J.P.Morgan AM: les actions aidées par la politique monétaire

Les marchés d’actions sont bien placés pour bénéficier des nouvelles mesures de relance des banques centrales.

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Cet article fait partie de la série "Perspective", qui regroupe des contributions externes. Le texte suivant a été rédigé par l'équipe des stratégistes de J.P.Morgan Asset Management. 

À la suite de notre récent Strategy Summit, nous avons rééquilibré les portefeuilles afin de mettre davantage l’accent sur les marchés d’actions bien placés pour bénéficier des nouvelles mesures de relance des banques centrales.

Au sein de nos portefeuilles, l’Europe et le Japon ont notamment été identifiés comme bénéficiant de cette tendance. La semaine dernière a été marquante du fait du tournant opéré tant par la Réserve fédérale américaine (Fed) que par la Banque du Japon (BoJ).

La Fed a en effet annoncé la fin de sa politique d’assouplissement quantitatif, tandis que la BoJ révélait l’adoption de nouvelles mesures de relance. Force est de constater que les divergences sont bien réelles et manifestes, et que leurs effets se feront sans doute davantage sentir sur les marchés des changes, induisant peut-être une certaine confusion.

Changement de cap du Japon

La semaine dernière, la BoJ a pris les marchés à contre-pied en annonçant un assouplissement de sa politique monétaire. La banque centrale s’est engagée à augmenter la base monétaire à un rythme annuel de 80 000 milliards de yens, contre 60-70 000 milliards, et à accroître les rachats d’ETF et de J-REIT.

L’impact le plus important s’est manifesté sur les marchés des changes où le yen a baissé de 109,2 dollars à 112,5 dollars vendredi, alors que l’indice Topix enregistrait un bond de plus de 4 %. Cette intervention a surpris les économistes dont 3 seulement sur 32 l’avaient anticipée.

Cette intervention se justifie par la détérioration des statistiques macroéconomiques japonaises. L’activité s’était effondrée au deuxième trimestre après le relèvement de la taxe sur la consommation de 5 % à 8 % au début avril.

Certains pensent cependant que les autorités devront revoir à la baisse les chiffres de l’activité du troisième trimestre compte tenu de l’atonie des dernières statistiques. La situation est embarrassante car le Premier ministre, M. Abe, doit décider de relever ou non une nouvelle fois la taxe sur la consommation de 8 % à 10 % en avril prochain – décision devant être prise après la publication des chiffres du PIB du troisième trimestre.

La faiblesse de l’économie a effectivement forcé la main de M. Kuroda, gouverneur de la BoJ. En bon ex-ministre des Finances, Kuroda-san souhaiterait vivement une nouvelle hausse de la taxe sur la consommation (et de ce fait un nouveau rééquilibrage budgétaire) qui pourrait alors s’accompagner de mesures de relance supplémentaires.

En outre, le taux d’inflation du Japon après relèvement de cette taxe montre des signes d’inflexion, ce qui pourrait entraîner un recul du taux d’inflation annuel au-dessous de 2 % en avril 2015 et à près de 1 % en milieu d’année. Il est évident que cette perspective ne cadre pas avec l’objectif d’inflation de 2 % de la BoJ.

De simples estimations sell-side montrent que le rythme relatif d’expansion du bilan des banques centrales américaine et japonaise devrait se traduire par une baisse du yen à 130-140 dollars sur les 12 prochains mois.

Il s’agit évidemment d’une estimation approximative plutôt que d’une analyse empirique rigoureuse, mais un tel résultat serait pour le moins déstabilisant. S’il est probable que cette évolution donnerait un coup de pouce aux actions japonaises, qui ont évolué dans le sillage de la monnaie au cours de la dernière décennie, elle pose quand même deux problèmes en termes d’investissement. Le premier est que le marché japonais du travail est déjà tendu, avec un taux de chômage de 3,6 % – non loin de son plus bas niveau depuis 17 ans.

Ainsi, toute nouvelle relance de la demande pourrait générer une inflation excessive des salaires et annihiler les gains de compétitivité. Le second problème, et le plus significatif, est qu’une dépréciation de plus grande envergure du yen pourrait induire un effet déflationniste massif dans des régions d’Europe et de Chine – situation que la zone euro s’efforce à tout prix d’éviter.

Manque d’attrait des actions européennes ?

Les anticipations de nouvelles mesures de relance monétaire ont compté parmi les principales raisons à l’origine du renforcement de la pondération des actions européennes à un niveau modéré lors de notre dernier Strategy Summit de septembre.

