Après le Japon, la Chine corrige

Les craintes sur le système financier chinois font chuter la Bourse à un plus bas de deux ans.

Jocelyn Jovène 25.06.2013
Facebook Twitter LinkedIn

Après l'Empire du Soleil Levant, l'Empire du Milieu fait trembler la planète finance. En cause, la décision des autorités monétaires chinoises de restreindre l'accès au crédit, ce qui pourrait mettre à mal le pan non-régulé de l'industrie financière locale, dénommé "shadow banking".

Regain de volatilité

Ces derniers jours, les déclarations de la Banque de Chine ont provoqué un bond du niveau des taux interbancaires (prix de l'argent que les banques se prêtent entre elles). La chute de la Bourse chinoise, déjà bien engagée depuis quelques mois (graphique), s'est amplifiée pour retrouver des plus bas depuis 2 ans.

"L'opinion très répandue que Pékin peut alimenter une croissance rapide de l'économie s'est dissipée au cours des mois récents. Les analystes se rendent compte que le rééquilibrage économique en cours se traduira par une croissance durablement plus faible", écrivent les analystes du Roubini Global Economics.

Le rééquilibrage hors des investissements non productifs devrait se traduire par une croissance de 7,5% en 2013 et de 6,8% en 2014, prévoit l'institut économique.

Pour les économistes de Groupama AM, qui tablent sur une hausse du PIB de 7,3% en 2014 (contre 7,6% pour le consensus), la forte croissance du crédit ces dernières années doit être stoppée. 

Mais à l'inverse de nombreuses économies développées, la Chine dispose de certains atouts, en particulier des réserves de change très conséquentes et la possibilité d'augmenter de manière significative le niveau des réserves obligatoires du système bancaire.

Dilemme pour les investisseurs

La baisse de la Bourse chinoise amène les ratios de valorisation à des niveaux en apparence particulièrement déprimés: l'indice Shanghai Composite vaudrait 7,7 fois le résultat attendu pour les 12 prochains mois.

Mais cette compression des multiples boursiers chinois aurait une explication fondamentale, selon les stratégistes de Deutsche Bank: "les investisseurs dans les actions émergentes ne s'exposent pas à la croissance bénéficiaire [de la zone]. Ils s'exposent à une croissance du capital dilutive [pour les résultats]", écrivent-ils dans une étude datée du 21 juin.

Les investisseurs sont donc confrontés à un dilemme: être contrariant et profiter de valorisations très basses, avec l'espoir que les réformes en cours permettront de stabiliser l'économie chinoise sur un trend de croissance relativement solide; ou s'écarter d'un marché qui pourrait rester volatile encore quelques temps.

Ce risque pourrait d'ailleurs rejaillir sur les actions européennes. Comme le rappellent les stratégistes de Goldman Sachs dans une étude du 20 juin, environ 25% des ventes des sociétés composant l'indice Stoxx 600 sont réalisées dans les marchés émergents et en Asie.

Réformes structurelles

Paradoxalement, la Chine est elle aussi confrontée à un gonflement de son endettement (autour de 210-220% du PIB selon Citi - dont seulement 45-52% au niveau de l'Etat central). Elle a donc elle aussi besoin de mettre en place des réformes structurelles, de nature différente des pays développés, puisqu'elles devraient porter sur la mise en place d'infrastructures à même d'assurer une croissance autonome.

Tout ceci devrait se retrouver dans les choix clairs du gouvernement chinois de piloter le changement de modèle économique du pays (d'une croissance tirée par les exportations à une croissance fondée sur la demande intérieure).

"Le resserrement de la liquidité est une autre indication que le nouveau gouvernement a défini comme priorité la résolution des problèmes structurels", écrivent les économistes de Goldman Sachs dans une note datée du 24 juin. "Ces politique alimenteront la croissance sur le moyen terme, mais testeront la tolérance du gouvernement à l'égard d'une rechute conjoncturelle de l'activité."

 

Facebook Twitter LinkedIn

A propos de l'auteur

Jocelyn Jovène

Jocelyn Jovène  est analyste financier senior et rédacteur en chef de Morningstar France.