Pétrole, un ETC pour chaque saison

Le baril en dessous de 30 $ pourrait stimuler l’appétit des investisseurs « contrariens ». Mais le retour sur scène de l'Iran et la conjoncture économique incitent à la prudence. Focus sur les trackers qui permettent de jouer la hausse et la baisse.

Valerio Baselli 22.01.2016
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Le prix du pétrole est à son plus bas depuis 12 ans (29,25 dollars le baril de Brent). Il a perdu 23,5% depuis fin 2015, après avoir chuté de 36% l’année dernière et de 49% en 2014.

Une telle chute ne peut qu’attirer l’attention de certains investisseurs « contrariens », qui misent sur les classes d’actifs considérées comme sous-évaluées. A court terme, la prudence semble dominer, en raison d’une multitude de facteurs, notamment géopolitiques.

Le rôle de l’Iran

Les prochaines mesures de l’OPEP  ont les moyens de faire évoluer la production de manière significative. « Comme pour les autres produits de base, le pétrole est soumis à des chocs d’offre, ce qui peut conduire à des mouvements extrêmes de prix. Puisque que le pétrole est produit principalement dans certaines des régions parmi les plus politiquement instables du monde, il est particulièrement sensible aux éventuelles ruptures d'approvisionnement », explique Kenneth Lamont, analyste chez Morningstar, dans une note récente.

À cet égard, un aspect à considérer est l’effet du retour de l'Iran sur le marché, suite à l'accord mettant un terme aux sanctions économiques auxquelles le pays était soumis depuis 2010. « Cela déverrouille automatiquement le secteur pétrolier iranien, qui représente 25% du produit intérieur brut, et lui permet d'augmenter sa production quotidienne de 600.000 barils (résultant en partie de stocks existants), et donc à retourner au niveau avant-crise, avec 4,1 millions de barils par jour », selon une analyse publiée par Euler Hermes Economic Research. « On estime qu'en 2017 5% de la production mondiale proviendra de l'Iran, ce qui se traduira par une pression supplémentaire à la baisse des prix, bien que le marché l’a en partie déjà anticipée », poursuit l’étude.

Croissance économique molle et douceur du climat n’aident pas

Alors que l'offre est toujours sur une tendance haussière, la demande ne semble pas au rendez-vous. La faiblesse de la croissance économique mondiale, tant dans le monde développé qu’émergent, et des températures très douces enregistrées jusqu'à présent dans différentes parties du globe cet hiver n’aident pas les cours du baril.

 « La demande totale de pétrole dans les pays émergents a dépassé celle des pays développés pour la première fois dans l'histoire en 2013, grâce notamment à la Chine. Il est donc concevable que dans l'avenir la demande mondiale pour le pétrole sera alors de plus en plus liée à la santé des grandes économies en voie de développement », souligne Kenneth Lamont.

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Des équilibres qui changent

« Tout cela implique des changements profonds pour les pays producteurs, notamment au Moyen-Orient, puisque les déficits publics ont augmenté de façon spectaculaire en 2015. Le prix moyen du Brent s’était établi à 53 dollars sur l’ensemble de l’année contre des prix supérieurs à 90 dollars dans les budgets des Etats », a rappelé Philippe Waechter, directeur de la recherche économique chez Natixis Asset Management, au cours d’une conférence de presse à Paris. « Cela s’est déjà traduit dans plusieurs pays par une hausse du prix du carburant, la réduction d’exemptions de taxes pour les entreprises et d’autres mesures d’austérité. »

Et puis il y a les équilibres géopolitiques. « Le maintien des quotes de production par l’Arabie Saoudite, notamment, vise à peser durablement sur les prix afin de ne pas permettre à l’Iran de moderniser ses installations et donc de limiter sa capacité à revenir pleinement sur le marché. C’est un jeu complexe », a-t-il continué.

« Le prix devrait s’installer sous les 30 dollars pour un moment sauf à imaginer un accord de l’ensemble des producteurs pour réduire la production globale, ou bien une hausse rapide de la demande mondiale en raison d’une accélération brutale de la croissance. A un horizon de 6 – 12 mois je ne crois à aucune des 2 possibilités. », a conclu l’économiste.

Du baril dans son portefeuille

Autrefois réservées uniquement aux investisseurs institutionnels, aujourd'hui tout le monde peut s’exposer aux fluctuations du pétrole, grâce notamment aux Exchange Traded Commodities, des instruments facilement négociables en Bourse. Actuellement, il y 67 ETC enregistrés à la vente en Europe qui offrent exposition au pétrole, dont 14 à effet de levier (qui multiplient le rendement quotidien de l'indice répliqué selon le choix de levier) et 17 en vente à découvert, « short » en anglais, qui donnent l'inverse de la performance quotidienne de l'indice de référence. Dans deux cas, ces deux caractéristiques sont présentées ensemble (levier inverse). 

Les produits de ce type ont marqué des performances importantes au cours des dernières années (voir tableau dessous), ce qui n'a rien de surprenant dans un contexte comme l’actuel. Toutefois, avant d'acheter ces outils, il est préférable d'avoir une idée claire de la façon dont ils fonctionnent et sur quoi ils investissent.

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Brent et WTI, des jumeaux différents

Le premier pas avant d’investir dans des produits pétroliers est de connaître la différence entre le WTI et le Brent. Aujourd'hui, leurs deux valeurs coïncident presque, mais cela n’a pas toujours été le cas. Pourquoi?

Le Brent (nommé après un gisement découvert en 1971 dans la mer du Nord au large des côtes de l'Ecosse) est normalement utilisé comme référence dans le monde entier et il s’agit de la qualité brute la plus utilisée en Europe. Le WTI (acronyme de West Texas Intermediate) est utilisé comme un point de référence pour les contrats futurs sur le New York Mercantile Exchange. C’est la qualité la plus utilisée aux Etats-Unis, donc plus sensible aux découvertes d'huile de schiste.

 « Contango », « Backwardation » et rééquilibrage quotidien

Les trackers sur le pétrole, inévitablement, utilisent la méthode de réplication synthétique, à cause des problèmes de stockage et de conservation de la matière première en question. Les indices de référence de ces ETC emploient une méthode rigide de roulement, laquelle impose d’acheter des contrats future à intervalles prédéfinis, ce qui peut se traduire par des pertes si les prix forward dépassent les prix spot (on parle de « contango ») ou par des gains dans le cas opposé (« backwardation »).

En outre, les ETF non traditionnels subissent un rééquilibrage quotidien, ce qui signifie que sur des périodes plus longues qu'une journée la performance du tracker ne coïnciderapas avec le double ou l’inverse du rendement de l’indice répliqué. En effet, l’écart entre les performances s’élargit en fonction du temps de possession et de la volatilité du marché.

Les tableaux ci-dessous peuvent aider à comprendre le fonctionnement de ces instruments.

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A propos de l'auteur

Valerio Baselli

Valerio Baselli  est éditorialiste sénior chez Morningstar.