualité de crédit moyenne » de la Fixed Income Style Box. Néanmoins, le gérant, Michael Krautzberger (nommé gérant obligataire de l’année par Morningstar en 2014) bénéficie d’une latitude non négligeable pour investir sur les tires « high yield » (8,6% de l’actif du fonds à fin octobre 2014). Ces paris sont néanmoins encadrés par une fourchette de « tracking-error » (erreur de suivi par rapport à l’indice de référence, le Barclays Euro Aggregate 1-3 ans) de 0,5% à 2%. Sous sa responsabilité depuis Juin 2006, jusqu’à fin novembre 2014, le fonds affiche une volatilité légèrement supérieure à ses concurrents, et une perte maximale plus élevée, mais ces risques ont été compensés par une forte surperformance, et le fonds affiche ainsi un couple rendement-risque attractif.

Il ne faut donc pas céder à la panique, mais être conscient de ces risques pour investir en pleine connaissance de cause. Les investisseurs qui ont acheté un fonds court terme en tant que cœur de portefeuille défensif ont tout intérêt à rester vigilants sur la qualité de crédit de leur placement pour être sûrs que le fonds répond toujours à leurs attentes. La Morningstar Fixed Income Style Box est l’un des outils qu’ils peuvent utiliser pour sélectionner les fonds et pour les suivre dans le temps, à la fois sous l’angle du risque de taux et sous l’angle du risque de crédit.

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A propos de l'auteur

Mara Dobrescu

Mara Dobrescu  est analyste Fonds chez Morningstar France