Après Lehman : les avis des experts Morningstar

5 ans après la faillite de Lehman Brothers, les experts de Morningstar soulignent le rôle des émotions, de la liquidité, et de l’effet de levier.

Jason Stipp 16.09.2013
Facebook Twitter LinkedIn

 

Jason Stipp : Je suis Jason Stipp pour Morningstar. Il y a 5 ans, la chute de Lehman Brothers transformait une crise immobilière locale en crise financière globale, ébranlant les marchés financiers et provoquant de lourdes pertes pour les investisseurs. 5 ans plus tard, le système financier s’est stabilisé, les marchés atteignent de nouveaux plus hauts et l’économie – bien que peu dynamique – reste sur un trend de croissance.

Quelles leçons avons-nous retiré de cette crise, qu’aurions-nous dû retenir ? Les experts de Morningstar offrent leurs perspectives sur le sujet.

Heather Brilliant : Je pense qu’une leçon importante pour les investisseurs est de prendre en compte l’effet de levier. Avant la crise financière, le marché portait peu d’attention à la quantité de dette supportée par les entreprises, et ce qu’il se passerait en cas d’événement inattendu ou de retournement de la conjoncture, et quel impact cela aurait sur ces sociétés.

Beaucoup d’investisseurs ont appris dans la douleur que l’effet de levier peut signifier que la valeur de votre capital peut disparaître. Je pense désormais que plus les investisseurs en actions feront attention au niveau d’endettement, meilleure sera leur situation sur longue période.

Russ Kinnel : Un plan solide peut résister même aux pires crises. Nous avons vu que les marchés, l’économie, et nos portefeuilles de court terme étaient plus fragiles que nous le pensions, mais que sur longue période ils étaient plus solides que prévu. Les investisseurs qui sont restés disciplinés et avaient un bon plan d’investissement s’en sont bien sortis. Ceux qui ont paniqué, et qui n’avaient peut- être pas choisi les bons endroits, sont ceux qui souffrent encore, parce que les marchés et nos portefeuilles ont retrouvé leurs niveaux d’avant-crise.

Scott Burns : Je ne sais pas si cela a été la principale leçon, mais cela devrait l’être et cela a trait à la liquidité de l’investisseur. Les personnes qui ont le plus souffert pendant la crise, celles qui ont perdu beaucoup et n’étaient pas en mesure de profiter du rebond des marchés, étaient celles dont le niveau de liquidité et la tolérance au risque n’étaient pas adaptés.

Certains ont subi des dommages terribles, pensant qu’ils disposaient d’investissements suffisamment liquides. Il n’ont pas pris conscience du risque d’illiquidité de leur maison, de leur exposition à certains hedge funds ou à de l’immobilier non coté – des supports qui mobilisent des montants importants de capitaux et qui subissent de plein fouet la chute des marchés, en particulier s’ils obligés de liquider des actifs.

C’est l’une des leçons à retenir. Les gens qui avaient le bon plan d’action durant la crise ont été en mesure d’acheter, de conserver et de rebalancer leur portefeuille. Ils ont sans doute subi une baisse de valeur de leur portefeuille sur le papier pendant les points bas du marché, mais ont également suivi le rebond des marchés [pendant la phase de reprise économique].

Bob Johnson : Je pense que la récession et la reprise ont été différentes, et que la principale leçon que les gens doivent retirer est que toutes les reprises et les récessions ne sont pas les mêmes. Nous avons débuté la reprise en envisageant un rebond rectiligne et rapide. C’était l’une des pires récessions, donc le rebond devrait être spectaculaire.

Dans une récession typique, la Fed relève ses taux pour limiter l’inflation. Cela conduit les secteurs les plus sensibles comme l’automobile ou l’immobilier à chuter. Puis la Fed lève un peu le pied du frein, et l’économie redémarre avec le recul des taux. C’est le schéma classique. C’était le schéma de 9 des 10 dernières reprises observées depuis la Second guerre mondiale.

Mais comme on l’a vu, la crise était de nature financière, ce qui a ralenti le rythme de la reprise et en a fait la reprise la plus lente à ce jour.

Une autre leçon de la reprise est quelque-chose de plus durable – que la lenteur de la reprise n’est pas forcément une mauvaise chose. Nous avons un long mouvement de reprise économique, et cela est probablement lié au fait que la reprise du marché de l’immobilier a été limitée jusqu’ici et que nous n’en sommes qu’à la moitié environ du chemin à parcourir en termes de mises en chantier. Il y a donc un long chemin à parcourir, en termes de pourcentage du PIB. Nous voyons du potentiel pour un doublement du marché dans les 5 prochaines années. Je pense qu’il y a donc un gros potentiel de hausse au fur et à mesure de la poursuite de la reprise.

Don Phillips : Une grande leçon est que le marché peut vous envoyer beaucoup de signaux et qu’il est très difficile d’arriver à voir ce qui se passe réellement. Mais vous avez les moyens d’agir et de vous protéger y compris durant les tempêtes les plus sévères. Si l’on regarde la crise financière que nous avons connue, la pire de nos vies, la faillite de Lehman, nous avons entendu sans cesse à quel point c’était terrible. Mais l’une des choses intéressantes à noter était le communiqué de Vanguard, je crois, à l’automne 2011, signalant que la situation moyenne de leurs plans 401(k) était supérieure à ce qu’elle était avant la crise.

Si vous y réfléchissez un instant, si vous aviez un portefeuille bien diversifié, si vous le rebalanciez de manière systématique et si vous moyenniez à la baisse, et si vous ne tentiez pas quelque-chose de fou comme prévoir les mouvements du marché, rentrer, sortir, vous auriez survécu la pire crise financière de notre histoire. Vous en seriez déjà sorti 4 ans après y être entré.

John Rekenthaler : La principale leçon que la crise de Lehman nous a enseigné était la mauvaise ; elle nous appris à avoir peur. Lehman était un moment épouvantable en tant qu’investisseur en actions, et cela a placé le pays dans ce que j’ai appelé le « national investment funk ». Depuis, les gens ont peur de la Bourse, alors que l’on observe une reprise de l’économie et des marchés en nette hausse. Ce rebond de la Bourse a été bien discret puisque personne ne semble s’en être aperçu. Il y a toujours ce sentiment que lorsque nous n’allons pas bien, la Bourse elle se porte comme un charme.

La leçon que nous aurions dû retirer est que quoi que nous essayions pour contrôler nos émotions en matière d’investissement, le plus est l’ami du mieux. Ce n’est pas que la peur ; l’avidité dans un marché haussier peut tout autant être une source de problème. Mais les émotions risquent de nous emmener du mauvais côté après un événement majeur. Tout ce que l’on peut faire en tant qu’investisseur pour aller à l’encontre des émotions les plus naturelles pendant certaines phases de marché ne peut qu’être bénéfique à notre portefeuille.

Facebook Twitter LinkedIn

A propos de l'auteur

Jason Stipp  Jason Stipp is Site Editor for Morningstar.com