Gestion active et gestion indicielle : de l’intérêt d’une classification plus fine

… Et de son importance.

John Rekenthaler 26.10.2015
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Cet article est la traduction d'une publication sur le site Advisor de Morningstar, le 25 septembre 2015.

Gestion indicielle, du singulier au pluriel

Gestion active et gestion indicielle sont traditionnellement perçues de façon binaire : un fonds est géré selon l’une ou l’autre manière, mais pas les deux. Et dans un certain nombre de cas, il n’est pas besoin d’aller plus loin. Ainsi, lorsque l’on souhaite mesurer l’insatisfaction du public à l’égard de la gestion de fonds classique, l’opposition gestion active/gestion indicielle fonctionne bien.

Il suffit de classer les fonds indiciels cotés et les fonds communs de placement indiciels sous l’étiquette « gestion indicielle », et tous les autres fonds communs dans la catégorie « gestion active », puis de calculer les flux.

Là déjà, pourtant, une troisième catégorie s’avère utile. Il existe une différence entre les indices qui pondèrent leurs composantes selon la capitalisation boursière (tels que la gamme de Vanguard, ou tout fonds suivant le S&P 500) et ceux qui intègrent des points de vue. Par exemple, la composition des indices RAFI de Research Affiliates se fonde sur des critères économiques plutôt que sur la valeur boursière des entreprises.

Citons encore un indice à faible volatilité qui privilégierait les valeurs les moins risquées au sein d’un univers d’investissement.

Les sociétés qui proposent ce type de fonds recourent, pour en faire valoir la supériorité, à des arguments qui rappellent étrangement la gestion active. Cette impression n’en est que renforcée par l’appellation « smart beta » (bêta intelligent) accompagnant ces fonds. C’est pourtant un nom que même les équipes commerciales devraient se garder d’utiliser.

Chez Morningstar, nous ne parlons pas de bêta intelligent mais de bêta stratégique. Selon nous, il convient de passer du duo gestion active/gestion indicielle au trio suivant : fonds gérés de manière active/fonds indiciels pondérés selon la capitalisation boursière/fonds indiciels à bêta stratégique. 

(Il existe une zone grise entre la deuxième et la troisième catégorie. Des indices spécialisés – axés par exemple sur les petites capitalisations américaines de type « value », ou sur les actions versant des dividendes élevés – tiennent compte de la capitalisation boursière mais poursuivent des objectifs qui s’apparentent à la gestion active ; ces stratégies sont présentées comme supérieures aux fonds indiciels ayant un univers d’investissement plus large.

Morningstar les dénomme actuellement « fonds à bêta stratégique » mais ils pourraient raisonnablement être classés dans la catégorie des indices pondérés par la capitalisation boursière.)

Le graphique ci-dessous illustre les flux à destination des fonds d’actions américains au cours des 20 dernières années pour les trois groupes, ainsi que le montant actuel de leurs actifs.

Source: Morningstar.

La gestion active (en bleu) a joué un rôle dominant au cours des dix premières années ; les indices pondérés par la capitalisation boursière (en violet) ont pris le relais après le crash de 2008 et leur popularité ne s’est pas démentie depuis ; le bêta stratégique quant à lui (en vert), qui est le petit dernier du trio, devient rapidement un acteur de premier plan.

Le diagramme demeure essentiellement bleu, mais il est manifestement appelé à céder sa place au violet (au cours de la prochaine décennie si la tendance actuelle se maintient).

Gestion indicielle ne signifie pas gestion passive

Ne parlons plus de couple gestion active/gestion passive mais de duo gestion active/gestion indicielle. Ce n’est pas la même chose car gestion passive et gestion indicielle ne sont pas synonymes. Un fonds passif n’exprime pas de point de vue. Un fonds indiciel reproduit une liste de valeurs. Ce sont deux processus différents. Par conséquent, un fonds à bêta stratégique est un fonds indiciel, mais pas un fonds passif.

(Cette distinction formelle entre gestion passive et gestion passive est nouvelle pour Morningstar, du moins dans son application systématique, c’est pourquoi vous risquez de rencontrer le terme « gestion passive » si vous consultez nos recherches antérieures.)

D’après les définitions de Morningstar, la classification gestion active/gestion indicielle compte une catégorie pour la première, et deux catégories pour la seconde (pondérée par la capitalisation boursière/bêta stratégique), tandis que la classification gestion active/gestion passive comporte trois catégories pour la première et une seule pour la seconde.

