Peut mieux faire

La France peut améliorer le traitement réservé aux investisseurs dans les fonds.

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En mars dernier, Morningstar publiait son enquête mondiale sur le traitement réservé aux investisseurs dans les fonds, la deuxième du genre. Celle-ci examine l’environnement vécu par les investisseurs dans 22 pays et les note sur quatre critères principaux : régulation et fiscalité, transparence, frais, et médias et pratiques commerciales.  A l’instar de l’Allemagne et du Royaume-Uni, la France obtient la note C+. En tête de classement, les Etats-Unis et Singapour, avec la note A, en dernière position, la Nouvelle Zélande, notée D-.  En Europe, ce sont la Suisse et les Pays Bas qui sont les mieux classés avec la note B.

Cette enquête n’est pas uniquement destinée aux investisseurs. Elle intéresse également en premier plan les autorités de régulation, les différentes associations de gestion ainsi que les média spécialisés. L’objectif du document est de servir de base de réflexion et de contribuer progressivement à l’adoption des meilleures pratiques pour servir  les investisseurs.

La France obtient une note moyenne dans tous les domaines : B pour la régulation et les taxes, C pour la transparence, C pour les frais et commissions, et B- pour les pratiques commerciales et la qualité des média. Notre système de taxation est notamment bien noté car il favorise les investissements sur le long terme. Nos média sont considérés comme de bonne qualité : ils mettent globalement  en avant les bonnes pratiques telles que le maintien d’un horizon d’investissement long par exemple. La transparence et les frais et commissions sont les deux domaines où nous pouvons nous améliorer.

En matière de transparence, nos principaux points faibles concernent la fréquence de publication des inventaires de portefeuille et l’absence d’information sur les gérants. Les inventaires de portefeuilles ne sont généralement diffusés qu’une fois par an, dans le rapport annuel audité. C’est non seulement trop peu mais aussi trop tard : le décalage entre la publication du rapport annuel et la date de l’inventaire de portefeuille est bien souvent supérieur à 6 mois. Sans ces informations, l’investisseur ne connait pas les biais de style d’un fonds, ses paris actifs, ni même son attribution de performance. Dans ces conditions, il est impossible de comparer les fonds entre eux et de faire un choix éclairé. A titre de comparaison, dans les pays les mieux notés dans ce domaine, les Etats-Unis et la Suède, les investisseurs ont accès aux inventaires de portefeuille sur une base trimestrielle. En matière d’information sur les gérants, les sociétés de gestion françaises peuvent également mieux faire. Même si les fiches commerciales mentionnent de plus en plus souvent le nom des gérants, un progrès notable de ces dernières années, les investisseurs n’ont encore bien souvent droit qu’à un « équipe de gestion » (merci pour l’information !) et ne savent surtout pas depuis quand le ou la gérant(e) est aux commandes. Les investisseurs américains eux savent qui gère (en cas de gestion collégiale, le prospectus doit lister les cinq premiers gérants et être amendé à chaque changement), depuis quand, la structure de la rémunération du gérant, et le montant de ses investissements personnels dans le fonds qu’il gère. Le contraste est saisissant.

L’autre domaine où nous pouvons également nous améliorer pour mieux traiter les investisseurs concerne l’ensemble des frais qui leur sont facturés. L’enquête signale que nos fonds monétaires affichent des frais attractifs mais que les fonds actions et obligations disponibles à la vente en France sont plus chers que dans la plupart des autres pays examinés. Sur les fonds obligataires, le ratio médian (pondéré des actifs) des frais est de 1,2%. En Allemagne, le pays européen le mieux noté sur les frais, ce chiffre est de 0,95%. Aux Etats-Unis, le ratio médian est  de 0,75% mais la taille du marché rend la comparaison peut être moins pertinente. Pour les fonds actions, la médiane ressort à 1,9% en France  contre 1,8% en Allemagne.  L’enquête souligne également qu’en France, mais aussi dans la plupart des autres pays analysés, les commissions de performance asymétriques sont autorisées : c'est-à-dire que le gérant est récompensé en cas de succès mais n’est pas pénalisé en cas d’échec. Aux Etats-Unis et en Norvège, seules les commissions de performance symétriques sont autorisées. Rares sont les sociétés de gestion qui s’y risquent. Intéressant …

Bien. Notre industrie n’est pas parfaite mais des progrès significatifs ont été réalisés. Cette enquête pointe clairement dans quelle direction nous pouvons encore nous améliorer. Tout le monde a un rôle à jouer : les sociétés de gestion et les autorités de régulation bien sûr, mais les investisseurs et leur conseillers surtout. Ils doivent rester vigilants en favorisant les meilleures pratiques et en pénalisant les mauvaises. La qualité de l’industrie de la gestion en France dépendra en grande partie de leurs comportements.

Cet article a été initialement publié dans le numéro de Juin 2011 de Morningstar Professional.

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A propos de l'auteur

Thomas Lancereau, CFA

Thomas Lancereau, CFA  Directeur de l'Analyse des Fonds, Morningstar France