Comment une obligation peut-elle avoir un rendement négatif ?

Détenir une obligation ayant un rendement négatif revient à payer celui qui l’a émise. Mais comment ?

Eric Jacobson 04.10.2016
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L’introduction des rendements négatifs par les banques centrales ont lancé un débat animé sur l’impact sur l’activité économique réelle, les marchés financiers et les investisseurs.

Détenir une obligation ayant un rendement négatif revient à payer celui qui l’a émise. Mais comment ?

Comprendre le fonctionnement d’une obligation n’est pas toujours évident. Vous savez toutefois que si vous acheter une obligation pour un montant de 1.000 euros, laquelle offre un rendement annuel 10% - soit un coupon de 100 euros par an – et que vous récupérez vos 1.000 euros lorsqu’elle arrive à échéance, vous avez gagné de l’argent. Mais comment pouvez-vous perdre de l’argent sur une obligation qui fait des paiements réguliers ?

Pour commencer, il est important de noter qu’il y a une grosse différence entre le rendement et le rendement actuariel. Le premier est la simple expression des coupons payés régulièrement sur la base du nominal. En soi, il ne donne aucune information sur le rendement total de l’obligation.

Le rendement actuariel (Yield to Maturity) offre une idée relativement claire de la performance attendue d’une obligation, laquelle tient compte du prix payé par l’investisseur pour l’obligation et du rendement qui sera perçu par l’investisseur. Ce prix a en effet un impact important sur le rendement actuariel.

Hausse ou baisse des taux

Que se passe-t-il lorsque les taux montent ou baissent ? Prenons un exemple. Une obligation gouvernementale émise à 1.000 euros (valeur faciale ou nominale) vous propose un coupon de 1% par an pendant 10 ans. Si le taux du marché offert pour cette obligation est de 1%, sa valeur à échéance devrait être de 1.000 euros.

Si le taux d’intérêt coté sur le marché pour cette obligation tombe à 0%, que se passe-t-il ? Comme le rendement du marché est inférieur au coupon, le prix de l’obligation devrait augmenter, à 1.100 euros. L’acheteur de l’obligation doit payer davantage pour cette obligation, car l’émetteur abandonne toute réclamation sur les rendements futurs.

Si le taux d’intérêt du marché devait tomber en territoire négatif, par exemple à -1%, la prime de l’obligation par rapport à son nominal devrait augmenter, dans le cas d’espèce, la prime serait de 211 euros.

Une obligation peut-elle devenir négative ?

Voilà à quoi pourraient ressembler les transactions sur le marché secondaire. Mais comment un gouvernement peut-il structure une obligation lorsque les rendements du marché sont négatifs ? En soi, la vente n’est pas un problème. Il suffit qu’il y ait des acheteurs.

En fait, tout se ramène au prix de l’obligation sur le marché. Plus un investisseur est prêt à payer un prix élevé pour une obligation, plus son rendement sera faible. Lorsque le marché est à un niveau tel que le rendement à 10 ans doit être négatif pour équilibrer l’offre et la demande, la solution la plus simple est de vendre des obligations à zéro coupon. Certains gouvernements européens l’ont fait.

Sur le fond, vous n’attendez pas d’un investisseur qui détiendrait une telle obligation qu’il envoie régulièrement un chèque à l’émetteur de l’obligation. Contrairement à une obligation à zéro coupon qui est généralement émise avec une décote par rapport à sa valeur nominale (en raison de l’absence de coupon), un investisseur devra s’attendre à recevoir moins que le nominal de l’obligation à l’échéance.

Pourquoi détenir une obligation ayant un rendement négatif ?

La raison pour laquelle un investisseur achèterait une obligation avec un rendement négatif peut avoir plusieurs explications.

Le scénario le plus noir est d’envisager que l’économie mondiale va de nouveau entrer en déflation en raison d’une détérioration profonde de l’activité économique. Les investisseurs institutionnels, n’ayant pas le loisir de cacher leur argent sous leur matelas, seraient alors contraints de chercher des valeur refuge, quitte à recevoir moins que ce qui est initialement promis.

Dans l’environnement actuel de marché, la raison principale d’un tel intérêt est l’action des banques centrales. Ces dernières sont désespérées de pouvoir relancer l’inflation ainsi que l’activité économique. Pour ce faire, la mise en place de taux de dépôt négatifs vise à forcer les banques commerciales à augmenter leur distribution de crédit pour relancer l’activité – ce qu’elles ne peuvent faire que si la demande de crédit augmente et que ménages et entreprises investissent.

Cette action a pour effet de faire baisser les taux courts, avec un effet décalé sur les maturités plus longues en fonction de la réaction des marchés.

L’autre facteur est le « QE ». Les banques achètent des actifs sur les marchés (dette souveraine, dette privée, actions dans certains cas). Cela conduit à diminuer l’offre d’obligations, et incite les investisseurs à essayer de devancer leur action en achetant eux-mêmes des obligations, ce qui déprime un peu plus les rendements à attendre.

 

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A propos de l'auteur

Eric Jacobson  Eric Jacobson is Morningstar's director of fixed-income research and an editorial director for mutual fund content.