« Tous les indices ne se valent pas »

Responsable des programmes de l’Ecole la Bourse, Gérard Ampeau attire l’attention des investisseurs sur quelques curiosités des indices.

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On a l’impression que les promoteurs d’indices sont pris d’une créativité débridée avec les développements du marché des ETF…

Oui c’est vrai. Les indices, tout le monde en parle, surtout avec le développement des ETF ; mais en réalité peu de personnes savent ce que c’est et comment concrètement ils fonctionnent. Ainsi on confond souvent «  indice de prix » et  « indice de performance », et il y a une sérieuse différence entre les deux : un indice de performance réincorpore dans sa base de calcul les dividendes qui ont été versées par les sociétés composant l’indice. Si on ne fait pas attention, on tend à dire comme tout le monde que l’indice allemand DAX dont la performance communiquée est celle « dividende réinvesti » surperforme le CAC 40 qui lui est médiatisé en indice de prix, c'est-à-dire sans la réincorporation des dividendes. On ne compare pas ce qui est comparable : deux indices de prix ou deux indices de rentabilité totale !

Même les indices « bien connus » ne sont pas toujours maîtrisée. Dans la pratique on est habitué à utiliser un indice comme le CAC 40, sans toujours avoir à l’esprit que sa composition peut être révisée 4 fois par an lors des réunions de son Conseil scientifique des indices et sans connaître les critères d’éligibilité. Ces critères sont importants à connaitre, ils portent sur la capitalisation, les volumes d’échange, mais pas sur les secteurs. D’où le fait que structurellement un indice comme le CAC 40 est susceptible d’afficher un biais sectoriel important. C’est un des éléments essentiels à garder à l’esprit : quels sont éventuellement les biais sectoriels, sur représentation ou sous représentation, de l’indice que j’utilise.

Il suffit de consulter la composition de l’indice…

Oui… si cette dernière est publique et facilement accessible. Prenons un exemple concret : que peut-on penser de l’indice OSF ? Il s’agit de l’indice par rapport auquel le fonds Oddo Génération se compare. OSF signifie « Oddo Sociétés Familiales », il est sous doute très intéressant mais on ne trouve ni sa composition ni sa méthodologie sur le site internet de la maison Oddo.

C’est le problème des indices « maison », comme par exemple les indices d’obligations convertibles d’Exane. La littérature n’est pas très abondante. En outre, cela pose la question du risque de conflits d’intérêt entre une société qui est à la fois fabriquant d’indice et gestionnaire.

Un bon indice, c’est donc d’abord un indice transparent. Quels selon vous les autres critères auxquels doit répondre un indice ?

Il a bien sûr les composants de l’indice, la pertinence de la population ciblée par l’indice avec une nomenclature connue.

Deuxième point important : l’objectivité des critères de sélection. A ce niveau il faut que la méthodologie de gestion de l’indice soit publique et consultable facilement. Autre éléments la stabilité dans la composition de l’indice, comme pour le DJ 30. Et si ce n’est pas le cas la prévisibilité des changements : les valeurs composant le CAC Next 20 ont vocation à remplacer celles qui sortent du CAC 40. Globalement il faut que les règles de gestion de l’indice soient simples

Et puis il y a bien sûr la question de la réplicabilité de l’indice : elle ne se pose pas de la même façon pour un indice comportant 30 valeurs et pour un indice de 5.000 valeurs…

Vous indiquez que la façon dont le réinvestissement des dividendes est effectué peut avoir une incidence…

En la matière, il y a 2 grandes écoles. En Allemagne avec le DAX, les dividendes détachés sont réinvestis individuellement dans chaque société, ce qui a pour effet d’augmenter mécaniquement la pondération des entreprises qui servent les plus forts dividendes. De ce fait, on est obligé de  « repondérer » l’indice une fois par an. Avec le CAC 40 la méthode est plus élégante, les dividendes sont réinvestis dans le panier globalement, ainsi la structure des deux indices reste harmonieuse.

Quels sont les aléas auxquels peuvent être soumis les indices ?

Parmi les incidents de parcours, on peut citer la façon dont est gérée l’interruption de cotation des valeurs de l’indice. S’il n’y a qu’une valeur qui ne cote pas, on continue. Si les titres qui ne cotent pas représentent 35% ou plus de la capitalisation de l’indice, alors on calcule un « éclaireur ». L’éclaireur est en quelque sorte  le cours théorique de l’indice  calculé avec les actions qui continuent de coter afin de donner une image réelle de la valorisation du marché.

Il y a un autre phénomène dont il faut prendre conscience, cela touche aux indices obligataires où on assiste en quelques sorte à une « prime à l’endettement ». Cela est vrai aux Etats-Unis où on voit que la dette de la Californie est sur-représentée dans certains indices. Mais aussi en Europe où les emprunts d’Etat italiens représentent près du quart de l’indice EuroMTS Global.

Autant d’éléments qui justifient que l’on prenne le temps de se documenter et de comprendre comment fonctionnent les grands indices par rapport auxquels nous mesurons la performance de nos investissements. C’est la vocation naturelle de l’Ecole de la Bourse de former aussi sur les indices. 

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A propos de l'auteur

Frédéric Lorenzini

Frédéric Lorenzini  est Directeur de la Recherche de Morningstar France.