Paroles d’experts: l’allocation d’actifs

Comment déterminer son allocation d’actifs dans un contexte marqué par le retour de la volatilité ?

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Le regain de volatilité des marchés était au coeur de la discussion entre les trois spécialistes de l’allocation d’actifs présents à la conférence Morningstar du 8 septembre 2015 à Paris.

Regain de volatilité

Nos intervenants - David Ganozzi, gérant de portefeuille chez Fidelity Investment Worldwide, Frédéric Leroux, gérant global chez Carmignac et Charles de Quinsonas, gérant chez M&G, spécialisé sur la dette privée émergente - n’ont pas réagi au regain de volatilité observé depuis la fin de l’été de la même manière.

Chez Carmignac, les dévaluations chinoises successives du mois d’août ont retenti comme un signal d’alarme et ont conduit les équipes de gestion à réduire sérieusement la voilure sur les actions portant l’exposition des fonds Carmignac Investissement et Carmignac Patrimoine à respectivement 60% (son minimum légal) et 10%.

Cette réduction s’est faite via des produits dérivés plutôt que par une augmentation de l’allocation sur les obligations. Frédéric Leroux constate en effet que ces dernières n’ont pas joué leur rôle traditionnel de valeurs refuges certainement du fait des ventes d’obligations américaines par la Banque Centrale chinoise pour défendre sa monnaie après les dévaluations.

Leroux justifie par ailleurs l’ampleur des ajustements en portefeuille par la situation économique et financière, inédite de son point de vue.

Alors que pour préserver sa crédibilité, la Réserve Fédérale américaine ne devrait plus tarder à relever ses taux et ce alors même que l’économie chinoise montre de sérieux signes de faiblesse et que la croissance mondiale dans son ensemble n’est pas à la hauteur des attentes.

Ces inquiétudes sur la Chine sont partagées par Charles de Quinsonas pour qui la dévaluation du yuan est une forme de reconnaissance d’une croissance plus faible. Pour lui, le vrai problème réside dans la dette des entreprises chinoises qui a crû bien plus vite que le PIB.

L’affaiblissement de la monnaie devrait par ailleurs alourdir leur service de la dette et les pousser à s’endetter encore plus en monnaie locale.. Cela implique notamment moins de transparence pour les investisseurs internationaux qui se verraient en outre reculer dans le degré de séniorité des emprunteurs, la loi sur les faillites en Chine privilégiant la dette en yuan sur les emprunts en devises.

Ce pessimisme n’est pas de mise chez Fidelity. Sans nier le ralentissement de la croissance en Chine, David Ganozzi pense que la correction des marchés boursiers a été exagérée et considère que les actions offrent dès lors du potentiel.

Il concède cependant qu’une certaine volatilité n’est pas à exclure, ce qui est normal de ce point de vue, cette dernière ayant atteint des niveaux excessivement bas depuis le début des politiques hyper expansionnistes en 2009. Il ne craint pas la normalisation de la politique monétaire américaine mais l’attend au contraire comme un signal puissant que l’économie est de nouveau sur les rails. Pour lui, le quantitative easing a bien fonctionné comme en atteste la bonne tenue des chiffres de l’emploi américain.

Les marchés émergents boudés

Dans ce scénario, Ganozzi privilégie le marché actions européens et japonais au détriment de celui des Etats-Unis qu’il estime plus avancés dans le cycle économique.

En zone euro, même s’il considère que la croissance n’est pas encore auto-entretenue, il pense que le niveau de la monnaie unique et la faiblesse du prix des matières premières devraient continuer à soutenir la consommation. Sans surprise compte tenu de ses perspectives prudentes sur les actions, Leroux a quant à lui plutôt tendance à favoriser les Etats-Unis dans son allocation régionale.

Dans un contexte où la croissance est rare, les équipes de Carmignac y privilégient des valeurs moins sensibles à la conjoncture dans la santé, la biotechnologie ou l’internet. L’exposition au dollar est en revanche partiellement couverte, Leroux tablant sur une appréciation de l’euro et du yen dans un scénario « risk-off ».

Historiquement très présente sur les marchés émergents, la société a considérablement réduit son exposition dans ces pays. Pour le spécialiste de la dette privée émergente, Charles de Quinsonas, cette prudence est amplement justifiée.

La plupart des grands pays émergents ont selon lui des problèmes économiques et/ou politiques sérieux : la Chine bien sûr mais aussi le Brésil, la Russie ou la Turquie. Il pense néanmoins que la plupart de ces risques sont idiosyncratiques et qu’il n’y a pas de raison de condamner la classe d’actifs dans son ensemble. Il a même fait état de perspectives intéressantes pour des pays comme l’Inde, un avis partagé par Leroux.

L’impact de la baisse du prix des matières premières

L’Inde bénéficie notamment de la baisse du prix des matières premières contrairement à la plupart des pays d’Amérique Latine et la Russie. De Quinsonas note néanmoins que même si les fondamentaux de l’économie russe ont eu tendance à se dégrader à cause des sanctions internationales et de la chute du prix du pétrole, les entreprises privées ont fait preuve d’une bonne résilience et ont bénéficié de la dépréciation du rouble.

Interrogés sur l’existence d’éventuelles opportunités dans les entreprises liées aux matières premières, nos experts ont fait preuve de prudence. Pour Leroux, il est encore un peu tôt pour se réexposer  à ce thème compte tenu des incertitudes qui pèsent sur la croissance chinoise. Ganozzi y conserve quant à lui une allocation « neutre » de l’ordre de 10% considérant que la correction a été un peu loin sur ces secteurs, qu’il utilise par ailleurs à des fin de diversification.

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A propos de l'auteur

Thomas Lancereau, CFA

Thomas Lancereau, CFA  Directeur de l'Analyse des Fonds, Morningstar France