L'énigme de l'investissement aux Etats-Unis-J.P.Morgan AM

Le redémarrage tardif de l'investissement n'est pas une réelle surprise. Mais il ne faudrait pas que ce retard se prolonge de trop.

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Cet article fait partie de la série "Perspective", qui regroupe des contributions externes. Le texte suivant a été rédigé par l'équipe des stratégistes de J.P.Morgan Asset Management. 

On a beaucoup écrit sur la réticence supposée des entreprises américaines (US) à investir pour développer leur activité. Dans le même ordre d’idée, elles préfèreraient affecter leurs abondantes réserves financières au rachat de leurs propres actions.

Cependant, un examen plus attentif des statistiques des Etats-Unis ne corrobore pas nécessairement ces conclusions sommaires.

Dans une perspective économique d’ensemble, la part de l’investissement total des entreprises dans le PIB a en réalité fortement progressé par rapport aux bas niveaux atteints lors de la récession et ne semble pas particulièrement faible.

Selon les économistes de J.P. Morgan, elle se situe actuellement à 12,3 % au premier trimestre, soit un niveau légèrement supérieur à la moyenne de 11,9 % enregistrée depuis 1947 et seulement très légèrement inférieure à la moyenne de 12,5 % de ces 25 dernières années.

Dans ces conditions, la faiblesse de l’investissement serait-elle plutôt le fait des sociétés cotées ? Là encore, la démonstration reste à faire. En utilisant les données d’un indice très large des actions américaines (US), le ratio investissements/chiffre d’affaires atteint 7 %, soit un niveau légèrement supérieur à la moyenne de 6,3 % des 25 dernières années (chiffre qui, il est vrai, fait abstraction des modifications apportées aux amortissements).

Ceci dit, l’idée d’un environnement marqué par l’atonie des investissements n’est pas totalement fausse. La croissance en variation annuelle des investissements des entreprises a spectaculairement ralenti au cours des deux ou trois dernières années.

Elle est actuellement très légèrement inférieure à 5 %, après avoir enregistré des pics de croissance supérieurs à 30% au cours du rebond qui a suivi la récession, et elle était encore supérieure à 10 % au cours de la plus grande partie de l’année dernière.

Comment réconcilier ces deux idées apparemment contradictoires ? La réponse semble résider dans le fait que les investissements des entreprises et leur chiffre d’affaires ont ralenti de concert – en ligne avec l’évolution de l’activité économique.

Ce phénomène n’est pas très surprenant dans la mesure où ces deux éléments tendent à être fortement corrélés : la croissance annuelle du chiffre d’affaires des entreprises et celle de leurs investissements affichent une corrélation proche de 70 % au cours des 25 dernières années.

Il est exact que l’on a constaté un certaine hausse des chiffres d’affaires au cours de ces derniers mois et que celle-ci ne s’est pas encore traduite par la moindre hausse de la croissance des investissements. Cette évolution ne diverge pas encore totalement avec les retards historiques enregistrés dans le passé mais elle s’approche désormais du point de rupture.

Ceci nous amène à un débat du type de celui de la poule et de l’oeuf. L’investissement est-il le facteur clé de l’activité économique ou est-ce l’amélioration de l’activité qui déclenche la hausse des investissements ? En réalité, cette relation est fortement réflexive — c’est à dire qu’elle se développe dans les deux directions. L’investissement n’est qu’un facteur (il est vrai important) de la demande dans l’économie et il dépend fortement de ce que Keynes appelait “l’esprit animal”.

Plutôt qu’un phénomène inquiétant en cours de déploiement, il se peut tout simplement qu’il ait subi une dépression générée par un haut niveau d’incertitude ? En examinant les données, on remarque que la croissance des investissements dans l’ensemble de l’économie a enregistré une baisse de régime prononcée au milieu de l’année 2012 — période de forte incertitude politique aux Etats-Unis (et bien après que les effets de base issus de la récession ne se soient résorbés).

Est-ce aller trop loin que de suggérer que le ralentissement des investissements aux Etats-Unis a été en grande partie provoqué par les interminables débats sur le plafond de la dette, la fermeture des services publics et enfin les conséquences de la Sequestration (coupes automatiques dans les dépenses) ? Les conditions climatiques extrêmes de cet hiver aux Etats-Unis auraient également contribué à retarder encore davantage la reprise.

Si ce qui précède est, dans une certaine mesure, hypothétique, nous pouvons néanmoins affirmer que la vision majoritaire du consensus concernant une accélération de la croissance économique cette année et l’an prochain repose certainement sur une contribution significative de la progression des investissements.

Les indicateurs avancés de l’investissement confortent certainement cette idée, comme par exemple les résultats de l’enquête de la FED de Philadelphie sur les intentions d’investissement à six mois : celles-ci atteignent des niveaux proches de ceux des hauts de cycle et impliquent une croissance à un chiffre des investissements de l’économie dans son ensemble, se situant dans le haut de la fourchette.

Qu’en est-il alors de l’idée que les dirigeants des entreprises préfèrent simplement utiliser leurs liquidités pour racheter leurs propres actions plutôt que pour investir, contribuant ainsi à brider l’économie ? S’il est exact que les entreprises américaines (US) consacrent une part beaucoup plus importante de leurs ressources financières au rachat de leurs propres actions que les entreprises des autres zones géographiques, il est loin d’être évident que ces rachats d’actions les auraient dissuadé d’investir dans leur activité.

Il semble qu’elles ont réussi à faire les deux. La preuve en est, comme précisé ci-dessus, que le niveau des investissements ne semble pas anormalement faible par rapport à l’activité. Un autre élément doit être pris en considération : le fait que la part du flux de trésorerie disponible des sociétés américaines consacrée aux investissements, de l’ordre de 40 %, ne semble pas non plus excessivement faible.

Au contraire, le montant des flux de trésorerie disponible (c’est à dire après investissements et dividendes) généré par rapport au niveau des chiffres d’affaires est proche de ses records historiques – confortant de nouveau l’idée que les entreprises ont été capables de faire les deux.

Dans l’ensemble, nous ne voyons pas de raison sérieuse de conclure au caractère structurellement anormal de l’investissement dans l’économie américaine (US), ni de remettre en question notre perspective d’un redressement raisonnablement robuste de l’activité aux Etats-Unis pour le reste de l’année.

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A propos de l'auteur

J.P.Morgan Asset Management  J.P.Morgan Asset Management est une filiale de J.P.Morgan.