Repli des devises émergentes : à quand la fin?

La prudence reste de mise sur les devises émergentes, même si certaines semblent plus à même de résister.

Jocelyn Jovène 19.11.2015
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Les devises émergentes souffrent d’un trend baissier depuis 2011, mais les phases de baisse qui ont affecté la classe d’actifs sont liées à des facteurs qui ont évolué dans le temps.

Ainsi, en 2013, la chute s’est expliquée par la remontée brutale des taux US suite au « taper tantrum ». L’an dernier, c’était le mouvement d’appréciation du dollar qui a expliqué leur sous-performance. Cette année, les raisons semblent plus fondamentales et liées à la détérioration de la conjoncture, et notamment le ralentissement des exportations et la chute du prix des matières premières qui pénalise les finances de nombreux pays exportateurs.

Pour les stratégistes taux et devises d’UBS, le mouvement de baisse des cinq dernières années pourrait bien continuer en 2016, et cela n’est pas uniquement lié à l’action de la Fed.

« La nature du mouvement de vente des devises émergentes est en train de devenir plus endogène à ces pays. L’absence de point d’inflexion, la question de la croissance chinoise, les comptes de capitaux infectés par la détérioration des bilans et le ralentissement du commerce mondial impliquent que les devises émergentes continueront de déprécier en 2016 », écrivent-ils dans une note datée du 17 novembre.

Tous les pays ne sont toutefois pas à la même enseigne. A l’échelle internationale, le rendement de certaines devises s’est accru au cours de l’année tandis que le rendement de devises fortes (dollar US, euro, yen) a lui continué de se réduire. Le « carry » de certaines devises émergentes s’est donc accru, ce qui peut être intéressant pour certains investisseurs, pour peu qu’ils aient une bonne compréhension des sous-jacents économiques et des risques extra-économiques (élections locales, tensions géopolitiques…).

UBS estime ainsi que sur la base des indicateurs macro-économiques (croissance du PIB, production industrielle), les données de flux (comptes de capital, balance commerciale), le carry (rendement implicite), les devises de Singapour, d’Israel, de Hongrie et de Corée du Sud sont relativement attrayantes. Le rand (Afrique du Sud), le ringgit malais, le real brésilien, le rouble et le bath (Thaïlande) seraient les plus à risque.

L’autre question pour la classe d’actifs est l’impact du relèvement des taux de la Fed. Pour Morgan Stanley, les devises les plus sensibles à une hausse des taux sont le real, la lire turque, le rand et le ringgit malais. Les devises les plus à l’abri d’un excès de volatilité devraient être le yuan chinois, le peso philippin et la couronne tchèque.

« Le triple débouclage (endettement chinois, crédit domestique, politique de la Fed) et d’autres vents de face ont conduit les économies émergentes et américaines sur des trajectoires de croissance, d’inflation et de politique monétaire divergentes. Le cycle émergent n’est pas seulement désynchronisé de celui des pays développés, il est plus ou moins dans une situation inconnue aussi longtemps que l’incertitude sur la Fed persiste », écrivent les stratégistes de la banque américaine dans une note datée du 17 novembre.

L’un dans l’autre, le sentiment des stratégistes de banques est d’inciter les investisseurs à une certaine prudence et à une grande sélectivité, en cherchant des pays dont les fondamentaux sont les plus à l’abri de l’évolution du cycle économique mondial et notamment au risque d’un ralentissement plus prolongé de l’économie chinoise.

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A propos de l'auteur

Jocelyn Jovène

Jocelyn Jovène  est analyste financier senior et rédacteur en chef de Morningstar France.