Pouvez-vous faire mieux que l’indice ?

Les indices fondamentaux visent à faire mieux que les indices traditionnels, sans les inconvénients de la gestion active.

Alan Rambaldini, 27.10.2010
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Traditionnellement, les performances de la gestion active s’évaluent par rapport à des indices pondérés en fonction de la capitalisation boursière, l’EURO STOXX 50 pour les gestionnaires de portefeuilles européens, ou le FTSE 100 pour les Britanniques par exemple : ces indices représentent au plus près le ‘marché’ et constituent pour les investisseurs la meilleure alternative passive dans cette classe d’actifs. Cette pratique tire son origine de la théorie financière des années 50 et 60, reprise sous les termes génériques de Théorie moderne du portefeuille (TMP)  (de l’anglais Modern Portfolio Theory - MPT) et de Modèle d'évaluation des actifs financiers (MEDAF) (de l’anglais Capital Asset Pricing Model - CAPM). Globalement, la MPT suggère que la diversification apporte à l’investisseur un avantage certain en répartissant le risque associé à chaque titre sur l’ensemble du portefeuille. Le MEDAF, son corollaire, part de l’hypothèse que tous les investisseurs du marché tentent de créer un portefeuille diversifié optimal, et conclut que cette volonté implique que les prix des actions et des obligations soient définis de manière à ce que le portefeuille de marché offre le meilleur compromis entre risque et rentabilité.

Les deux théories supposent que les investisseurs disposent d’indices larges, pondérés selon la capitalisation boursière, qui à ce jour demeurent les principaux outils de la gestion passive et de l’évaluation des performances. Si cette approche a donnée des résultats satisfaisants, les fonds adossés aux indices de capitalisation offrant une alternative économique à la gestion active, certains analystes affirment que les méthodes de pondération désignées collectivement sous le nom d’“indices fondamentaux” pourraient améliorer notablement le couple rendement/risque des indices passifs.

Une stratégie authentiquement passive ou active ?

Les indices fondamentaux recourent à des facteurs autres que la capitalisation boursière pour pondérer les valeurs entrant dans leur composition, tout en conservant pratiquement toutes les actions et obligations du marché pour la diversification. La théorie qui sous-tend les indices fondamentaux a été présentée en 1992 par Eugene Fama et Kenneth French dans "The Cross-Section of Expected Stock Returns", article où ils montrent que la rentabilité des titres sur la période 1963-1990 ne peut pas s’expliquer uniquement par celle du marché. Ils observent que les sociétés de plus petite taille et celles qui affichent une valeur comptable supérieure à leur valeur boursière offrent une meilleure rentabilité que l’indice du marché, avec une volatilité moindre. L’article établissait empiriquement l’intérêt du “value investing”, mais utilisait des portefeuilles limités qui ne prenaient en compte qu’un tiers, voire un dixième du marché. En 2004, des sociétés telles que Dimensional Fund Advisors et Research Affiliates partaient de cette étude pour créer les premiers fonds et indices fondamentaux incluant tous les titres du marché pour apporter une diversification maximum et les rentabilités les plus fortes à partir des small caps et des value stocks.

C’est en fait Research Affiliates qui a forgé le terme d’indices fondamentaux (fundamental indexation) dans un article de 2005. La société a testé sa méthodologie a posteriori sur la période 1962-2004 par rapport au S&P 500 et a constaté qu’elle assurait un rendement excédentaire de 2% par an avec peu ou pas de risque supplémentaire. Des gains de rentabilité du même ordre ont été constatés avec cette même méthodologie dans une étude de 2007 portant sur 23 marchés internationaux.

Théoriquement, si vous admettez que des facteurs tels que la taille et la valeur expliquent des gains de rentabilité, alors seuls les coûts entrant dans l’élaboration et la gestion d’un portefeuille influencé par ces facteurs l’empêcheront d’offrir des performances supérieures à un indice de capitalisation. Les indices fondamentaux s’efforcent de réduire ces coûts de manière à ce que les investisseurs puissent bénéficier des rentabilités plus importantes.

