La gestion d’actifs n’a pas fini de se concentrer

L’industrie mondiale demeure fragmentée. Elle doit faire face à de nombreux défis structurels.

Jocelyn Jovène 06.10.2016
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« L’augmentation des coûts nécessite des économies d’échelle et une plus grande flexibilité financière ». Gagner en taille pour être plus efficace. Voilà l’un des arguments clefs avancés par le britannique Henderson Group pour justifier il y a quelques jours son projet de rapprochement avec l’américain Janus Capital.

L’opération, qui doit donner naissance à un acteur gérant quelques 322 milliards de dollars d’actifs sur le papier, n’est qu’un parmi d’autres projets de rapprochement – on pense notamment à l’intérêt du français Amundi pour Pioneer, la filiale de gestion d’Unicredit.

La course a la taille n’est pas nouvelle. Au cours des dix dernières années, BlackRock a cru très rapidement à coup d’acquisitions (rachat de la filiale de gestion d’actifs de Merrill Lynch en 2006, puis de BGI en 2009 auprès de Barclays). Après la crise financière de 2008, d’autres transactions significatives ont conduit au rapprochement d’acteurs européens – parmi les transactions les plus emblématiques on peut citer le rapprochement entre Man Group et GLG Partners en 2010 ou entre Schroders et Cazenove en 2013.

D’autres acteurs comme Vanguard, grâce à leur positionnement sur un segment du marché très en vogue (la gestion indicielle passive) ont pu se développer par croissance interne tout en gagnant des parts de marché.

Selon le dernier classement IPE, 8 firmes ont plus de 1.000 milliards de dollars d’actifs sous gestion. Avec 4,4 billions (4.398 milliards de dollars), BlackRock est le premier gestionnaire d’actifs au monde. Mais cela ne représenterait qu’une part de marché de 7,6% selon IPE. Il est talonné par Vanguard qui gère 3,1 billions de dollars.

Ces transactions sont une des réponses possibles aux défis structurels auxquels doivent faire face les gestionnaires d’actifs. Le premier est le ralentissement de la croissance du marché. Après avoir cru d’environ 5% par an en moyenne entre 2008 et 2014, l’industrie mondiale de la gestion a fortement ralenti pour ne croître que de 1% en 2015, d’après la dernière étude du BCG.

Selon les données Morningstar, la croissance des encours des fonds ouverts distribués en Europe était de 0,6% à fin août 2016.

L’autre défi pour les gérants actifs est la concurrence croissante de la gestion passive, qui fait pression sur les frais de gestion, donc sur la rentabilité des sociétés de gestion, et l’évolution des besoins des investisseurs.

Ces derniers, confrontés à la chute des rendements obligataires, cherchent à diversifier les sources de performance et se tournent vers des classes d’actifs non-traditionnelles (hedge funds, private equity, immobilier). Ils demandent également à ce que les gestionnaires d’actifs leur apportent des solutions complètes pour répondre à la problématique de la chute des rendements.

Pour survivre dans un environnement de plus en plus concurrentiel et où la rentabilité s’érode, la piste suivie par certains gestionnaires a consisté à développer de stratégies difficilement reproductibles de manière passive, comme les approches multi-stratégies, le rendement absolu ou les stratégies orientées vers le revenu, la préservation du capital et du pouvoir d’achat (« outcome-orientated strategies »).

Les opérations de fusions-acquisitions sont donc un moyen rapide pour croître et répondre à une problématique d’offre produit, de distribution ou de coûts. Dans le cas Henderson-Janus Capital, deux objectifs sont poursuivis : étendre l’offre produit grâce à la complémentarité des expertises et du positionnement géographique et réduire les coûts.

Mais même une transaction comme celle-ci, qui fait sens sur le papier, soulève des interrogations. Comme le notait récemment Gregg Warren de Morningstar, ce type de rapprochement « ne réduit aucunement les défis structurels que rencontre individuellement chaque firme sur son marché – l’adoption de la réglementation du ministère du travail aux Etats-Unis et les incertitudes liées au Brexit pour Henderson. »

Malgré ces défis, il semble acquis que d’autres opérations de rapprochement surviendront dans les mois à venir. L’industrie de la gestion demeure fragmentée au niveau mondial. La demande de clients évolue et la rentabilité est sous pression, du fait tant de la concurrence d’offres alternative (gestion passive) que de la pression réglementaire.

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Valeurs citées dans l'article

NomValeurVariation (%)Notation Morningstar
Amundi SA65,05 EUR0,85Rating
Man Group PLC247,60 GBX0,57
Schroders PLC373,60 GBX0,32Rating
UniCredit SpA35,33 EUR3,52Rating

A propos de l'auteur

Jocelyn Jovène

Jocelyn Jovène  est analyste financier senior et rédacteur en chef de Morningstar France.