Pourquoi les marchés sont-ils si volatils ?

La hausse du prix des actifs n’est qu’un phénomène financier, sans lien avec l’économie réelle, selon Richard Koo du Nomura Research Institute.

Jocelyn Jovène 18.09.2015
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La Chine est considérée comme le déclencheur de la violente correction intervenue sur les marchés financiers en août dernier, à partir du moment où le pays a annoncé la dévaluation de sa devise.

« QE Trap »

Pas pour Richard Koo du Nomura Research Institute. Pour cet économiste, la véritable raison de la volatilité des marchés financiers depuis quelques temps est plus liée au « piège de l’assouplissement quantitatif » ou « QE Trap ».

L’économiste connu internationalement pour avoir développé une analyse très fine de la crise financière de 2008 qu’il a qualifiée de « récession par le bilan » entend la situation où les banques centrales sont prises au piège des marchés financiers.

La décision jeudi soir de la Fed de ne pas relever ses taux directeurs, en raison notamment d’une faible inflation et de l’instabilité des marchés financiers, est sans aucun doute une illustration de ce phénomène.

Les marchés sont effet pris de panique dès que les banques centrales évoquent leur projet de réduire le montant des liquidités qu’elles ont massivement injectées dans le système financier, lesquelles ne se sont finalement presque pas transmises à l’économie réelle.

Sphère financière et économie réelle

Dans une note datée du 15 septembre, Koo explique : « je pense que la cause réelle des turbulences récentes est liée à la décision de la Fed de mettre un terme au quantitative easing. »

Pour l’économiste, le « QE » avait vocation à provoquer un effet de richesse (augmentation du patrimoine financier des agents économiques) sensé se transmettre à l’économie réelle à travers une reprise du cycle du crédit et de l’inflation.

Or comme l’illustre le graphique ci-après, si les injections de liquidités ont bien provoqué un gonflement du prix des actifs financiers, ce dernier ne s’est pas transmis à l’économie réelle. « Les entreprises et les ménages ont préféré réduire leur endettement plutôt que maximiser leur profit, privilégiant l’assainissement de leur bilan qui s’était fortement détérioré après la correction des marché », explique l’économiste.

Source: Nomura

Faible inflation

« Ni le crédit privé ni l’offre de monnaie n’ont manifesté de croissance significative malgré les injections massives de liquidités par les banques centrales du Japon, des Etats-Unis et du Royaume-Uni », explique-t-il.

L’absence de transmission de ces liquidités à l’économie réelle explique pourquoi le taux d’inflation est si bas, tant aux Etats-Unis (0,2%) qu’en zone euro ou au Japon, et ce malgré des situations parfois tendues sur le marché du travail.

Cela s’illustre aussi aux Etats-Unis par la chute de la vitesse de la circulation de la monnaie: lorsque l’activité économique se développe, les transactions monétaires (crédit) entre agents économiques augmentent entraînant une plus grande vélocité de la monnaie – ce que l’on a observé pendant la phase d’expansion précédant la crise financière de 2008.

Tant que la distribution de crédit ne repartira pas, la situation inconfortable actuelle se perpétuera avertit Koo. « Si la Fed peut utiliser cette situation pour commencer à retirer des liquidités du système, l’augmentation des rendements obligataires devrait être limitée et l’économie pourrait être en mesure de sortir de la trappe sans une correction trop importante du prix des actifs », observe-t-il.

 

 

 

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A propos de l'auteur

Jocelyn Jovène

Jocelyn Jovène  est analyste financier senior et rédacteur en chef de Morningstar France.