La note souveraine américaine dégradée

L’agence de notation Standard and Poor’s a abaissé vendredi la note de la dette américaine de AAA à AA+.

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Vendredi, en fin de journée après clôture des marchés, S&P a indiqué qu’elle dégradait la note de la dette fédérale américaine de AAA à AA+. Pour l’heure les autres grandes agences de notation que sont Moody’s et Fitch n’ont pas modifié leur position quant à la dette américaine. Cette annonce a fait l’effet d’une bombe : « emprunteurs en dernier ressort », les Etats-Unis étaient jusqu’à présent considérés comme l’emprunteur le plus sûr au niveau international, celui dont la signature avait depuis les accords de Bretton Woods au sortir de la guerre le même statut que l’or.

Avec cette dégradation, c’est une page qui semble se tourner. Certes depuis longtemps la dette américaine, à plus de 16.000 milliards de dollars, donnait le vertige ; certes ces dernières semaines le bras de fer entre l’administration Obama et la Chambre des Représentants à dominante républicaine qui se sont opposées sur le relèvement du « découvert autorisé » de l’Etat fédéral avait mis le marché sous tension ; certes la balance commerciale américaine structurellement déséquilibrée n’est pas tenable… Mais la question de la dégradation de la note américaine était un tabou et personne n’osait la prédire.

Une fois que ce verrou saute, c’est une période d’incertitude qui s’ouvre devant les investisseurs : si les Etats-Unis ne sont plus AAA, alors plus personne n’est à l’abri et on a moins de mal à imaginer que le cas échéant la France ou même l’Allemagne ne perdent leur AAA.

Recherche de la qualité

Cet abaissement de note intervient à un moment où planent des doutes sur la vigueur de la croissance économique. D’ailleurs, dans la foulée, le brut continuait ce week-end son mouvement à la baisse en passant en dessous des 84 dollars le baril, signe que les opérateurs mettent en question la tenue de la demande. Corrélativement, l’or a connu un regain d’intérêt en franchissant à la hausse le seuil des 1.700 dollars l’once, signe que la dette souveraine américaine n’est plus synonyme de havre de paix.

Pour les investisseurs, cette situation implique aussi quelques remises en question. On est entré dans une zone de turbulence et les prochains jours vont être décisifs : est-ce que les autorités vont réussir à rétablir la confiance ? Ce n’est pas sûr. L’annonce de vendredi risque de continuer de faire des vagues, si ce n’est déchaîner une tempête. Car ne nous y trompons pas, c’est bien le statut de Etats-Unis qui est en question, et les Chinois n’ont pas hésité à publier dès vendredi un communiqué enjoignant les Américains à mettre de l’ordre dans leurs affaires et à être moins dispendieux.

Avec plus de 1.100 milliards de dollars en réserve, les Chinois sont le premier créancier étranger des Etats-Unis. Ils se sont montrés d’autant plus conciliants avec ce partenaire commercial, en souscrivant régulièrement à ses émissions obligataires, que la balance était plus déséquilibrée en leur faveur : bref, ils prêtaient aux Etats-Unis pour aider ces derniers à continuer à importer leurs productions. Vont-ils continuer à se montrer aussi « coulants » avec les Etats-Unis ? Rien n’est moins sûr. Le pays s’est en effet engagé dans une politique, certes relativement timide, de revalorisation salariale qui aide à développer et renforcer la demande domestique. Les Chinois n’ont sans doute pas vocation à aider éternellement les ménages américains à boucler leurs fins de mois…

Conséquences pour les investisseurs

A court terme, ce sont l’ensemble des marchés qui sont perturbés : obligataires bien sûr, mais aussi les marchés boursiers, les matières premières, les devises… Outre-Atlantique les risques ne se font pas sentir que sur la dette fédérale mais aussi sur les « muni », ces obligations émises par les grandes villes et autres collectivités locales dont les papiers réagissent selon le pouls de la dette fédérale.

Le renforcement de la suspicion à l’encontre de la dette des pays développés devrait d’une part soutenir l’intérêt pour la dette émergente et d’autre part profiter à terme aux actions qui sont les plus en prise avec l’économie réelle : production industrielle, consommation de base, secteurs défensifs offrant une réelle visibilité, etc.

En terme de fonds d’investissement, cela signifie s’intéresser à des produits offrant une bonne transparence sur leurs actifs et les secteurs auxquels ils sont exposés. Outre la prise en compte de leur notation qualitative (s’ils sont notés) on pourra utilement recourir au Sélecteur de fonds (CLIQUER ICI pour y accéder ) afin d’affiner ses recherches d’investissement.

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A propos de l'auteur

Frédéric Lorenzini

Frédéric Lorenzini  est Directeur de la Recherche de Morningstar France.