F. Leroux (Carmignac): « Nos portefeuilles gardent un positionnement défensif »

Frédéric Leroux, gérant global chez Carmignac, privilégie plutôt les titres défensifs, qu'il trouve plutôt aux Etats-Unis, et ce malgré des niveaux de valorisation élevés.

Jocelyn Jovène 19.11.2014
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Frédéric Leroux, gérant global chez Carmignac Gestion et gérant des fonds Carmignac Investissement Latitude (noté "Bronze") et de la gamme Carmignac Profil Réactif (notée "Bronze") partage son analyse de l'environnement macro-économique et ses choix de gestion. L'entretien a été relu et amendé par le gérant.

Comment expliquez-vous l’écart de performance économique entre l’Europe et les Etats-Unis ?

Nous sommes aujourd’hui toujours confrontés à un environnement de type déflationniste un peu partout dans le monde, marqué par la poursuite d’un mouvement de désendettement. Les gouvernements et les banques ne participent pas autant que par le passé au financement de l’économie ou à son redémarrage. L’évolution des prix des matières premières ou l’absence d’inflation salariale dans de nombreux pays témoignent de la rémanence des tensions déflationnistes.

La situation est loin d’être normale. Toutefois, dans ce contexte, la différence de vigueur entre Etats-Unis et Europe s’explique par l’impact de politiques monétaires divergentes. La Fed a agi plus tôt et plus fort que la BCE, qui agit toujours avec un temps de retard dommageable.

Or aujourd’hui encore, il semble que le seul moyen pour un pays ou une zone géographique d’espérer croître repose sur l’activisme de sa banque centrale.

De nombreux investisseurs voient dans les Etats-Unis le moteur de la croissance mondiale. Partagez-vous cette analyse ?

Les Etats-Unis affichent des rythmes de croissance plus soutenus mais ils sont loin d’être la locomotive du monde. La croissance américaine est moins contagieuse que par le passé car le pays importe moins que dans les phases analogues des précédents cycles: les nouvelles conditions énergétiques, la chute du dollar ont assuré des gains de compétitivité qui ont rendu le pays moins dépendant du reste du monde. Les Américains produisent des biens et services qu’ils importaient auparavant.

Le marché actions américain est devenu le marché défensif par excellence. On l’a encore vu lors de la phase de correction d’octobre. Cela étant les surprises positives pour les marchés actions viendront désormais moins des Etats-Unis que d’Europe ou du Japon.

Justement, les mesures de la BCE annoncées à ce jour vous semblent-elles suffisantes ?

Nous pensons que le rachat d’obligations gouvernementales par la BCE constituera la prochaine phase de son action provoquée par une rechute conjoncturelle de l’activité économique, une accentuation des pressions déflationnistes de la zone euro, voire des risques inquiétants sur la conjoncture du reste du monde.

A court terme, compte tenu de la forte dépendance à l’économie allemande et de l’incurie de certains pays (Italie, France), la croissance économique ne peut venir que de la dynamique des exportations que seule la baisse de l’euro semble pouvoir aider. Mais l’environnement reste difficile, car d’autres pays pratiquent les dévaluations compétitives comme au Japon, ou dans d’autres pays asiatiques.

De nombreux investisseurs craignent un regain de volatilité sur les marchés dans la perspective d’une remontée des taux directeurs américains. Comment peut-on s’en protéger ?

Une stratégie de protection réside dans l’anticipation d’une hausse de la volatilité en s’exposant de manière structurelle. Le problème est que l’on ne peut qu’acheter la volatilité à terme, ce qui coûte assez cher. C’est cependant ce que nous faisons pour certains de nos fonds, qui ont de ce fait bien traversé le mois d’octobre.

Une autre stratégie consiste à être long en actions japonaises (tout en se couvrant du risque de change) ou vendeur d’obligations gouvernementales nipponnes. La reprise de l’inflation semble montrer que l’action de la Banque du Japon, qui est en mode « whatever it takes », est efficace.

Quels sont vos grands paris pour 2015 ?

Nous gardons une exposition importante aux actions américaines dans la perspective d’une poursuite de la déception des investisseurs à l’égard de la croissance économique mondiale.

Nous restons « long » sur le dollar, en raison du différentiel de croissance des Etats-Unis avec le reste du monde, de la perspective d’une remontée des taux et de l’action de la BCE qui sera plus agressive dans son action, ce qui accélèrera la baisse de l’euro par rapport au dollar.

Au niveau des actions, nous adoptons une approche relativement défensive. Les fonds sont largement exposés mais via des thématiques défensives. Nos fonds sont surtout investis dans les nouveaux « Nifty Fifty » dans des secteurs aussi divers que la consommation défensive, la pharmacie ou l’Internet. Nous avons également commencé à investir dans les transports ferroviaires aux Etats-Unis.

Nous reviendrons vers des titres plus cycliques si le cycle économique montrait des signes de plus grande vigueur sous-jacente.

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A propos de l'auteur

Jocelyn Jovène

Jocelyn Jovène  est analyste financier senior et rédacteur en chef de Morningstar France.