Haut rendement: des points d’entrée attractifs

Le marché européen offre un couple risque-rendement plus attrayant que le marché américain, estime Marina Jelesova de Morningstar.

Marina Jelesova 21.01.2016
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Le regain de volatilité sur les marchés depuis l’été dernier n’a pas épargné le marché du haut rendement (ou « high yield », HY). Si l’écartement des spreads a pesé sur la performance de la classe d’actifs en 2015, il faut faire la distinction entre ce qui se passe sur les marchés américain et européen, dont les caractéristiques sont très différentes.

Du seul point de vue du rendement, le marché US américain présente une meilleure opportunité mais il s’accompagne néanmoins d’un risque plus élevé : un cycle de crédit mature, des notations de moins bonne qualité et des risques associés au secteur de l’énergie. Les investisseurs bénéficiant d’un horizon de très long terme et prêts à prendre ces risques trouveront des opportunités d’achat intéressantes à ces niveaux.

Dans le contexte d’un portefeuille d’allocation plus modérée, Morningstar Investment Management Europe considère que le haut rendement européen offre un couple risque-rendement relativement plus attrayant en Europe qu’aux Etats-Unis, les fondamentaux des entreprises, la structure plus défensive du marché et l’environnement de taux bas en Europe en faisant investissement attractif sur le long terme.

Une classe d’actifs qui s’internationalise et se diversifie 

Les obligations américaines représentent toujours l’essentiel du marché mondial des obligations d’entreprises à haut rendement mais, ce marché gagnant en légitimité, nous assistons à une nette augmentation des émissions en Europe et dans les pays émergents.

Figure 1 : Composition de l’indice Barclays Global High Yield 

HY barclays index breakdown

Source: Barclays

La classe d’actifs présente l’avantage d’être très diversifiée en termes sectoriels, avec toutefois d’importantes différences entre les régions. Aux Etats-Unis, le marché du haut rendement est dominé par des entreprises du secteur des communications (18%) suivie de celui de l’énergie (14%). En Europe, le secteur financier a pris une place prépondérante  dans le marché après la crise de 2008 et représente aujourd’hui près du quart du stock d’émissions.

Figure 2 : Décomposition sectorielle des obligations à haut rendement en dollar et euro

HY sectors Us Europe

Source: Deutsche Bank

En ce qui concerne la qualité de notation, là encore, les marchés sont hétérogènes et tous les investissements « high yield » ne se valent pas en termes de risques. Ainsi, la qualité de crédit est bien supérieure sur les émissions européennes, où 66% des obligations sont notées BB contre seulement 46% aux Etats-Unis. En revanche, les émissions notées CCC totalisent 6% dans l’univers européen contre 14% outre-Atlantique.

Des performances décevantes en 2015 

Les performances des obligations à haut rendement ont déçu l’année dernière alors que le marché s’attendait à un resserrement des spreads. Notons malgré tout que la dispersion a été importante en fonction des zones et secteurs.

Ainsi, les obligations à haut rendement américaines ont perdu 5% en dollars sur l’année, tandis que le haut rendement européen a réussi à maintenir un gain de 0,4%. Cet écart de performance est essentiellement dû à la différence sectorielle entre ces marchés : si l’on exclut les émissions liées aux secteurs de l’énergie et des métaux , la performance des obligations américaines est quasiment identique à celle de leurs comparables européennes .

L’exclusion de ces deux secteurs dans un contexte de baisse ininterrompue du prix des matières premières a permis à bon nombre d’investisseurs de tirer leurs épingles du jeu l’an dernier:

Figure 3 : performances par secteurs du marché haut rendement US en 2015

HY US perf 2015

Source: JPMorgan

La faiblesse des matières premières a donc été la cause majeure de la sous-performance du marché nord-américain. Les défauts sur ce marché ont augmenté pour atteindre 2,56% sur l’année. 37 entreprises ont fait faillite sur $37.7 milliards d’obligations et de prêts. Près de la moitié de ces entreprises appartenaient au secteur de l’énergie (48,7%)  et un peu plus d’un quart (25.6%) au secteur des mines et métaux.

Les niveaux de défaut pourraient à nouveau augmenter en 2016 pour atteindre 3% sur la classe d’actifs si l’on prend une hypothèse de 10% de défauts dans le secteur de l’énergie (correspond à un prix du baril de 45$). Si le prix du baril de pétrole restait inférieur à 30$, les défauts des entreprises pétrolières pourraient même atteindre 20%, ce qui équivaudrait à un taux de défaut de 4,5% sur la classe d’actifs.

Des risques de crédit et de liquidité bien présents dans un marché très volatil:

Outre cette problématique des matières premières, nous surveillons les fondamentaux des entreprises américaines qui ont profité d’un environnement de taux bas et de la reprise de la croissance aux Etats-Unis pour augmenter leur endettement: les ratios d’endettement sont revenus sur des niveaux équivalents à ceux observés au début des années 2000.

Le boom des fusions-acquisitions et la multiplication des plans de rachats d’actions se sont faits au détriment des investisseurs obligataires. Couplé à une croissance des revenus et des bénéfices qui ralentissait, le « re-leveraging » des entreprises américaines est à surveiller par les porteurs d’obligations à haut rendement.

