« Bêta stratégique » : ce qu’il faut savoir

Les fonds à bêta stratégique, parfois complexes, continuent de se développer. Les investisseurs doivent se montrer sélectifs, souligne Ben Johnson.

Ben Johnson 22.10.2015
Facebook Twitter LinkedIn

L’équipe mondiale de recherche de Morningstar a récemment publié A Global Guide to Strategic-Beta Exchange-Traded Products (Guide mondial des produits indiciels cotés à bêta stratégique), son deuxième rapport annuel sur l’univers des ETP à bêta stratégique.

Cette publication examine, du point de vue géographique, les tendances en termes de croissance et de flux des actifs, le développement de produits et l’évolution des frais ; elle aborde également les origines du bêta stratégique et les différents types de risque que ces stratégies cherchent à contrôler ; enfin, elle fournit un guide pratique pour l’analyse des ETP à bêta stratégique.

Un extrait du rapport est reproduit ci-dessous et les investisseurs peuvent télécharger l’intégralité du guide ici.  

« Bêta intelligent », « bêta alternatif », « indices améliorés », « indices fondamentaux »… À mi-chemin entre la gestion active et la gestion passive, ces stratégies en plein essor génèrent une liste d’appellations presque assez longue pour relier la Terre à la Lune. 

Elles ont estompé un peu plus encore les frontières entre la gestion active et la gestion passive (voir l’illustration 1) et donné lieu à la vague la plus récente de nouveaux produits dans l’univers des ETP.

Le terme de bêta stratégique renvoie, pour Morningstar, à une catégorie déjà vaste, et qui ne cesse de croître, d’indices de référence et de produits d’investissement reproduisant ces indices.

Leur point commun est de viser de meilleures performances ou un autre profil de risque que les indices boursiers classiques. Dans le cas des stratégies en actions, qui représentent l’écrasante majorité des actifs dans cet univers, les produits affichent typiquement une ou plusieurs préférences factorielles par rapport aux indices traditionnels.

Source: Morningstar.

Les gérants d’actifs ne cessant d’imaginer de nouveaux produits, les départements ventes et marketing doivent redoubler d’efforts pour placer ces stratégies sur un marché de plus en plus compétitif. Dans ce contexte, le niveau de complexité des indices sur lesquels se fondent ces produits va croissant et, dans certains cas, les résultats effectifs des stratégies ne s’avèrent guère à la hauteur des arguments de vente en leur faveur. Morningstar se propose de fournir une boussole aux investisseurs qui peinent à s’orienter dans cet univers.

Bref rappel historique

L’expression « il n’y a rien de nouveau sous le soleil » s’applique parfaitement à ce « nouveau » secteur de la gestion d’actifs. Dans le milieu universitaire, les chercheurs procédaient déjà à l’attribution factorielle des performances il y a des décennies.

Et d’autres, notamment le fondateur de la société éponyme Barr Rosenberg Associates, avaient conçu des produits fondés sur ces moteurs de performance basiques. Le « bêta bionique » de Rosenberg avait d’ailleurs valu à ce dernier de faire la couverture du magazine Institutional Investor en mai 1978.

En quoi la situation est-elle différente aujourd’hui ? D’abord, les technologies de l’information et de l’investissement ont considérablement progressé depuis le milieu des années 1970 et les gérants d’actifs disposent désormais des ressources nécessaires pour gérer efficacement des stratégies indicielles plus complexes, en faire des produits de nouvelle génération (tels que les ETP) et les offrir à moindre coût aux investisseurs.

Les quatre dernières décennies ont aussi été marquées par une croissance régulière, dans la durée, de l’investissement indiciel. Depuis le lancement du premier fonds indiciel en 1975, la proportion de fonds commun de placement et d’ETP américains comptant comme produits indiciels est passée de 0 à presque 30 % aujourd’hui.

En définitive, le monde de l’investissement est bien plus disposé à accepter ce genre de stratégie aujourd’hui qu’il y a 40 ans : à l’époque, certains considéraient le concept de gestion indicielle comme « contraire à l’esprit américain », ainsi que le raconte John Bogle.

Le choix d’un nom

La nécessité de définir cet univers, de le mesurer et de l’encadrer s’est accrue, et continuera de s’accroître au fil du temps. Chez Morningstar, nous faisons en sorte de satisfaire ces besoins, dans le but, toujours, d’aider les investisseurs à prendre des décisions d’investissement plus éclairées.

Nous avons opté pour l’appellation « bêta stratégique » et nous allons maintenant expliquer pourquoi.

D’abord et avant tout, nous voulions nous défaire de la connotation positive que possède l’adjectif « intelligent » (smart) dans l’expression « bêta intelligent » (smart beta).

Toute stratégie appartenant à ce secteur n’est pas, en soi, intelligente. Le terme « stratégique » vise à attirer l’attention sur le fait que les indices de référence sous-jacents aux ETP, fonds communs de placement et autres produits d’investissement faisant partie de cet univers sont conçus sur la base d’un objectif stratégique, à savoir, principalement, tenter de réaliser une meilleure performance que celle d’un indice classique pondéré selon la capitalisation boursière, ou encore modifier le niveau de risque par rapport à un indice de référence.

Concernant le « bêta », il ne renvoie pas au sens théorique le plus strict du terme (c’est-à-dire la mesure de la sensibilité d’une valeur ou d’un portefeuille aux variations de l’ensemble du marché).

