J.P.Morgan: les "non-leçons" du Taper Tantrum

La similitude des épisodes récents sur les marchés de taux et de ceux de mai 2013 ne doit pas induire en erreur les investisseurs.

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Cet article fait partie de la série "Perspective", qui regroupe des contributions externes. Le texte suivant a été rédigé par John Bilton et Thushka Maharaj, membres des équipes de gestion de J.P.Morgan Asset Management. Il a été édité par Morningstar (ajout d'un titre et d'inter-titres).

Au cours du "taper tantrum" (l’agitation anxiogène provoquée par la Réserve fédérale à l’annonce de la réduction progressive de son programme de rachat d’actifs) de mai 2013, les rendements obligataires américains (US) à 10 ans avaient bondi de 100 pb en sept semaines, la volatilité implicite des Bunds allemands avait doublé et les actions européennes avaient chuté de 11,4%.

Cette année, au cours des mois d’avril et mai, les rendements américains à 10 ans ont progressé de 65 pb, la volatilité du Bund a presque triplé et les actions européennes évoluent à 8 % sous leur plus haut niveau.

 

Deux différences majeures 

Serions-nous donc en terrain connu ? Nous ne le pensons pas, tout en reconnaissant que le scénario de marché en cours, spécialement sur les marchés obligataires, entre dans une nouvelle phase.

Il existe deux différences entre la récente flambée de volatilité et le taper tantrum de 2013. Tout d’abord, en terme de direction du prix de marché, l’effet de contagion est plus restreint. Les marchés du crédit se sont notamment mieux comportés cette fois-ci ; s’il est exact que le crédit a commencé à s’alourdir un peu depuis quelque temps, nous estimons que cela peut largement s’expliquer par le calendrier des émissions.

Ensuite, par contraste avec le taper tantrum, les banquiers centraux dans le monde entier éprouvent des difficultés à réaffirmer que leur capacité de réaction n’a pas changé. Aux Etats-Unis tout au moins, il semble que le marché réagisse à l’infléchissement des statistiques, non à un changement de la manière dont la Réserve fédérale réagit aux statistiques.

L’occupation favorite de nombreux commentateurs consiste à rechercher des analogies historiques à chaque fois que le marché subit une poussée de volatilité. Il n’est donc pas étonnant que les comparaisons entre les soubresauts du marché obligataire actuel et le taper tantrum abondent.

Facteurs différents

 

Il est également vrai que l’idée selon laquelle “cette fois-ci c’est différent” fait partie des plus dangereuses formules utilisées dans le monde de la finance, de telle sorte que récuser d’office les analogies historiques serait tout aussi imprudent. Nous préférons plutôt nous concentrer sur une comparaison des facteurs sous-jacents de toutes les évolutions plutôt que d’établir une comparaison fondée sur la seule direction du prix de marché.

S’il existe de vagues similarités entre le récent mouvement de vente massif d’obligations et le taper tantrum, les facteurs sont tout à fait différents. Les marchés du crédit et la dette émergente ont en particulier souffert d’une baisse importante au cours du taper tantrum, mais résistent tout à fait bien au cours de la tourmente actuelle. Ceci reflète en partie un positionnement de moins longue durée, un meilleur niveau de spread et un sentiment général plus mesuré sur l’entrée des classes d’actifs dans le mouvement actuel de vente massif affectant les taux.

Avant le taper tantrum de 2013, les spreads high yield aux Etats-Unis atteignaient 425 pb et les rendements effectifs 530 pb, pour progresser respectivement à 525 pb et 685 pb fin juin 2013. Les reports à avril 2015 et les spreads high yield aux Etats-Unis ont commencé le mois à 495 pb, avec des rendements effectifs de 625 pb — sensiblement plus attractifs sur la base de ces deux indicateurs qu’au début du taper tantrum.

Tensions sur le crédit

Fait plus important, l’impact de la chute des prix de l’énergie fin 2014 avait éliminé tout vestige résiduel d’exubérance de cette classe d’actifs. Par conséquent, le segment du high yield – et les marchés du crédit plus généralement – ont pris l’ascendant sur les marchés des obligations d’Etat. Cependant, de récents signes de tension dans le domaine du crédit suscitent quelques inquiétudes sur cette classe d’actifs susceptible de succomber elle aussi à l’atonie qui frappe le marché obligataire.

