« Tapering » : quand ? Comment ? Quelles conséquences ?

La réduction du bilan des banques centrales est l'un des sujets les plus controversés actuellement.

Jocelyn Jovène 19.09.2017
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Depuis l’été, les marchés ont connu un regain de volatilité temporaire lié aux incertitudes géopolitiques (Corée du Nord) ainsi qu’aux discours des banquiers centraux quant à l’orientation prochaine de leur politique monétaire.

Le grand sujet du moment sur les marchés consiste à savoir quand les banques centrales des pays développés commenceront la réduction de leur programme d’achats d’actifs et in fine de leur bilan, sachant que la Fed devrait être la première à entamer la réduction de son bilan, avant que la BCE, la Banque du Japon ou la Banque d’Angleterre ne lui emboîte le pas – pour peu que la reprise économique actuellement à l’œuvre se confirme et que l’inflation se raffermisse.

Pour certains observateurs, la Fed devrait faire une annonce dès le 20 septembre et débuterait son « tapering » dès le mois d’octobre, avec une réduction des achats d’actifs de 10 milliards de dollars par mois.

La BCE pourrait faire des annonces de même nature fin octobre, en confirmant la réduction progressive de ses achats d’actifs et leur arrêt fin 2018. La Banque du Japon réduit ses achats d’actifs, d’un rythme annualisé de 50.000 milliards de yens à 40.000 milliards à la fin de l’année prochaine.

Au total, les banques centrales des pays développés pourraient ramener leurs achats d’actifs à 100 milliards de dollars par mois (contre 180 milliards mi-2016).

Pourquoi ?

L’environnement économique s’améliore progressivement, même si l’inflation est toujours en-deçà des objectifs des banquiers centraux.

L’objectif du « tapering » est de regagner des marges de manœuvre pour pouvoir intervenir à nouveau si la conjoncture devait se détériorer. Il faut en outre noter que certaines banques (BCE notamment) butent sur des difficultés techniques et politiques (monétisation indirecte des déficits des Etats européens).

Enfin, les valorisations de nombreuses classes d’actifs sont artificiellement élevées, en grande partie parce que les taux d’intérêt sont très bas. Tant que ces taux demeureront bas, il est à craindre que des comportements irrationnels ne prennent corps dans les marchés, contribuant à alimenter des bulles sur un nombre croissant de classes d’actifs (cas des actions américaines, de certains marchés du crédit et du haut rendement…).

Quelles conséquences ?

C’est la grande inconnue et il n’y a pas vraiment de consensus à ce stade. Une majorité d’intervenants estiment que le « tapering » aura un impact « modérément négatif » sur les marchés (baisse des multiples de valorisation) et sur l’économie réelle (en renchérissant les coûts de financement des agents économiques).

L’impact sur les marchés est plus délicat à mesurer. Dans l’univers des taux, certains stratégistes considèrent qu’une réduction de 1% du PIB du bilan de la Fed entraînerait une hausse de 6 points de base du 10 ans américain (2,23% actuellement).

D’autres anticipent une hausse des rendements des bons du Trésor de 25 à 50 points de base, une pentification de la courbe des taux de 10-15 points de base et un écartement des spreads sur les titres adossés à des emprunts hypothécaires (MBS) de 20-25 points de base.

Otages

Les banquiers centraux, eux-mêmes, semblent pris au piège de l’évolution de la situation économique et de la manière dont les marchés financiers interprètent leurs actions.

Depuis le début de l’année, on observe en effet un décalage entre les données de sentiment (indicateurs avancés d’activité, confiance des consommateurs), plutôt en amélioration, et les données réelles (production industrielle, inflation, distribution de crédit), qui ne décollent pas.

Pendant ce temps, les marchés financiers poursuivent leur hausse et les investisseurs vont vers des classes d’actifs plus risquées ou moins liquides pour trouver du rendement.

Cette situation peut durer aussi longtemps que les marchés ont le sentiment d’une intervention continue des banques centrales. Or depuis plusieurs années, ces dernières n’ont cessé de souligner les limites de la politique monétaire pour relancer l’activité et ont appelé les gouvernements à prendre le relais.

Compte tenu d’un niveau d’endettement élevé, ces derniers ont tardé à répondre à l’appel, et surtout n’ont pas toujours mis en place des politiques structurelles à même de répondre aux défis de long terme auxquels ils sont confrontés – vieillissement démographique, baisse de la productivité, montée des inégalités de revenus et de patrimoine.

Tout ceci crée un environnement délicat et conduit certaines gestions à privilégier le cash faute de rendements réels prospectifs suffisamment attrayants.

 

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A propos de l'auteur

Jocelyn Jovène

Jocelyn Jovène  est analyste financier senior et rédacteur en chef de Morningstar France.