PIMCO : où en est-on deux mois après le départ de Gross?

Un point sur les flux, les notes et une vue des fonds distribués en Europe ainsi que de la société de gestion.

Mara Dobrescu 05.12.2014
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Cela fait deux mois que Bill Gross a quitté PIMCO, départ surprise officialisé le 26 septembre 2014. A cette date, Morningstar a décidé de placer sous revue la notation de l’ensemble des fonds du gestionnaire d’actifs.

Depuis, les analystes de Morningstar ont :

  • Mis à jour et publié les notations de 50 fonds gérés ou conseillés par PIMCO et domiciliés aux Etats-Unis, ainsi que 8 fonds domiciliés en Europe.
  • Mis à jour l’évaluation de la société de gestion PIMCO (pilier « société de gestion » de la notation Morningstar).
  • Publié plus de 20 articles et commentaires dont un point sur les flux, les implications du départ de Bill Gross et ses débuts chez Janus.

 

Point sur la notation

Le changement de l’équipe de gestion de PIMCO suite au départ de Bill Gross ont conduit à la dégradation de plusieurs fonds. Notre processus de re-notation des fonds a suivi un processus rigoureux, imposant à nos analystes de revisiter leur thèse pour chaque fonds à la lumière dont ils ont été affectés directement ou indirectement par les changements de gérants ou par d’autres évolutions – comme le comité d’investissement de PIMCO.

Ce processus a impliqué une douzaine d’analystes, plusieurs comités de notation, de nombreuses heures de débat et finalement l’attribution des nouvelles notations.

Voici le résumé de nos notes pour les fonds distribués en Europe :

Source: Morningstar

Point sur les flux

Le fonds PIMCO Total Return a connu une décollecte estimée à 32,3 milliards de dollars sur le mois d’octobre, soit quasiment le double de la décollecte subie sur le seul mois de septembre (17,2 milliards de dollars).

Juste après le départ de Bill Gross, de nombreux clients ont retiré leurs actifs. La communication de la société de gestion indique que près de la moitié des fonds perdus l’ont été dans les sept premiers jours après le départ du gérant vedette, lorsque les craintes des investisseurs étaient les plus vives.

Récemment, la décollecte a ralenti, mais reste à des niveaux encore élevés.

La version européenne du fonds de PIMCO – PIMCO GIS Total Return – a subi une importante décollecte, mais son amplitude était de moindre ampleur compte tenu de la taille plus réduite des fonds distribués en Europe. Le graphique suivant illustre ces deux points :

Source : Morningstar

Au regard des discussions que Morningstar a eu par le passé avec Bill Gross et avec les nouveaux gérants des fonds au cours des six semaines écoulées, nous considérions que la société de gestion dispose de la liquidité suffisante pour faire face à une décollecte massive sans trop affecter la concentration sectorielle ou d’autres caractéristiques des portefeuilles gérés dans les fonds. Cela a été le cas au cours du mois d’octobre, puisque la performance du fonds a été positive par rapport à sa catégorie.

Sur la période, le fonds PIMCO GIS Total Return a enregistré une progression de 0,73% en dollars, contre 0,66% de hausse pour la catégorie (EAA OE USD Diversified Bond) et 0,98% pour l’indice de référence (Barclays US Agg Bond TR USD).

70% de la décollecte du mois d’octobre est venue de fonds dont Gross avait la responsabilité, PIMCO Total Return n’est pas le seul fonds affecté. Le tableau suivant résume les flux des fonds domiciliés en Europe et suivis par nos analystes (les chiffres ont été arrondis au million de dollars près).

Source: Morningstar

En particulier, les stratégies PIMCO GIS Global Investment Grade Credit et Global Real Return ont connu une décollecte importante, même si une part importante est survenue au cours des douze mois précédant l’annonce du départ de Bill Gross.

Dans l’ensemble, nous continuerons de suivre l’évolution des flux des fonds PIMCO Total Return et de l’ensemble de l’offre de la société de gestion. Nous réévaluerons notre notation des fonds dans l’éventualité où un changement matériel dans la rapidité de l’évolution des encours se manifesterait.

La société de gestion

S’il est trop tôt pour tirer des conclusions quant à l’évolution de l’équipe de gestion, les « nouveaux » visages de la gestion de PIMCO sont bien connus des investisseurs et ont largement contribué au succès de la société.

Voici en résumé le profil de chacun des responsables récemment nommés par PIMCO.

Dan Ivascyn, directeur des investissements du groupe, a joué un rôle significatif pendant ses 16 ans chez PIMCO. Avant d’être nommé à son poste, il était responsable de la gestion de portefeuilles internes pour le compte des salariés de la société. Avec son co-gérant Alfred Murata, il a construit un solide historique de performance sur le fonds de 39 milliards de dollars PIMCO Income, et a reçu avec lui le Morningstar’s U.S. Fixed Income Fund Manager of the Year en 2013.

Mark Kiesel, CIO de la poche crédit global et co-gérant du fonds PIMCO Total Return, a un historique de performance impressionnant en 12 ans de gestion des fonds PIMCO Investment Grade Corporate Bond et PIMCO GIS Global Investment Grade Corporate Bond. Il a été nommé Fixed-Income Fund Manager of the Year en 2012.

Mihir Worah, CIO Real Return et Asset Allocation, co-gérant du fonds PIMCO Total Return, a rejoint PIMCO en 2001. En 2007, il a pris en main la gestion des stratégies « Real Return » qui comprend les fonds PIMCO Real Return et PIMCO Commodity Real Return.

Santé financière

PIMCO a dû prendre des mesures exceptionnelles pour retenir les meilleurs talents dans son équipe de gestion. Le jour du départ de Bill Gross, l’équipe de gestion a indiqué qu’elle travaillerait sur la base d’une nouvelle grille de rémunération.

Par la suite, la société a annoncé un bonus de 279 millions de dollars, dans lequel certains dirigeants et gérants de portefeuille senior recevront des compensations en cash différées en plus de leur bonus régulier. Cette somme sera versée au cours des deux prochaines années et demie, qui constitue la période la plus à risque pour PIMCO et qui atteindra son point culminant mi-2017.

Sur la base de notre analyse des revenus et des coûts de PIMCO, et de ses relations avec Allianz, ainsi qu’avec une base diversifiée de clients, nous pensons que la société est en mesure de supporter une décollecte de 300 à 350 milliards de dollars au cours des trois prochaines années, soit environ 10% de décollecte annuellement.

Malgré cette situation particulièrement délicate, nous pensons que PIMCO peut parvenir à maintenir un niveau élevé de rentabilité, suffisamment acceptable pour sa maison-mère Allianz sans avoir à modifier en profondeur son processus d’investissement ou sa structure de coûts, qui pourraient avoir un impact sur ses performances futures.

Toutefois, cette évaluation pourrait évoluer en fonction de l’ampleur et de la durée du mouvement de décollecte que connaît la société de gestion actuellement.

PIMCO n’est clairement pas tirée d’affaire, et les investisseurs devraient la maintenir sous surveillance, le temps que ses équipes fassent la preuve de leur talent. Toutefois, les investisseurs ne devraient pas envisager le scénario du pire pour PIMCO.

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A propos de l'auteur

Mara Dobrescu

Mara Dobrescu  est analyste Fonds chez Morningstar France