J.P.Morgan: Perspectives des marchés

Comment appréhender l'évolution à venir des marchés après une deuxième trimestre sans saveur.

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Cet article fait partie de la série "Perspective", qui regroupe des contributions externes. Le texte suivant a été rédigé par Benjamin Mandel, membre des équipes de gestion de J.P.Morgan Asset Management. 

Le second trimestre 2015 a été marqué par une série de retournements soudains qui l’ont rendu peu évident à naviguer pour les investisseurs. Les revirements les plus notables comprennent notamment un mouvement de vente des obligations des pays développés et du crédit investment grade, la pentification des courbes de taux, le rebond des cours des matières premières et des inversions de tendance modérées sur le dollar, l’euro et le yen.

Ces inflexions constituent-elles de véritables tournants décisifs? Les signes tangibles d’accélération de la croissance et de hausse des prix à la consommation aux Etats-Unis et en Europe, ainsi que les prix plus élevés et relativement stables du pétrole, laissent présager une répartition plus équilibrée des risques sur les marchés obligataires et une approche plus agnostique de la sensibilité au risque de taux.

La stabilisation des mesures actives de politique monétaire en Europe et au Japon, ainsi que l’insistance du Comité fédéral de l'open market (FOMC) à lier les taux américains aux chiffres à venir, ont atténué l’impact dominant des taux de change. Les marchés d’actions continuent de débattre de ces questions et sont restés relativement stables, bien que le décalage croissant entre les fondamentaux des marchés émergents (EM) et des marchés développés devrait se confirmer.

Malgré tous ces revirements, bon nombre de nos avis fondamentaux restent inchangés. Notre confiance dans la capacité des actions à surperformer cette année par rapport aux obligations s’appuie sur le fait que l’économie américaine se situe en milieu de cycle et est en train de trouver son rythme de croisière après un début d’année difficile.

Et bien que les marchés financiers aient dans une certaine mesure devancé les conditions économiques, la perspective d’un décollage des taux d’intérêt de leur niveau historiquement bas avec la reprise de la croissance et le début d’un resserrement de la politique de la Réserve fédérale (Fed) signifie que la valeur relative des actions est encore plus importante.

Nous nous attendons également à ce que le scénario cyclique habituel de la courbe des taux (aplatissement en période d’expansion) se manifeste de nouveau après avoir été malmené par des mouvements de vente sur l’extrémité long terme de la courbe. La mise en oeuvre de la politique monétaire américaine en septembre constitue un aspect important de ce scénario. Enfin, notre préférence pour les actions des marchés développés par rapport à celles des marchés émergents se trouve confortée par la détérioration du contexte économique sur ces derniers.

En l’absence de ce que nous jugeons être des facteurs temporaires, comme par exemple la hausse exagérée des actions chinoises ou les difficultés grecques, la surperformance des marchés développés aurait été flagrante.

Une duration morose

Aux Etats-Unis comme en Europe, les rendements à long terme affichent une reprise remarquable sur le second trimestre. Le bund allemand à 10 ans a frôlé un taux nul en avril pour rebondir à presque 1 % en juin ; les bons du Trésor américain à 30 ans ont augmenté de quasiment un point entier de pourcentage depuis le mois de janvier, à environ 3,25 %. Qu’est-ce qui explique ces variations ?

Bien qu’il n’existe pas de facteur unique, quelques facteurs clés permettent de mieux comprendre ce qui s’est passé. Le premier d’entre eux est la légère remontée des chiffres de l’inflation depuis le début de l’année. Les chiffres plus robustes de l’inflation sous-jacente aux États-Unis, accompagnés d’une stabilisation en Europe, ainsi que de la remontée des prix du pétrole jusqu’à environ 60 $, ont fait remonter les prévisions d’inflation, entraînant également une hausse des taux à long terme.

Cette inflation plus marquée devrait faire remonter les taux directeurs, provoquant ainsi une augmentation mécanique des taux à plus long terme. L’inconnue reste la manière dont les marchés intègrent les prévisions de croissance, qui constituent selon nous un important facteur de risque de remontée des taux si nos prévisions se confirmaient. La réévaluation de l’équilibre de ces risques nous incite à être plus neutres dans notre utilisation tactique de la duration.