Il vise plutôt à souligner le fait que l’univers concerné se compose d’un groupe d’investissements indiciels qui ont tous pour but d’atteindre un bêta égal à 1 (tel que mesuré par rapport aux indices de référence).

« Bêta stratégique » est peut-être un peu plus prosaïque que « bêta intelligent » mais nous pensons que cette appellation décrit de manière plus précise ce dont il est question – et ne sous-entend pas que cet univers constitue le stade ultime de l’évolution en matière d’investissement.  

Soulignons qu’il ne s’agit que d’appellations et non pas de nouvelles catégories de fonds, de la même manière que nous ne parlons pas de catégorie « passive » ou « active ».

Les portefeuilles des fonds à bêta stratégique affichent des styles d’investissement très variés. Nos descriptions visent à aider les investisseurs à analyser de manière rigoureuse ce type de fonds, en facilitant la comparaison des produits qui proposent des stratégies similaires, et des fonds au sein d’une même catégorie Morningstar.

Un univers hétéroclite

Pour établir les frontières de l’espace qu’occupent les stratégies de bêta stratégique, nous avons tenté d’être aussi inclusifs que possible, en intégrant des solutions aux processus variés mais qui aboutissent à un produit final relativement similaire, chacune des stratégies incluses se démarquant de manière sensible des fonds classiques équivalents, fondés sur un indice élargi. 

Notons également que notre définition se distingue en ce qu’elle inclut des produits associés à des indices de référence dont les composants sont d’abord filtrés selon certains attributs (valeur, croissance, caractéristiques en matière de dividende, entre autres) puis pondérés selon leur capitalisation boursière (Vanguard Dividend Appreciation VIG, par exemple).

D’autres définitions excluent tous les produits fondés sur des indices dont les composants sont pondérés selon la capitalisation boursière.

L’univers auquel nous aboutissons ainsi comporte une grande variété de produits, depuis le fonds iShares MSCI All Country World Minimum Volatility ETF ACWV jusqu’à YieldShares High Income ETF YYY. Ils ont pour points communs :

  • d’être fondés sur des indices.
  • de suivre des indices de référence non traditionnels incluant une composante méthodologique active, qui vise habituellement soit à réaliser une meilleure performance, soit à offrir un autre profil de risque qu’un indice de référence standard.
  • d’avoir souvent des indices de référence dont l’historique de performance est bref, et qui ont été conçus exclusivement pour servir de base à un produit d’investissement.
  • de présenter des ratios de frais moins élevés que les fonds gérés de manière active.
  • d’afficher des ratios de frais souvent sensiblement plus élevés que les produits qui suivent un indice de référence à « bêta de masse » comme le S&P 500.

Une meilleure performance, un risque moindre ?

En partant d’une définition très large du bêta stratégique, nous distinguons ensuite les produits selon l’objectif dominant de leur indice sous-jacent. Ces objectifs permettent de distinguer trois catégories : les stratégies centrées sur la performance, les stratégies axées sur le risque et les « autres » stratégies, qui constituent une catégorie « fourre-tout ».

Les stratégies centrées sur la performance visent à surperformer un indice standard. Les indices de référence fondés sur la valeur ou la croissance en constituent de bons exemples. D’autres stratégies centrées sur la performance entendent cibler une source particulière de performance : les indices composés ou pondérés selon les dividendes, comme ceux que suivent les fonds iShares Select Dividend (DVY) et SPDR S&P Dividend ETF (SDY), en sont de parfaits exemples.

Les « autres » stratégies renvoient à une catégorie très diverse, allant des indices de référence non traditionnels axés sur les matières premières jusqu’aux indices multi-actifs. Cette catégorisation permet aux investisseurs de classer les instruments à bêta stratégique selon des critères très généraux.

Le diable se cache dans les détails

La troisième et dernière classification consiste à regrouper les produits aux objectifs stratégiques similaires de manière plus granulaire. Nous réunissons ici les produits qui suivent, entre autres, des indices composés ou pondérés selon les dividendes, des indices « value », des indices à volatilité/variance faible ou minimale ou encore des indices non traditionnels de matières premières.

Cette classification a pour but de faciliter une comparaison plus fine entre des produits aux méthodes sous-jacentes très semblables. L’illustration 2 présente en détail notre classification des produits à bêta stratégique.

Source: Morningstar.

Prochaines étapes

L’univers continue de croître plus rapidement que l’ensemble du marché des ETP et, plus généralement, que le secteur de la gestion d’actifs. Cette croissance est alimentée par de nouveaux cash-flows, le lancement de nouveaux produits et l’entrée sur le marché de nouveaux acteurs, dont certains sont des gérants d’actifs tout à fait classiques.

Cette tendance devrait selon nous se poursuivre, voire s’accélérer, à mesure qu’apparaissent de nouveaux ETP suivant de nouveaux indices, et que de nouveaux entrants percent sur le marché. Croissance et maturation entraîneront un processus de sélection qui a déjà commencé dans certaines régions, bien que de manière limitée. La multiplication des produits disponibles sur un marché de plus en plus concurrentiel exercera en outre des pressions sur les commissions. Certains ETF à bêta stratégique ont déjà fait vu leurs commissions diminuer très fortement et nous pensons que dans les années à venir, cette concurrence par les coûts devrait s’intensifier.

Facebook Twitter LinkedIn

A propos de l'auteur

Ben Johnson  Ben Johnson is Morningstar’s Director of European ETF Research.