Crédit-actions: une déconnexion inquiétante?

Historiquement, l’écartement des spreads de crédit a souvent été le prélude à une correction boursière.

Jocelyn Jovène 17.12.2015
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L’histoire va-t-elle se répéter ? Dans le passé, l’écartement des spreads de crédit, et notamment dans la sphère du haut rendement, a été annonciateur de corrections boursières aux Etats-Unis (graphique). Or depuis cet été, une configuration similaire se met en place sur les marchés américains.

Plusieurs courtiers se veulent rassurer. Pourtant, difficile d’ignorer que les signes de risque se multiplient sur le marché actions américain.

Spreads de crédit haut rendement et évolution du S&P 500

Source : Factset, Morningstar.

Depuis le début de l’année, le spread sur le haut rendement a bondi de 200 points de base pour atteindre les 700 points de base (il ne dépasse toutefois pas les 1000 points de base, niveau à partir duquel on peut considérer que le marché est en situation de détresse).

Cette augmentation des spreads a plusieurs explications : un afflux d’émissions sur le segment, la chute du cours des matières premières qui a pénalisé le secteur de l’énergie, lequel compte pour environ 17% des indices haut rendement américains, la perspective d’un resserrement monétaire outre-Atlantique, une moindre dynamique bénéficiaire et des tensions sur les bilans des entreprises américaines.

Certes, les indices haut rendement ne représentent pas l’intégralité du marché actions américain. Il y a même un monde entre ces deux univers, les sociétés composant le S&P 500 ayant dans l’ensemble une situation bilantielle relativement plus solide. On estime en effet qu’un peu moins de 5% de l’indice présente une qualité de crédit considérée comme spéculative (note de crédit « B » ou « BB ») et 6% des titres cotés ne sont pas notés (avec une prépondérance des valeurs technologiques dans ce segment).

Toutefois, plusieurs sujets d’inquiétude ou d’attention ont émergé tout au long de l’année 2015 concernant la Bourse américaine. Tout d’abord, les niveaux de valorisation sont relativement tendus au moment où la croissance des résultats patine (en partie à cause du secteur de l’énergie).

Valorisation des actions américaines et évolution des profits (S&P 500)

Source : Factset, Morningstar.

Ensuite, profitant de coût de financement faibles, d’un dollar qui s’appréciait et d’incitations fiscales, de nombreuses entreprises américaines se sont mises à se lancer dans des opérations de croissance externe à l’international. Le cycle des fusions-acquisitions a ainsi dépassé outre-Atlantique le précédent pic atteint en 2007.

D’autres entreprises ont recouru à l’endettement pour se lancer dans des programmes de rachats d’actions, à des niveaux de valorisation parfois tendus.

Tous ces ingrédients pointent quand même un certain nombre de risques que le début de resserrement monétaire de la Fed ne peut qu’exacerber, en particulier si la courbe des taux commençait à se pentifier.

 

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A propos de l'auteur

Jocelyn Jovène

Jocelyn Jovène  est analyste financier senior et rédacteur en chef de Morningstar France.