A notre avis, le récent élargissement des spreads s’explique largement par le calendrier chargé des émissions que nous constatons. Traditionnellement, le mois de mai – comme ceux de janvier et septembre – représente une part importante des émissions annuelles. Avec le rebond des opérations de M&A (fusions/acquisitions), les émissions de dette ont même dépassé un niveau moyen élevé corrigé des variations saisonnières.

L’augmentation des stocks des courtiers suggère que les marchés du crédit sont désormais entré dans un processus de digestion des récentes nouvelles émissions et le niveau des prix sur le marché secondaire reflète simplement les concessions constatées sur les émissions primaires.

Néanmoins, pour remettre les choses dans leur contexte, les émissions investment grade hors secteur financier aux Etats-Unis au cours des trois mois précédant le mois de mai ont été supérieures de 70 % à celles de l’an dernier pour la même période. Pourtant, les spreads U.S. IG n’ont progressé que de 5 pb au cours de cette période.

Nouveaux risques

 

Au cours du taper tantrum de 2013, l’élargissement des spreads de crédit avait suivi strictement le rythme du mouvement de vente massif de bons du Trésor américain au cours du choc haussier initial des rendements. Le mouvement actuel des prix du crédit pourrait montrer des signes d’indigestion de nouvelles émissions mais reste encore loin de la perturbation générée par le taper tantrum.

L’effet contagieux du taper tantrum dans toutes les classes d’actifs a été, au moins en partie, probablement lié à la perception du changement de la fonction de réaction de la Réserve fédérale.

La position de la banque centrale a évolué de la fourniture extraordinaire de liquidité vers l’annonce d’un itinéraire de normalisation et de dépendance aux statistiques qui a sorti les marchés d’actifs de leur torpeur haussière pendant un certain temps. Par contraste, les récentes évolutions des taux sans risque peuvent être attribuées à une évolution des statistiques plutôt qu’à une modification du scénario ?

La présidente de la Réserve fédérale Janet Yellen continue de renforcer la notion de “dépendance aux statistiques”. Avec l’inflation à son niveau plancher et le rebond des statistiques d’activité, deux thèmes centraux qui ont pesé à la baisse sur les rendements obligataires fin 2014 et début 2015, l’atonie de la croissance et l’impulsion désinflationniste alimentée par la faiblesse des matières premières arrivent en fin de course.

Hausse des taux et fondamentaux

 

A notre avis, une nouvelle hausse des rendements obligataires est davantage susceptible de venir d’une amélioration des statistiques de croissance plutôt que de l’inflation. Nous estimons que cette même amélioration des statistiques de croissance va inciter la Réserve fédérale à commencer son processus de normalisation des taux en septembre, ce qui indique que la fonction de réaction de la FED n’a pas changé.

Lorsque l’amélioration de la croissance va pousser les taux à la hausse, nous prévoyons deux effets : une hausse des rendements obligataires alimentée par la hausse des taux réels et un calme relatif des actifs plus risqués – exactement ce que nous avons constatés avec la forte hausse des rendements , le VIX restant pourtant stable à 13.

Les précédents historiques suggèrent certainement une possibilité de volatilité accrue lors de la première hausse de taux mais, en l’absence d’un changement dans la fonction de réaction de la FED, les actifs plus risqués devraient rapidement retrouver leur équilibre dès le début d’un cycle de hausse provoqué par la croissance.

Cette évolution dessine à son tour un contexte dans lequel les rendements des obligations d’Etat peuvent continuer à reprendre de la valeur alors que les actions et le crédit offrent des performances modestement positives.

Au total, toute faiblesse du crédit liée à l’offre est susceptible d’offrir une opportunité potentielle. Alors que les taux sans risque continuent à progresser dans notre scénario principal, nous relevons que les spreads de crédit notés BBB, à 280 pb, sont en moyenne supérieurs de 70 pb à leur niveaux antérieurs en avance sur le démarrage des cinq dernières phases de hausse de taux.

Avec une amélioration du scénario de croissance poussant à la hausse les rendements sans risque, ceci confère un large espace à une compression des spreads de credit afin de compenser au moins les toutes premières hausses du nouveau cycle de taux.

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A propos de l'auteur

J.P.Morgan Asset Management  J.P.Morgan Asset Management est une filiale de J.P.Morgan.