Le rôle de la confiance

Dans son dernier memo, Howard Marks rappelle qu'un excès de confiance est souvent le précurseur à des catastrophes boursières. Une situation dont on est encore loin aujourd'hui.

Jocelyn Jovène 06.08.2013
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La confiance ne se mesure pas ou mal. Et pourtant, elle joue un rôle capital dans le fonctionnement des marchés et de l'économie. C'est parce que les agents économiques ont confiance dans l'avenir, qu'ils peuvent se projeter et s'engager à consommer ou à investir, et à participer à l'expansion économique.

La confiance est au coeur du dernier mémo d'Howard Marks, patron du fonds d'investissement Oaktree Capital Management et l'un des investisseurs les plus respectés dans le monde, parce que sa parole est rare, mais toujours très perspicace (on peut lire un récent entretien accordé à Jason Stipp, l'éditeur de Morningstar aux Etats-Unis).

Pourquoi un tel thème ? Tout simplement parce qu'aujourd'hui, les investisseurs se posent beaucoup de questions sur l'état de l'économie, la situation des finances publiques, la capacité des dirigeants politiques à tracer un avenir et des banques centrales à ne pas jouer avec le feu... Autant de questions - listées par Howard Marks - qui montrent que l'on est encore loin de l'excès de confiance caractéristique de l'avant-crise.

Mais l'excès de confiance est-il une bonne chose en soi ? Pas vraiment si l'on en croit Marks:

"Un sentiment de bien-être caractérisé par une grande confiance crée des conditions agréables mais encourage des comportements dangereux et une ascension (de l'économie et des marchés financiers) qui rend inévitable une correction. Dans ce sens, l'attitude de moindre de confiance de 2013 crée un environnement mou, sans dynamique, moins enviable, mais aussi offre des bases préférables et plus prudentes pour l'avenir."

Pour Marks, l'excès de confiance est à craindre, car il signifie que les agents économiques deviennent moins conscients des risques qui montent dans l'économie ou sur les marchés.

La confiance évolue en mouvement de balancier. On passe d'un excès de confiance, synonyme de plus haut sur les marchés (en 2000 ou en 2007) au pessimisme le plus complet (en 2002, en 2008 ou en 2011), lequel correspond généralement à des points d'entrée intéressants.

Le problème, aujourd'hui, est que la confiance des investisseurs est un peu forcée. L'économie affiche une croissance molle, mais les prix des actifs risqués montent en grande partie à cause de l'action des banques centrales.

Les fondamentaux de l'économie ou des entreprises donnent plus l'impression que la reprise tarde à prendre en forme et que les sociétés hésitent à investir et à embaucher (même si elles ont fait un gros travail de réduction de leurs coûts, ce qui explique que les marges sont à des niveaux historiquement élevés).

Dans un tel contexte, le niveau de confiance reste faible, mais pour une bonne raison: personne ne sait vraiment ce que les politiques des banques centrales produiront comme effet. Ou plutôt, l'histoire récente montre que les injections de liquidités massives n'ont que rarement permis aux économies de repartir de l'avant...

"Il est plus facile de savoir quoi faire aux extrêmes qu'au milieu du gué, où je pense que nous sommes aujourd'hui. Comme je l'ai écrit dans mon livre, lorsqu'il n'y a rien d'intelligent à faire, l'erreur consiste à chercher à être intelligent. Aujourd'hui, il semble que le meilleur que l'on puisse faire est d'investir prudemment dans les mois à venir, en évitant l'agressivité et en se rappelant d'agir avec prudence."

Et Marks de citer Seth Klarman, autre très grand investisseur, qui affirmait récemment:

"Il n'y a pas de repas gratuit en économie: si les gouvernements pouvaient imprimer ou emprunter des sommes astronomiques sans conséquences économiques majeures, pourquoi ne le feraient-ils pas en permanence, en déjouant toujours les retournements du cycle pendant que leurs pays s'épanouissent dans une prospérité sans limite? En effet, il semble évident qu'un confiance déplacé dans la Fed a grandement contribué à des années de complaisance qui ont produit le retournement de 2008 et la crise financier qui a suivi.

Bien sûr, il y aura un prix à payer pour les excès des politiques conduites aujourd'hui - une réaction d'ampleur égale et opposée. Nous ne l'avons pas encore vu. Cela prendra-t-il la forme d'un effondrement du dollar ou de la fin de l'hégémonie du dollar, des taux d'intérêt élevés, l'incapacité du gouvernement à vendre des bons du Trésor et une inflation galopante, une récession dévastatrice qui obligera à des sacrifices impossibles, ou autre chose? Nous le saurons bien assez tôt.

(...)

Lorsque vous dites aux gens qu'il peuvent profiter d'un repas gratuit avec des taux d'intérêt extrêmement bas, des achats massifs par la Fed de bons du Trésor, des trillions de dollars d'augmentation du bilan de la Fed, et des déficits abyssaux loin dans le temps, ils sont à juste raison sceptiques pas parce qu'ils savent précisément ce qui les attend, mais parce qu'ils sont certains que personne d'autre - y compris, ou surtout, les dirigeants politiques - ne le sait."

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A propos de l'auteur

Jocelyn Jovène

Jocelyn Jovène  est analyste financier senior et rédacteur en chef de Morningstar France.