À première vue, ces distinctions peuvent être un peu délicates à appréhender (et porter à croire que le terme de « gestion active » est utilisé dans un trop grand nombre de sens). L’illustration suivante, créée par Tom Idzorek de Morningstar pour accompagner un commentaire de Don Phillips, devrait toutefois clarifier les choses.

 

Source: Morningstar.

La couleur verte y est synonyme de « neutre » tandis que la couleur orange renvoie à une tentative active d’amélioration.

Les fonds passifs sont entièrement verts : leur stratégie part d’une pondération des composantes en fonction de leur capitalisation boursière, puis est mise en œuvre passivement, en reproduisant cette pondération sans chercher à l’améliorer.

Les trois autres types de fonds sont soit partiellement, soit totalement, de couleur orange, ce qui signifie qu’ils ne peuvent pas être considérés comme « passifs ».

Les fonds à bêta stratégique font écho aux fonds passifs dans la manière de mettre en œuvre leur stratégie, de sorte qu’ils sont verts dans cette colonne (et sont considérés comme des fonds indiciels). Néanmoins, leurs mécanismes de pondération sont actifs, comme il sied à une catégorie se revendiquant « intelligente ».

Les fonds à bêta stratégique sont l’équivalent moderne des fonds quantitatifs. Prisés dans les années 1970 et 1980, ceux-ci exploitaient des bases de données dans l’idée de choisir les bonnes valeurs. Les fonds à bêta stratégiques exploitent eux aussi des bases de données, mais dans le but de sélectionner des facteurs (ou bêtas, comme ils les nomment).

Les fonds actifs traditionnels font également écho aux fonds passifs, mais au travers de leur pondération plutôt que leur mise en œuvre. Ils partent des capitalisations boursières, puis s’en écartent – parfois sensiblement - sur la base des décisions de leur gérant.

Citons les fonds d’actions indiciels « déguisés », qui suivent le marché sans l’admettre ; les fonds indiciels « améliorés », qui contrôlent explicitement l’exposition sectorielle tout en laissant le gérant libre de choisir ses actions ; et enfin, les nombreux fonds obligataires « plain vanilla ».

Les fonds actifs alternatifs ne présentent aucune trace de vert (et pourraient être rebaptisés, leur appellation actuelle étant provisoire).

Ils ne se fondent pas sur un indice classique pondéré selon la capitalisation boursière, car ils restreignent leur univers d’investissement ou bien ils panachent leurs actifs de façon à se donner des points de départ inhabituels (un fonds investissant uniquement dans des actions américaines « value » de petite capitalisation en serait un exemple dans le premier cas – temporairement du moins car Morningstar entend revisiter cette zone grise – et un fonds d’actions long/short dans le second cas).

Ils mettent ensuite en œuvre leur stratégie de manière active. Ces fonds sont entièrement de couleur orange, et leurs coûts sont à l’avenant : ce sont eux qui facturent généralement les frais de gestion les plus élevés.

Conclusion

Quelle importance, pensez-vous peut-être. D’abord, il est commode de parler la même langue. La plupart des gens n’ont qu’une vague idée de ce que recouvre le terme de « bêta intelligent ». Morningstar souhaiterait cerner ce concept avec précision (et en changer le nom).

Si nous parlons tous de bêta stratégique, de gestion indicielle, de gestion passive et de gestion active en sachant que nous prêtons la même signification à ces différents termes, nous aurons des conversations beaucoup plus fructueuses. Nous ne nous engagerons plus dans des dialogues de sourds – contrairement à ce qui se produit souvent aujourd’hui.

En outre, cette classification montre que le bêta stratégique se substitue à la gestion active, et non à la gestion passive. Les fonds à bêta stratégique sont plus chers que les fonds indiciels passifs et nourrissent des ambitions supérieures.

Les investisseurs les achètent (ou les conseillers financiers les recommandent) dans le même but que ce pour quoi les gérants actifs étaient habituellement mandatés : créer de la valeur – mais les gérant actifs n’inspirent plus la même confiance qu’auparavant. Les fonds à bêta stratégique ne sont pas des miroirs aux alouettes, dans le sens où ils tiennent leur promesse. Mais leur promesse est loin d’être neutre.

John Rekenthaler étudie les fonds d’investissement depuis 1988. Il est à présent éditorialiste pour Morningstar.com et fait partie du département de recherches sur l’investissement de Morningstar. John tient à souligner que si Morningstar partage généralement les conclusions du Rekenthaler Report, les opinions qu’il exprime n’engagent que lui.

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A propos de l'auteur

John Rekenthaler  is vice president of research for Morningstar.