Les risques nous semblent moins prégnants sur le marché européen, du fait de la moindre exposition au secteur de l’énergie et de la reprise du cycle du crédit. Les entreprises européennes restent plus conservatrices et résistent à la tentation de déployer plus de dette. Il faut dire que l’environnement de croissance molle ne les encourage pas à accroître le niveau du risque dans leur bilan.

La rentabilité des entreprises européennes a montré quelques signes tangibles d'amélioration, tant sur une base absolue que sur une base relative aux États-Unis. Compte tenu de l'amélioration progressive de la croissance en zone euro, nous pensons que le cycle de crédit commence tout juste à repartir, ce qui constitue donc une situation plus favorable en Europe qu’aux États-Unis.

Aux Etats-Unis comme en Europe, la détérioration de la liquidité a contribué à la volatilité du marché du haut rendement. Après la crise financière de 2008, les régulateurs ont exigé des banques qu'elles renforcent leurs fonds propres et qu’elles détiennent des actifs liquides pour compenser les pertes potentielles. Cette réglementation a augmenté le coût de capital et des transactions et par conséquent, le nombre d’acteurs sur le marché ainsi que leurs stocks d’obligations disponibles à la vente ont diminué considérablement au cours des dernières années.

La récente débâcle du fonds d’investissement Third Avenue, un fonds américain investissant sur les obligations à haut rendement qui n’a pas réussi à faire face aux demandes de remboursement de ses investisseurs, faute de liquidité sur le marché, a ravivé cette crainte.

Il convient de noter que ce fonds investit principalement sur des positions avec des profils de crédit très détériorés, typiquement notés CCC, un segment particulier du marché qui ne peut être assimilé à l’ensemble du marché à haut rendement.

Néanmoins, il est vrai que la décision d’investir sur les obligations à haut rendement pour les gérants est rendue plus complexe par le fait qu’il doit tenir compte non seulement du niveau de valorisations mais aussi de la nécessité de détenir suffisamment de liquidité en portefeuille afin de faire face aux éventuelles demandes de rédemption des investisseurs dans un marché peu liquide.

Des niveaux de valorisations attractifs début 2016

Les performances 2015 ont certes été décevantes et 2016 s’ouvre sur un marché très volatil mais les niveaux de valorisations actuels offrent selon nous des points d’entrée intéressants pour des investisseurs cherchant un rendement obligataire attractif.

Les primes de risque au-dessus du taux souverains pour investir sur le marché obligataire européen et américain sont respectivement de 6,4% et 8,3% (au 20 janvier 2016). Des taux très attractifs relativement au rendement d’une obligation allemande à 10 ans, laquelle rapporte moins de 0,5% actuellement. 

Sur les 30 dernières années, en excluant les périodes de récession, les primes de crédit ont rarement été plus attractives. Nous pensonsque les investisseurs sont convenablement rémunérés pour les risques évoqués plus haut.

Aux Etats-Unis, le risque d’augmentation des défauts dans le secteur de l’énergie est bien réel mais il est également largement reflété dans les prix. Le rendement des obligations à haut rendement y est de 17% (avec une duration de 4,3) : le marché estime que moins de 25% des entreprises du secteur vont survivre sur les 4 prochaines années ! Un scénario très pessimiste et qui ne s’est jamais vu auparavant.

En dehors de ce secteur qui reste néanmoins extrêmement volatile et réservé aux investisseurs les plus téméraires,  des opportunités d’investissement moins risquées, avec des taux de défaut anticipés stables et des niveaux de dette raisonnables, existent sur plusieurs secteurs aux Etats-Unis tels que la santé, la construction, l’industrie, ou encore les technologies.

En Europe, l’environnement de taux bas offre un support technique important au marché HY. Nous privilégions les secteurs qui bénéficieront de la reprise progressive de la croissance domestique, et donc moins exposés aux risques de contagion des pays émergents ou du secteur de l’énergie.

Quelle région privilégier dans un contexte d’allocation d’actifs?

 

La différence de spreads entre le marché américain et européen est au plus au haut depuis une dizaine d’années et du seul point de vue du rendement, le marché US américain présente une meilleure opportunité.

Il s’accompagne néanmoins d’un risque plus élevé : un cycle de crédit mature, des notations de moins bonne qualité et des risques associés au secteur de l’énergie. Les investisseurs bénéficiant d’un horizon de très long terme et prêts à prendre ces risques trouveront des opportunités d’achat intéressantes à ces niveaux.

 

Dans le contexte d’un portefeuille d’allocation modéré, nous privilégions le haut rendement européen, ce marché présentant un risque moins important par rapport aux Etats-Unis. Les fondamentaux des entreprises, la structure plus défensive du marché « high yield » et l’environnement de taux bas en Europe font de la classe d’actifs un investissement attractif aux niveaux actuels.

Figure 4 : Différentiel de spreads de crédit entre le HY européen et américain 

High yield spread


Source: Morningstar

 

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A propos de l'auteur

Marina Jelesova

Marina Jelesova  est Associate Portfolio Manager au sein de Morningstar Investment Management (MIM) Europe.