Du fait que les gestionnaires de portefeuilles essaient d’obtenir des performances supérieures au marché global, on prétend souvent que les indices fondamentaux devraient être considérés comme une gestion active et non comme une stratégie béta. A l’inverse, certains estiment que dans la mesure où les indices ne sélectionnent pas les titres mais incluent ceux-là mêmes qui figureraient dans l’indice de capitalisation correspondant, ils peuvent encore être considérés comme passifs. Dans un sens, le débat n’a qu’un caractère sémantique puisque les termes actif ou passif ne sont guère plus que des étiquettes. Plus importante est la question de savoir si cette stratégie répond aux besoins des investisseurs.

Les indices fondamentaux sont-ils adaptés à votre portefeuille ?

Pour répondre à cette question, commençons par examiner les arguments en faveur et en défaveur des indices fondamentaux :

Pour

- A l’inverse des indices fondés sur la capitalisation boursière, les indices fondamentaux ne surpondèrent pas les titres surévalués, en haut d’une bulle spéculative par exemple, et ne sous-pondèrent pas les valeurs sous-évaluées par suite d’une panique du marché. Cette caractéristique explique probablement le haut niveau de performance des indices fondamentaux en 2009.

- Les facteurs intégrés aux indices fondamentaux peuvent servir à diversifier votre portefeuille. Par exemple, si vous possédez un ETF dont le sous-jacent est l’EURO STOXX 50, vous utiliserez un indice fondamental pour réorienter vers des titres à plus faible capitalisation un portefeuille qui penche vers les grandes capitalisations.

- Permette de battre la rentabilité du marché, avec des coûts inférieurs et une transparence supérieure à la gestion active classique.

Contre

- Si les indices pondérés par la capitalisation boursière surpondérer parfois les actions surévaluées, les indices fondamentaux risquent quant à eux de surpondérer les « value traps », ces titres faiblement valorisés… qui risquent de le rester. Voir les faibles performances de ces fonds en 2008, à un moment où la plupart des sociétés financières affichaient des fondamentaux séduisants, avec un cash flow élevé et un ratio cours sur actif net excellent. Mais le marché avait raison et les fondamentaux de ces sociétés se sont rapidement détériorés, entraînant à leur suite les grandes banques et les sociétés de crédit hypothécaire ainsi que les indices fondamentaux qui les surpondéraient.

- La rotation du portefeuille qu’impose la nécessité de rééquilibrer régulièrement les indices fondamentaux se traduit par des coûts de gestion supérieurs à ceux des indices pondérés par la capitalisation boursière.

Il existe une sorte de symétrie dans les avantages et les inconvénients qu’offrent les indices fondamentaux par rapport aux indices de capitalisation. Ainsi, à certains moments, les biais small cap et value des indices fondamentaux conduiront à des performances inférieures à celles de leurs équivalents pondérés par la capitalisation ; mais à d’autres moments, ce sera le contraire. Si l’on admet que tout gain de rentabilité généré par les indices fondamentaux est dû à leur biais small cap et value, il sera sans doute difficile de justifier leur existence alors que des fonds small cap / value existent déjà. Les avantages de la diversification n’apparaissent ni par un écart-type plus faible, ni par des pertes plus faibles que les indices pondérés en capitalisation, même si le rendement théorique des indices fondamentaux est supérieur, à un niveau de risque virtuellement équivalent. Choisir un fonds adossé à un indice fondamental plutôt que l’un des nombreux fonds small cap / value existants reviendra souvent à comparer leurs coûts et leurs frais.

Actuellement, les ETF créés à partir des indices fondamentaux se réduisent à la série d’indices FTSE RAFI (Research Affiliates Fundamental Index), qui pondère les sociétés en fonction de quatre critères : les dividendes versés, le cash flow disponible, le chiffre d’affaires et la valeur comptable. Seules deux sociétés exploitent à l’heure actuelle ces indices, Lyxor ayant choisi une stratégie de réplication synthétique (swap-based) et Powershares la réplication physique.

En dernier ressort, si la gestion indicielle offre en général de meilleures performances que la gestion active, c’est essentiellement en raison de ses faibles coûts. Pour générer des gains de rentabilité, les ETF basés sur les indices fondamentaux doivent surmonter les mêmes obstacles que les stratégies actives et se rapprocher des coûts des indices passifs ‘purs’. Si les résultats observés sont encourageants, c’est une tâche relativement simple pour un statisticien que de rechercher dans les données les facteurs ayant contribué à la surperformance. Mais avant de placer l’un de ces ETF dans votre portefeuille, n’oubliez pas que rien ne vous garantit que les résultats futurs seront à la hauteur des résultats passés. 

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