Mines et métaux : un super-cycle à l’envers ?

Pour de nombreuses matières premières, la Chine est depuis plusieurs années l’élément clef de l’équilibre offre-demande.

Jocelyn Jovène 24.06.2015
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Les perspectives pour les marchés de mines et métaux sont relativement sombres : une reprise économique mondiale molle, le ralentissement de la Chine et des émergents, des surcapacités sur de nombreux marchés qui obligent les sociétés minières à revoir à la baisse leurs budgets d’investissement.

Rares sont les recoins du marché où les prix ont des chances de rebondir durablement. A tel point que l'on peut se demander si les matières premières ne sont pas entrées dans un "super-cycle" inversé. Petit tour d’horizon de quelques mines et métaux.

Charbon

Depuis 2011, les prix du charbon se sont effondrés. Le prix de la tonne de charbon thermique, qui était passé de 76 dollars la tonne (Newcastle Spot) en 2007 à 117 dollars la tonne en 2011 a reché à 66 dollars la tonne l’an dernier et devrait continuer de baisser cette année avant d’entamer un hypothétique rebond.

Malgré la consolidation de l’industrie en Chine, avec de nombreuses fermetures de mines, la demande reste molle : la consommation d’énergie ne devrait croître que de 3,4% par an entre 2015 et 2020 contre 7,9% par an entre 2000 et 2014, selon la NEA. Le charbon représente toujours 69% du mix énergétique du pays, et devrait tomber à 59%  d’ici 2020.

A cela s’ajoute une pression de plus en plus grande pour limiter la consommation de charbon dans le monde pour des raisons environnementales, au profit du solaire ou de l’éolien dont les coûts de production diminuent rapidement.

Autant d’éléments qui ne permettent pas de voir à court terme un rééquilibrage du marché.

Minerai de Fer

Piloté par la production mondiale d’acier, le marché du minerai de fer s’est rapidement développé ces dernières années, avec l’essor de la Chine, qui joue un rôle déterminant dans l’évolution des prix. L’an dernier, la demande mondiale de minerai de fer a atteint 2.118 millions de tonnes, quand l’offre s’est établie à 2.128 millions de tonnes. Cette année, le déséquilibre offre-demande devrait encore s’amplifier et cette situation pourrait durer quelques années.

De près de 170 dollars la tonne en 2011, les cours du minerai de fer sont tombés vers 60 dollars la tonne actuellement. Un redressement est attendu à moyen terme, mais celui-ci ne sera que très progressif.

Acier

C’est sans doute un paradoxe, mais la production mondiale d’acier a repassé dès 2010 son niveau d’avant crise (1.346 millions de tonnes en 2007). Cette année, certains courtiers attendent une croissance de 0,5% environ à 1.665 millions de tonnes (contre 1.656 mt en 2014).

La principale raison de cette croissance, c’est la Chine où l’offre d’acier n’a cessé de croître malgré la crise financière de 2008 et où pourtant des mesures pour réduire les surcapacités ont été prises.

C’est d’ailleurs grâce à une reprise de la demande chinoise d’acier que les prix ont une chance de se redresser sur le court et moyen terme.

Mais si les perspectives du marché chinois s’éclaircissent, celles des marchés brésilien ou russe sont toujours sombres. La consommation brésilienne d’acier devrait ainsi chuter de 7% cette année (après -6% en 2014), en raison d’une chute de la demande du secteur automobile et du transport et de stocks élevés.

Nickel

Après une tentative de rebond au cours du premier semestre 2014, le cours du nickel a repris son mouvement de baisse, à 12.665 dollars la tonne actuellement (contre 16.890 dollars la tonne en 2014).

Le marché est lui aussi marqué par un surplus d’offre par rapport à la demande, qui se traduit par une augmentation significative des stocks (416.000 tonnes prévus cette année contre 162.000 en 2012).

Au cours actuel, de nombreux sites ne sont plus rentables et il faudrait selon les calculs de Goldman Sachs que le cours repasse durablement la barre de 17.000 dollars la tonne pour que de nouveaux projets soient démarrés.

Comme 70% de la consommation mondiale est liée à la production d’acier inoxydable, un redémarrage de la demande est nécessaire pour que les prix se redressent. Or celle-ci tarde à se manifester.

Cuivre

Une fois encore, la Chine est le pays qui fait la pluie et le beau temps sur le marché mondial du cuivre, le pays représentant 45% de la consommation mondial du métal. Toutefois, après avoir reculé ces dernières années jusqu’à un point bas autour de 5.500 dollars la tonne, les prix du cuivre ont rebondi depuis le début de l’année vers 6.000-6.500 dollars la tonne.

Ce rebond s’expliquerait par le débouclage de positions spéculatives suite à la remontée des cours du pétrole et par l’arrêt de mines (RDC, Zambie, Mongolie…). En outre, le niveau des stocks a reculé de 25% au cours du deuxième trimestre à environ 450.000 tonnes.

A long terme, certains courtiers s’attendent à ce que la demande progresse 2% à 3% par an en moyenne, soit un rythme supérieur à la croissance de l’offre, ce qui serait un facteur de soutien des prix, sur fond de réduction des inventaires.

 

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A propos de l'auteur

Jocelyn Jovène

Jocelyn Jovène  est analyste financier senior et rédacteur en chef de Morningstar France.