Investisseurs irrationnels: si c’est à moi, c’est mieux

Deuxième distorsion cognitive: l’endowment effect, le fait de surestimer ce que vous avez dans le portefeuille, en perdant des opportunités de vente.

Valerio Baselli 16.04.2012
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Après l'introduction de la finance comportementale (pour lire cliquez ici) et vous avoir parlé de la peur de perdre (pour approfondir cliquez ici), nous nous occupons, dans le troisième épisode de notre "voyage" dans l'esprit des investisseurs irrationnels, de la plus ancienne des distorsions cognitives : l’endowment effect, traduit comme "l'effet de dotation".

Si c’est à moi, c’est mieux

Le concept derrière l’endowment effect (qui fait partie de la théorie plus générale de la comptabilité mentale) a été développé en 1980 par l'économiste américain Richard Thaler. Il suggère que les choix économiques des individus sont influencés par un véritable système de comptabilité mentale, qui n'est pas neutre et produit des comportements qui ne sont pas tout à fait conformes au modèle microéconomique néoclassique fondé sur la rationalité parfaite des agents.

Dans la pratique, l'effet de dotation consiste en une divergence, observée soit dans de nombreuses expériences théoriques soit dans la réalité empirique, entre l'évaluation qui est donné à un bien dans le cas où il est déjà détenu et l'évaluation donnée au même bien dans le cas où il n'est pas possédé. En particulier, les chercheurs ont remarqué que les gens ont tendance à valoriser davantage les biens qu’ils possèdent déjà. Il en résulte une activité réduite sur le marché.

L'exemple classique qui est cité pour expliquer ce concept est celui de la tasse de café, qui a été inspiré par une expérience dans laquelle la moitié d’un groupe de sujets a reçu une tasse. Puis, à ceux qui ont eu la tasse, il a été demandé le prix auquel ils souhaitaient la vendre et à ceux qui n'avaient pas de tasse, il a été demandé à quel prix ils seraient prêts à l’acheter. D’après la théorie utilitariste les deux prix devraient être à peu près égaux, mais en réalité le prix de vente moyen s’est révélé être environ deux fois supérieur à la moyenne du prix moyen d’achat. Dans une autre expérience, les sujets ont reçu un stylo ou alternativement une tasse de valeur égale. Ensuite, les sujets ont eu la possibilité d'échanger cet article avec celui reçu par l'autre. Si les préférences des sujets n'avaient rien à voir avec l'objet reçu, le pourcentage de personnes qui voudrait échanger l’un ou l'autre objet devrait être le même. En réalité, la plupart des gens ont gardé l'objet reçu et seulement 22% l’ont échangé.

Les conséquences pratiques

L’endowment effect a des implications immédiates pour les investisseurs. Dans la pratique, si le marché nous dit que l'action, le fonds ou l'obligation que nous avons dans le portefeuille a une valeur de 10 euros, nous sentons instinctivement qu'il est sous-évalué, avant même de l’analyser. La seule façon de surmonter cet obstacle est d'analyser objectivement ce que nous avons et chaque solution de substitution possible.

"Il suffit de regarder n'importe quelle catégorie Morningstar pour comprendre que tous les fonds ne sont pas créés et gérés de la même manière", dit Lee Davidson, analyste chez Morningstar. "Si vous choisissez d'investir dans un produit, il est naturel d'avoir une certaine inclination à le considérer meilleur que les autres, sinon vous ne l'auriez pas choisi". Cette inclination, cependant, tend à persister au fil du temps, menaçant de nous faire perdre de vue la meilleure alternative possible. "Les investisseurs doivent continuer à faire leur due diligence et à choisir des investissements pour des raisons fondamentales solides", déclare Davidson, "mais encore doivent-ils être conscients de cette tendance. C’est important de s'efforcer de juger chaque alternative le plus objectivement possible".  

Les instruments de réplication aident, mais n'éliminent pas les distorsions cognitives

Dans le dernier épisode, nous avons vu comment l'utilisation des ETF peut aider dans la lutte contre l'aversion aux pertes. Toutefois, les ETF ne peuvent pas être considérés comme le remède à toutes les distorsions cognitives. Dans ce cas, par exemple, les ETF sont soumis à la tendance à être surestimés par ceux qui les possèdent, comme tous les autres instruments d’investissement.

Néanmoins, ce qui change, c'est la magnitude de cette distorsion. Prenez par exemple un ETF qui suit l'indice Euro Stoxx 600. Supposons que l'investisseur qui le détient dans ce cas est, à cause de l'effet de dotation, prêt à vendre uniquement à un prix supérieur de 10% à la valeur de marché actuelle. Probablement, cet investisseur n'est pas capable, lorsque cela est possible, de s’apercevoir qu’il existe des alternatives sur le même indice, peut-être avec de plus petites commissions et une tracking error inférieure. Et cela peut le conduire à rater de meilleures options. Toutefois, dans ce cas, les conséquences seraient très contenues, en raison de l'homogénéité avec l'indice de référence répliqué (les écarts de performance entre les ETF sont normalement une poignée de points de base).

La semaine prochaine, nous allons parler d’overconfidence, la confiance excessive que de nombreux investisseurs ont dans leur propre jugement.

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A propos de l'auteur

Valerio Baselli

Valerio Baselli  est éditorialiste sénior chez Morningstar.