Faut-il s’inquiéter de la divergence entre actions et haut rendement ?

Ces deux classes d’actifs, qui évoluent souvent de pair, peuvent s’écarter, ce qui signale parfois un risque pour les marchés. Qu’en est-il vraiment ?

Jocelyn Jovène 05.06.2015
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Actions et haut rendement sont des classes d’actifs qui évoluent souvent dans la même direction. Logique, puisqu’elles reflètent le plus souvent les fondamentaux des entreprises : croissance des résultats, génération de trésorerie, solidité du bilan et structure de la dette, politique de distribution et d’investissement (dont les fusions-acquisitions)…

Cette relation entre les deux classes d’actifs, que l’on observe sur longue période, s’est brisée depuis le milieu de l’année dernière.

Pour les stratégistes de Morgan Stanley, cette cassure peut signifier plusieurs choses. Tout d’abord, il peut s’agir d’un « retournement du cycle », les marchés du crédit réagissant avec les actions, mais ce cas de figure ne semble pas convenir à la situation présente selon la banque américaine.

La deuxième hypothèse est l’augmentation de l’activisme en matière de fusions-acquisitions, qui tend à privilégier les détenteurs d’actions (prime reçue en cas de rachat) au détriment des investisseurs en obligations (augmentation de l’effet de levier et du risque de défaut). Là encore, les indicateurs d’avancement du cycle économique de Morgan Stanley confirment une situation de reprise, période pendant laquelle les deux catégories enregistrent des performances positives, avec une légère avance aux actions par rapport au crédit.

La troisième explication, privilégiée par la banque, est un mouvement de correction temporaire du crédit lié au secteur de l’énergie, avec des craintes d’effet de contagion (« spillover ») à d’autres secteurs d’activité.

Or, pour la banque, la remontée récente des cours du pétrole réduit le risque de défaut dans le secteur, et la moindre volatilité réduit la prime de liquidité demandée par les investisseurs.

En résumé, la divergence entre crédit et actions ne serait qu’un phénomène de court terme et pas annonciatrice d’une évolution plus dramatique des marchés dans les mois à venir.

« Relativement aux actions, le crédit est chèrement valorisé sur la base de nos modèles de prévision à long terme, mais à court et moyen terme, le haut rendement constitue toujours un investissement intéressant », écrivent les stratégistes de Morgan Stanley.

Reste à savoir si cet avantage peut se maintenir en période de remontée des taux.

Sur ce point, les conclusions de la banque sont moins évidentes. D’un côté, Morgan Stanley défend l’idée que les spreads sont déjà élargis ce qui signifie que le risque de remontée des taux est déjà dans les prix du crédit, « à un degré supérieur à ce qu’intègre les actions. »

Mais la banque observe que les historiques de données pour analyser ce point sont trop courts pour être statistiquement significatif. Surtout, l’épisode du « Taper Tantrum » en mai 2013, durant lequel le marché avait été surpris par l’annonce de l’arrêt prochain du « QE » de la Fed et avait entraîné une remontée brutale des taux longs, épisode qui avait pesé sur de nombreuses classes d’actifs, y compris les actions et le crédit.

Pour se rassurer, les stratégistes de la banque notent que lors d’autres épisodes de remontée des taux (1994, 2004), « la première hausse n’avait pas marqué la fin du cycle ou la fin des performances positives. »

« La hausse des taux n’est clairement pas un problème insurmontable pour les actifs risqués à un horizon de un an », estime Morgan Stanley. « Toutefois, en regardant de plus près la période pendant laquelle la hausse des taux intervient effectivement, là la performance n’est pas toujours aussi robuste », prévient la banque.

 

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A propos de l'auteur

Jocelyn Jovène

Jocelyn Jovène  est analyste financier senior et rédacteur en chef de Morningstar France.