À quand la hausse des taux ? Les chiffres économiques américains du mois passé viennent confirmer notre prévision d’un rebond de la croissance économique des Etats-Unis au second trimestre. La consommation intérieure sera le moteur de cette reprise, qui répond enfin à la confluence de fondamentaux positifs (amélioration du marché du travail, bilans en bon état, vigueur du dollar, etc.).

Avec la légère diminution du taux d’épargne, ce qui semblait constituer une « énigme monumentale » en début d’année – à savoir : fondamentaux parfaits, consommation apathique – se trouve rétrogradé en « énigme modérée ». Cette amélioration sera l’un des nombreux facteurs qui pousseront le FOMC à agir d’ici la fin de l’année, et l’une des principales raisons nous amenant à penser que la courbe des taux s’aplatira. En d’autres termes, le niveau des taux directeurs reflété par les taux à 10 ans des bons du Trésor (à savoir le taux sans risque) reste élevé par rapport à des taux à court terme exceptionnellement bas.

Notre scénario de base prévoit un premier mouvement en septembre avec une deuxième hausse des taux en décembre. Il repose sur un rebond de la croissance du PIB de l’ordre de 2,5 % au second et au troisième trimestre, sur des chiffres de créations d’emploi supérieurs à 200K et sur la poursuite d’une tendance de hausse progressive de l’inflation.

Le profil de la croissance économique des marchés développés renforcera cet argument aux yeux du FOMC et apporte de la stabilité à la trajectoire actuelle de la politique monétaire du G4. La zone euro et le Japon sont prêts à contribuer à la vigueur actuelle alors que le Royaume-Uni se remet d’un premier trimestre anémique. La Banque d’Angleterre reste sur la voie d’un resserrement en 2016.

Dans la zone euro, sauf mesures d’urgence en cas de répercussions négatives de la situation grecque, la banque centrale européenne se satisfera de conditions financières favorables et laissera sa politique inchangée ce trimestre. La Banque du Japon restera également sur ses gardes, tirant les conclusions de récents chiffres décevants et des signes avant-coureurs d’une hausse des salaires. La conséquence de cette constellation de politiques monétaires est un signal relativement faible pour le marché des changes. Bien que la première hausse des taux de la Fed devrait entraîner un renforcement supplémentaire du dollar, les mesures supplémentaires d’assouplissement sont passées au second plan ailleurs.

Marchés émergents : le retour aux fondamentaux

L’activité économique chinoise s’est quelque peu améliorée au second trimestre, mais pas suffisamment pour compenser les chiffres désastreux du premier trimestre. On ne le devinerait pas au vu des importantes fluctuations du marché boursier chinois, qui a gagné plus de 20 % en 2015.

Ce décalage est le reflet de la tension sous-jacente entre le ralentissement de la croissance chinoise et la réaction volontariste de la politique monétaire ; depuis le mois d’octobre, la Banque populaire de Chine a réduit ses taux créditeurs de référence à quatre reprises et le taux de réserves obligatoires à deux reprises, avec une réponse en demi-teinte de la croissance économique.

Par conséquent, et malgré la forte hausse de la bourse, la corrélation positive de longue date entre les actions chinoises et les autres indices EM s’est effondrée en 2015. Dans le meilleur des cas, cela témoigne d’un certain scepticisme quant à la capacité des autorités chinoises à générer une croissance de 7 % cette année. Au pire, cela remet en cause le rôle central de la Chine en tant que principal moteur de croissance des marchés émergents.

Sur les autres marchés émergents, les fondamentaux ne sont pas plus reluisants. L’écart de croissance entre marchés émergents et marchés développés est à son point le plus bas depuis le début des années 2000, le ralentissement de la croissance chinoise, la faiblesse des prix des matières premières et la plus faible intensité commerciale de la croissance mondiale continuant de peser sur la croissance économique des premiers.

La sous-performance du secteur manufacturier mondial est un autre facteur important pesant de façon disproportionnée sur la performance des marchés émergents. En termes d’investissement multi-actifs, nous restons convaincus que les actions des marchés développés afficheront cette année une performance supérieure à celle des obligations et des actions des marchés émergents, même en l’absence de rendements significatifs jusqu’en fin d’année.

 

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A propos de l'auteur

J.P.Morgan Asset Management  J.P.Morgan Asset Management est une filiale de J.P.Morgan.