R.Bayston: « Il y a déconnexion entre bons du Trésor et fondamentaux de l’économie »

Pour ce gérant obligataire chez Franklin Templeton, la baisse des taux longs a poussé les investisseurs à prendre plus de risques.

Jocelyn Jovène 21.01.2015
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Roger Bayston, gérant des fonds Franklin US Government Fund, Franklin US Low duration et Franklin US Total Return Fund partage son analyse sur l'évolution des taux longs aux Etats-Unis et sur les sources de diversification disponibles dans l'univers obligataire.

Le marché attend une hausse des taux directeurs de la Fed. La croissance se raffermit, l’inflation semble sous contrôle. Pourquoi à votre avis, le rendement à 10 ans américain a-t-il reculé ? Est-ce dû à des facteurs techniques (flux de capitaux/fuite vers la qualité, appréciation du dollar) ou y a-t-il des raisons plus fondamentales ?

Il y a un certain nombre de facteurs qui ont influé sur l'orientation des taux. Nous nous attendons au fil du temps à ce que les meilleurs fondamentaux de l’économie américaine soutiennent une remontée des taux d'intérêt. Pourtant, à court et à moyen terme, nous avons vu une déconnexion entre l'activité économique des États-Unis et les niveaux des rendements.

Si vous croyez que les taux du Trésor doivent refléter l'activité économique et l'inflation, vous pouvez clairement voir une déconnexion entre rendements des bons du Trésor à 10 ans en-dessous de 2% alors que la croissance réelle pour le quatrième trimestre 2014 sera de près de 3%.

Quand vous regardez dans le monde entier la faiblesse des rendements obligataires dans de nombreux pays développés, la liquidité mondiale continue à jouer un rôle avec le Japon et la BCE en tête, les inquiétudes sur la croissance mondiale et la baisse importante des prix de l'énergie qui ont tous été des facteurs expliquant le récent rallye des bons Trésor.

La faiblesse des rendements est un défi pour les investisseurs. Certains participants craignent que la répression financière les a poussé à prendre plus de risque au moment où la liquidité des marchés a diminué, ce qui pourrait se traduire par  une perte en capital en cas de regain de la volatilité. Qu’en pensez-vous ?

Un des objectifs de la politique de taux zéro de la Réserve fédérale a été d'encourager la prise de risque. Vous en avez l’illustration à travers la forte demande pour les obligations à haut rendement.

La conséquence de la consolidation de l'industrie ainsi que des changements réglementaires touchant le secteur bancaire a été la réduction du nombre courtiers sur le marché obligataire et les intermédiaires qui sont encore présents ont le capital qu'ils sont prêts à engager. Ces intermédiaires ont historiquement joué un rôle important en se mettant en face des acheteurs et des vendeurs sur le marché. La question a été posée de savoir si cela pose un problème pour les investisseurs obligataires, en particulier dans le haut rendement.

Tout d'abord, les « baby-boomers » qui prennent leur retraite aux États-Unis ont sans doute augmenté la part de leur allocation composée d’actifs à revenu fixe et tout en cherchant à diminuer le risque de leur portefeuille. Nous voyons cela non seulement dans les fonds mutuels mais aussi au sein des fonds de pension. Cela alimente une importante demande pour des titres à revenu fixe de haute qualité et cela peut être un facteur atténuant lorsque nous réfléchissons à modifier les allocations entre les obligations et les autres opportunités d'investissement pendant cette période de change des taux directeurs.

Un autre facteur à considérer est l’impact réglementaire sur le secteur bancaire et la réduction des risques au sein des bilans bancaires qui a accru le montant de capitaux que les banques doivent détenir. Ce capital est souvent investi dans des obligations de qualité telles que les bons du Trésor et obligations émises par les agences hypothécaires. C’est une tendance qui se poursuit actuellement en Europe.

Enfin, à plusieurs reprises au cours des deux dernières années, nous avons rencontré des environnements de marché où le sentiment a soudainement changé et où de grandes quantités d'argent se sont déplacées rapidement, mais aucune de ces situations n’a provoqué de perturbations majeures en termes de liquidité.

Quand pensez-vous que la Fed va remonter ses taux ?

Les fondamentaux américains se sont renforcés, ce qui conforte la Fed pour discuter de la normalisation de sa politique monétaire. Dans son commentaire le plus récent, la Fed a déclaré qu'elle pourrait attendre avant de commencer à normaliser sa politique monétaire, ce qui selon elle était compatible avec le maintien de taux d'intérêt proches de zéro pendant un certain temps. La Fed a également déclaré que ses actions restent liées aux statistiques économiques, et que le taux cible des fonds fédéraux ne peuvent pas augmenter avant plusieurs réunions, ce qui signifie que rien ne se passera au minimum lors des deux premières réunions de 2015.

La chute des prix du pétrole pourrait être positive pour l'économie américaine, car elle stimule généralement les dépenses de consommation et contient l'inflation. La baisse des coûts est  susceptible de soutenir la croissance économique et, s’ils perdurent, ils pourraient diminuer la pression pour un relèvement des taux directeurs en dehors d’un rythme très progressif.

Certains investisseurs cherchent à diversifier leurs sources de rendement en regardant des catégories comme les prêts (« loans ») ou la dette émergente. Comment le couple risque/rendement se compare-t-il aux obligations souveraines ?

Ces catégories ont connu une demande croissante au cours des dernières années les investisseurs cherchant à trouver du rendement supplémentaire partout où il est disponible. Ce rendement plus élevé vise à compenser les divers risques associés à chaque catégorie, qu'il s’agisse du risque de défaut, du risque de change ou du risque de taux d'intérêt.

Les titres adossés à des prêts hypothécaires émis par les agences sont des titres de qualité supérieure qui se composent d'obligations regroupées ou garanties par une agence gouvernementale ou une entreprise soutenue par le gouvernement. Le gouvernement soutient titres afin d'encourager la croissance de la construction résidentielle. Ces titres ont un historique de rendement ajusté du risque attrayant avec une volatilité inférieure aux titres comparables dans l’univers des obligations, ce qui en fait un placement attrayant.

Nous les apprécions aussi à des fins de diversification sur de longues périodes de temps et pour les avantages qu'ils procurent quand il y a des moments de fuite vers la qualité.

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A propos de l'auteur

Jocelyn Jovène

Jocelyn Jovène  est analyste financier senior et rédacteur en chef de Morningstar France.