Que gagnez-vous réellement avec vos fonds?

La performance réalisée par l’investisseur est souvent éloignée de la performance affichée par les fonds.

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C’est une pratique courante que de regarder les résultats passés d’un fonds avant d’investir. Mais outre le fait que les performances passées ont un faible pouvoir prédictif, elles ne donnent pas une image complète de la performance réellement obtenue par les investisseurs.

En effet, les performances sont affichées sur des périodes par exemple de cinq ou dix ans, mais en pratique rares sont les investisseurs qui ont investi exactement sur ces périodes-là, sans faire varier leur investissement.

Pour avoir une idée des résultats réellement obtenus par les investisseurs avec un fonds donné, Morningstar a créé une mesure de performance, le « Morningstar Investor Return » (Performance Investisseur) qui pondère la performance d’un placement en fonction des flux de souscriptions.

La performance investisseur prend ainsi en compte le fait que tous les investisseurs n’investissent pas exactement à la date de début de calcul de la performance et ne gardent pas nécessairement leurs parts jusqu’au bout.

Calcul de la Performance Investisseur d’un fonds

Le calcul de la Performance investisseur mesure le taux de rentabilité interne d’un euro investi en prenant en compte les souscriptions et rachats au niveau du fonds.

C’est le taux de rendement qui permet de lier la valeur d’actif en début de période, en prenant en compte tous les flux intermédiaires pour arriver à la valeur d’actif en fin de période. Ce taux est calculé par itération pour aboutir à un rendement mensuel qui est ensuite annualisé.

Performance Investisseur par classe d’actif

L’analyse des flux de souscriptions, et sur une large palette de classe d’actifs, tend à montrer que beaucoup d’investisseurs achètent et vendent au mauvais moment. Les phases de baisses sont particulièrement propices à de mauvaises décisions d’investissement comme le montre le tableau ci-dessous.

L’exemple le plus frappant est celui des marchés émergents. Les investisseurs sont sortis de la classe d’actifs en 2011, avant un rebond de plus de 16% l’année suivante, en 2012. Ils sont alors retournés massivement sur les pays émergents avec des flux rentrants de 16,8 milliards d’euros sur l’année 2012. Les marchés émergents ont corrigé de 7% en 2013.

Source: Morningstar Direct.

Ce mauvais « timing » est exacerbé par la volatilité des supports dans lesquels les investisseurs  placent leur argent. Cette corrélation est cohérente : les fonds volatils peuvent en effet apparaître très attractifs lorsque le vent leur est favorable et attirent alors des actifs importants.

Inversement, les investisseurs ont tendance à vendre leurs parts après des périodes de chutes, reculs qui finissent toujours par arriver compte tenu du caractère fondamentalement risqué de ces classes d’actifs.

Les tableaux ci-dessous montrent la différence pour quelques catégories Morningstar entre la performance totale et la Performance Investisseur sur une période de cinq ans. Il s’agit de moyennes pondérées des actifs des fonds, afin de rendre compte de l’expérience de l’investisseur moyen.

Sur les actions, les investisseurs n’ont en moyenne pas obtenu la même performance que celle affichée par les fonds** sur cinq ans. D’une manière générale, les fonds spécialisés sur les pays émergents, plus volatils, ont tendance à être moins bien utilisés que ceux investis sur les actions françaises ou de la zone euro.

Source: Morningstar Direct.

De même, sur l’obligataire, les fonds** investis sur le compartiment plus risqué du haut rendement (« EUR High Yield Bond ») affichent en moyenne un écart plus grand entre performance totale et performance investisseur que ceux investis sur les obligations privées de qualité « investment grade » (EUR Corporate Bond).

Par exemple, sur cinq ans, les fonds de la catégorie EUR High Yield ont gagné 8,17% par an (performance pondérée par les actifs) mais l’investisseur moyen n’a, dans le même temps, gagné que 6,35% par an.

Source: Morningstar Direct.

Ces résultats appellent plusieurs commentaires. Ils tendent tout d’abord à confirmer que le risque est un facteur déterminant de l’écart entre la Performance Investisseur et la performance totale d’un fonds.

Cela ne veut pas dire qu’il faille rester complètement à l’écart des fonds volatils mais il faut en revanche être conscient de l’écart important sur ce type de fonds entre Performance Investisseur et performance totale.

Et qu’il convient, lorsque l’on souhaite investir sur ce genre de fonds, de le faire le plus rationnellement possible, sans céder aux mouvements d’enthousiasme, succédant aux périodes de forte hausse, ou de panique pendant la baisse. Dans tous les cas, le maintien d’un horizon d’investissement de long terme permet de profiter au mieux des opportunités que présentent ces segments.

Enfin, au-delà du comportement des investisseurs qui sont parfois pro-cycliques, l’attitude des sociétés de gestion joue un rôle important. Certaines d’entre elles encouragent des stratégies de court terme et font la promotion de gains rapides, en lançant par exemple des fonds pour surfer sur des thèmes à la mode ou des fonds très spécialisés et volatils, pour attirer les actifs quand la performance est bonne.

Les sociétés de gestion qui, à l’inverse, développent leurs produits dans une logique de long terme et font attention aux risques qu’elles font courir à leurs clients s’inscrivent dans un cercle vertueux : les investisseurs prennent moins de décisions qui leur sont dommageables et ont donc beaucoup plus de chance de leur rester fidèles dans la durée.

 

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A propos de l'auteur

Mathieu Caquineau, CFA

Mathieu Caquineau, CFA  Analyste fonds senior, Morningstar France