Actions européennes: retour vers le futur

Après la panique de début d'année, une nouvelle phase de décalage entre fondamentaux et sentiment des marchés pourrait créer de la volatilité.

Jocelyn Jovène 02.03.2016
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Depuis le début de l’année, les actions européennes enregistrent une performance négative de 9,4%. Durant cette période, le rendement à 10 ans du Bund s’est comprimé de 49 points de base à 0,15%, l’indice de volatilité VSTOXX a bondi de 33%, l’or a bondi de 15% et l’euro s’est apprécié de 0,7% par rapport au dollar(données au 26 février).

Alors que tout le monde parlait en début d’année de risque de « hard landing » en Chine et de dévaluation du yuan, d’une probable récession aux Etats-Unis (où le S&P 500 n’a cédé « que » 4,7%), les actions européennes (et japonaises), jusqu’ici classes d’actifs préférées des investisseurs, ont sous-performé de manière assez significative.

Certes, les actifs risqués (actions européennes et japonaises comprises) ont regagné du terrain depuis le point bas du 12 février – un rebond qui serait lié selon certaines sources de marché à des rachats de positions vendeuses de la part de hedge funds (rachat de short par des stratégies de type CTA notamment).

Il est intéressant de noter que la chute des actions européennes a été avant tout liée à l’effondrement des valeurs financières – banques, assurance et services financiers ont perdu respectivement 19%, 15% et 13% depuis le début de l’année à fin février.

Le manque de déclarations plus encourageantes des autorités monétaires, voire les incertitudes sur une partie du système financier européen, la mise en place d’un taux d’intérêt négatif par la Banque du Japon et les craintes d’affaiblissement de la croissance économique mondiale ont contribué à alimenter le regain de volatilité des Bourses mondiales.

Il est toutefois plus étonnant de voir l’ampleur des révisions en baisse concernant les prévisions de résultat pour l’année en cours (cf graphique). Les investisseurs ne voient toujours pas les profits des entreprises européennes revenir à leur niveau d’avant-crise (ils ne devraient pas dépasser leur niveau de 2006 !).

Stoxx600 Forward PE EPS 20160302

Source: Morningstar, Factset.

En Europe, les investisseurs n’attendent plus que 4,9% de croissance des résultats en 2016. Pour la zone euro, le marché est un peu plus optimiste (+6,6%), mais dans l’ensemble, la prudence domine.

Pourtant, jusqu’ici, les publications de résultats des entreprises ont été raisonnablement satisfaisantes. Selon le pointage effectué par Morgan Stanley au 29 février, 38% des sociétés ayant publié leurs résultats ont battu les attentes, 27% ont été en ligne et 36% ont fait moins bien que prévu.

La bonne surprise est venue des chiffres de croissance des ventes, avec 40% des publications au-dessus des attentes du marché et 27% en-dessous – une performance qui s’explique pour bonne partie par la faiblesse de l’euro.

L’autre nouvelle est que les entreprises les plus fortement exposées au marché européen sont celles qui ont le plus surpris positivement.

Malgré cela, le consensus a continué de réviser à la baisse ses estimations de résultats, comme si le pessimisme lié au risque de récession en Chine ou aux Etats-Unis avait conduit les investisseurs à anticiper d’ores et déjà le pire.

Au-delà des facteurs techniques, les investisseurs resteront attentifs aux déclarations des banques centrales – la BCE va-t-elle appuyer sur l’accélérateur en mars ? La Fed va-t-elle poursuivre la remontée de son taux directeurs ? – et aux indicateurs macro-économiques.

Les craintes de risque déflationniste ont été quelque peu dissipées, permettant aux actifs risqués de remonter un peu et aux multiples de valorisation de reprendre des couleurs (le P/E à 12 mois du Stoxx 600 est passé de 13,9x le 12 février à 14,9x aujourd’hui, proche des 15,3x observés fin 2015).

Encore une fois, si les entreprises sont ne mesure de rassurer sur l’évolution de leurs résultats, que l’environnement économique se stabilise et que les banques centrales améliorent leur communication, les investisseurs auront de bonnes raisons derevenir vers les actifs risqués.

Dans le cas contraire, le décalage entre ce qu’espère le marché et les fondamentaux que l’on commence à observer à nouveau ne pourra qu’ouvrir une nouvelle période de volatilité dans les mois à venir.

 

 

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A propos de l'auteur

Jocelyn Jovène

Jocelyn Jovène  est analyste financier senior et rédacteur en chef de Morningstar France.