Depuis, la performance a déçu du fait d’un recul d’environ 5 % de l’Eurostoxx et l’indice affiche désormais un résultat pratiquement plat depuis le début de l’année. L’évolution a toutefois été plus préjudiciable encore pour les investisseurs en dollar, l’Eurostoxx s’inscrivant en baisse de près de 10 % en dollar depuis le début de l’année et de quelque 7 % depuis notre Strategy Summit.

Il apparaît alors légitime de se demander ce qui a changé pour que la performance baisse depuis septembre. Selon nous, cela résulte de deux facteurs.

Premièrement, les espoirs du marché relatifs à d’importantes mesures de relance monétaire (préalablement suscités par les commentaires de M. Mario Draghi, Président de la Banque centrale européenne) se sont lentement étiolés du fait de la mise en place d’interventions d’une envergure moindre que ce qui avait été annoncé.

Étant donné que ces nouvelles mesures constituaient pour nous le facteur positif pour les actions européennes, nous considérons ce manque d’action comme le principal facteur négatif.

Deuxièmement, la persistance de statistiques économiques atones, en particulier en Allemagne, a fait naître des craintes de voir l’Europe retomber en récession, mais les réactions ont selon nous été exagérées.

S’il est clair que la confiance des entrepreneurs allemands a été plus touchée que dans la plupart des autres pays de la zone euro, le récent accès de faiblesse des données «tangibles» allemandes a sans doute été excessif du fait notamment de distorsions imputables aux vacances.

Nos perspectives économiques pour l’Europe demeurent donc inchangées et nous anticipons la poursuite d’une croissance positive, bien qu’anémique et inégale. La récente stabilisation des indices PMI pourrait en être un signe précurseur.

Concernant les niveaux de valorisation, la région est loin d’être « bon marché » au regard des PER, avec un niveau actuel en glissement de 18,4 – supérieur de pas moins de 27 % au PER moyen de 14,5 constaté depuis 1980.

D’un autre côté, le ratio cours/actif net actuel s’établit à 1,6 – niveau inférieur de 3 % à sa moyenne depuis 1980 et le PER corrigé du cycle (calculé sur la base d’une moyenne mobile des bénéfices sur 10 ans) est inférieur de 32 % à sa moyenne sur la même période.

Ces indicateurs contradictoires s’expliquent par le fait que les bénéfices demeurent extrêmement faibles en Europe. Pour l’Europe hors Royaume-Uni, les bénéfices se situent toujours à un niveau inférieur de 29 % à leur pic d’avant crise. À titre de comparaison, les bénéfices américains sont aujourd’hui à un niveau supérieur de 16 % à ce pic.

Toutefois, pour que les valorisations relatives deviennent un facteur porteur pour le marché, les investisseurs voudront voir des preuves d’une reprise réelle des bénéfices européens.

Si 2014 reste encore susceptible d’être marqué par une hausse des résultats pour la première fois depuis des années, les anticipations n’ont cependant cessé d’être révisées à la baisse – d’environ 17 % en début d’année à environ 8 % actuellement.

La dépréciation rapide de l’euro pourrait constituer le déclencheur d’une l’inversion de cette tendance, tout comme son précédent raffermissement avait lourdement pesé sur les bénéfices.

Mais cette dépréciation ne commencera réellement à soutenir les résultats qu’à partir du quatrième trimestre et les chiffres ne seront pas publiés avant l’an prochain. Compte tenu des récentes déceptions, nous suspectons les investisseurs de vouloir attendre les chiffres réels avant de retrouver leur enthousiasme !

D’ici-là, il est cependant difficile d’imaginer d’où de nouveaux acheteurs d’actions européennes pourraient venir. En 2013 et au premier semestre 2014, les investisseurs américains se sont renforcés sur l’UE pour la première fois depuis 12 ans, afin d’aligner leur pondération de ce marché sur la capitalisation de l’Europe par rapport à celle des marchés internationaux.

Mais les données relatives aux flux hebdomadaires indiquent que les entrées de capitaux en Europe commencent à se réduire. Compte tenu des performances déjà médiocres en dollar et du fait que le scénario positif pour l’Europe repose en partie sur un affaiblissement de l’euro, ce serait peut-être trop demander aux investisseurs en dollar de renforcer leurs positions en actions de l’UE.

Sauf dans le cas où la BCE surprendrait la semaine prochaine en annonçant des mesures inattendues du type de celles de la BoJ, il faut admettre avec regret que le bien-fondé d’un investissement en actions européennes n’a rien de très attractif d’ici à la fin de l’année.

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A propos de l'auteur

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