L’économie a toujours besoin de la Fed

Réduire trop brutalement les achats d’actifs serait trop risqué dans l’environnement économique actuel, selon Robert Johnson de Morningstar.

Jason Stipp 19.12.2013
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Jason Stipp : La Réserve fédérale a annoncé hier son intention de réduire ses achats mensuels d’actifs de 85 à 75 milliards de dollars. Je suis Jason Stipp de Morningstar. Le marché a bien réagi à la nouvelle – dans un premier temps tout du moins. Nous sommes en compagnie de Bob Johnson, le directeur de la recherche économique de Morningstar, pour avoir son avis sur cette annonce. Merci d’être avec nous Bob.

Bob Johnson : Ravi d’être là.

Jason Stipp : Ben Bernanke a decidé de réduire les achats d’actifs. Cela aura différents types d’impacts. A votre avis, est-ce une bonne décision pour la Fed au regard de l’environnement économique ?

Bob Johnson : Je pense que c’était le bon moment d’agir. Peut-être est-ce dû au fait qu’il s’agit de la dernière réunion de la Fed, mais c’est une bonne chose d’avoir démarré sous sa présidence, car il y a une sorte de règle non écrite qui veut que lorsqu’un nouveau Président arrive à la tête de la Fed, l’idée est de ne pas secouer le cocotier et de tout changer lors des premiers comités de politique monétaire. Je suis content que les choses avancent et que le « tapering » ait démarré. Toute la spéculation sur le sujet est terminée et les gens peuvent désormais se focaliser sur l’économie réelle.

Jason Stipp : La Fed prévoit toujours d’acheter des actifs. Pensez-vous que l’on ait encore besoin d’autant de stimulus ?

Bob Johnson : La politique budgétaire est tendue, avec le séquestre et les négociations autour du budget et du déficit. Les tensions politiques sont toujours là. Nous n’avons jamais réduit le déficit dans les proportions observées en 2013.

Maintenant, en [2014], nous avons tout un spectre d’éléments bizarres de la part du gouvernement qui pèseront sur les statistiques. Je suis donc content que la Fed maintienne une politique monétaire accommodante. Nous avons par exemple le programme FHA de refinancement des prêts immobilier. Les moyens de ce programme seront réduits, tout d’abord dans les villes où les prix sont élevés, puis dans l’ensemble des villes. Cela aura un impact sur le marché immobilier.

Nous avons vu le programme des tickets alimentaires commencer à être réduit en novembre. Cela aura certainement des conséquences sur les statistiques à venir.

Le séquestre pèse toujours sur les dépenses obligatoires, même s’il y a eu quelques changements sur la partie discrétionnaire. Certaines dépenses publiques seront de nouveau réduites l’an prochain.

Tout ceci conduira à un nouveau resserrement de la politique budgétaire. Les achats de bons du Trésor seront donc nécessaires pour contrebalancer cet impact au moins partiellement.

Jason Stipp : Pensez-vous qu’il y a un risque accru d’un « tapering » qui serait trop rapide ?

Bob Johnson : Bien sûr, et la raison première est le taux d’inflation. L’inflation se situe actuellement autour de 1,2% en rythme annuel, et l’objectif de la Fed se situe plus près de 2%. Nous sommes donc très en-deçà de l’objectif. Cela peut peut-être s’expliquer en partie par certains éléments comme le prix de l’essence, mais il y a malgré tout des inquiétudes quant au risque de déflation, ce qui donne un peu de marge de manœuvre pour agir. Si l’on avait un environnement inflationniste, il serait logique d’arrêter une partie des achats d’actifs. Mais actuellement, le problème est inverse.

Jason Stipp : Comme vous le souligniez, la politique budgétaire est restrictive, cela signifie-t-il qu’il y a peu de marges de manœuvre du côté de la politique monétaire ?

Bob Johnson : La politique monétaire doit rester accommodante.

Jason Stipp : Parlons des prévisions de la Fed. Elle anticipe une croissance du PIB de 2,8% à 3,2% l’an prochain. Quelle est votre vue sur le sujet ?

Bob Johnson : Je suis en-deçà du consensus et de ce chiffre. Ma prévision est entre 2% et 2,5%, sans modification notable depuis 3 ans.

Je pense qu’il y aura des facteurs positifs en 2014. La politique budgétaire pèsera un peu moins sur l’activité, mais d’un autre côté, vous aurez sans doute une légère augmentation des taux d’intérêt. Les ventes d’automobiles et de logement n’augmenteront sans doute pas aussi vite que cette année.

Et comme je le soulignais, il y aura un effet fiscal défavorable. Il ne s’agit pas de prendre l’effet négatif de 1,5% du PIB de cette année et de le reporter l’an prochain. Certains décrets de l’année dernière affecteront l’activité cette année et les années à venir. Dans l’ensemble, l’effet sera légèrement négatif.

Jason Stipp : Si l’activité devait être plus faible que ce qu’anticipe la Fed, pensez-vous qu’elle pourrait considérer d’accroître son soutien à l’économie ?

Bob Johnson : Leur programme dépend avant tout des statistiques qui seront publiées. Si nous avons quelques mois avec de bonnes statistiques, la réduction des achats d’actifs se poursuivra, pour atteindre par exemple 65 milliards de dollars par mois. Si la situation évolue moins bien que prévu, il y a aura une pause. Je ne les vois pas revenir vers un rythme d’achat de 85 milliards de dollars. C’est une opinion, mais je ne les vois pas revenir en arrière, sauf si la situation se détériorait de manière significative.

Jason Stipp : La Fedn’apas mentionné de hausse des taux directeurs, ce qui signifie que ces derniers resteront proches de zéro pendant un bon moment.

Bob Johnson : La Fed a même clarifié la situation. Tant que nous n’aurons pas franchi à la baisse le seuil de 6,5% de taux de chômage, l’hypothèse d’une remontée des taux sera lointaine. Cela devra être bien en-deçà de 6,5%. Cela est-il dû à la baisse du taux de participation ? Cela est-il dû à une mauvaise raison ?

Jason Stipp : Bob, merci pour votre mise en perspective de cette annonce.

Bob Johnson : Merci.

Jason Stipp : Pour Morningstar, je suis Jason Stipp. Merci de nous avoir regardés.

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A propos de l'auteur

Jason Stipp  Jason Stipp is Site Editor for Morningstar.com