Rentrée chargée pour les investisseurs

Malgré le rebond des actifs risqués, les thématiques de début d’année sont toujours d’actualité.

Jocelyn Jovène 01.09.2014
Facebook Twitter LinkedIn

Après un été plutôt mouvementé, la « rentrée » s’annonce tout aussi chargée pour les investisseurs. Si des signes de reprise semblent se faire jour aux Etats-Unis, la conjoncture européenne donne des signes de détérioration, sur fond de tensions géopolitiques toujours vives autour de l’Ukraine, sans parler de la situation peu stable du Moyen-Orient. Conscients de cette situation, les banquiers centraux sont toujours en alerte.

Nouveau paquet de mesures de la BCE

En Europe, Mario Draghi a profité de la fin de l’été pour opérer un glissement sémantique, n’observant plus les chiffres d’inflation mais s’attachant à suivre de près l’évolution des anticipations d’inflation, matérialisée par le taux d’inflation à 5 ans dans 5 ans, dont une diminution trop importante traduirait le risque croissant d’entrée en déflation de la zone euro.

Surtout, en demandant ouvertement un assouplissement des règles budgétaires, le patron de la BCE a créé la surprise. Cette déclaration a surtout entraîné l’espoir d’une nouvelle vague de mesures, qui pourraient inclure un « Quantitative Easing », alors que le paquet annoncé le 5 juin n’a été que très partiellement mis en œuvre et été déjà jugée à l’époque comme ayant peu de chances de réussir. La réunion du 4 septembre et la suivante seront donc critiques pour les investisseurs.

« Draghi sera sous une pression intense pendant sa conférence de presse pour être plus explicite sur le ‘QE souverain’. Nous pensons que reconnaître que ‘la probabilité d’un assouplissement à grande échelle est maintenant plus grande’ et lier ce constat à un ‘suivi attentif’ de l’évolution économique pourrait constituer une approche équilibrée », note Gilles Moec, économiste chez Deutsche Bank.

Exit Strategy de la Fed

Mais le grand sujet de préoccupation reste la stratégie de sortie du « Quantitative Easing » et la remontée des taux courts américains. Janet Yellen et le comité de politique monétaire de la Fed suivent de très près les développements du marché du travail aux Etats-Unis. Si le taux de chômage est retombé à un niveau bas, cela n’a pas concerné l’ensemble de la population active.

Bien que largement dépendante de la consommation et de la confiance du consommateur, les Etats-Unis doivent aussi voir s’engager un rebond de l’investissement, que pourrait laisser présager la reprise des commandes de biens durables en hausse de 22% en juillet.

« La tentative de transition de marchés pilotés par la liquidité à des marchés guidés par la croissance est à un point de jonction critique », selon les économistes de Bank of America Merrill Lynch.

Risque déflation et chute des taux longs

Un sujet d’inquiétude lié concerne l’évolution des taux longs. En Allemagne, le rendement à 10 ans du Bund a touché des plus bas historiques la semaine dernière en tombant sous les 0,9%. Mais paradoxalement, le rendement du 10 ans espagnol touchait lui aussi des niveaux historiquement bas, autour de 2,2%, alors que le pays, bien qu’en phase de reprise, connaît un chômage record.

Le plus surprenant est que pendant que les taux longs chutaient, signes pour le moins inquiétant quant à l’évolution future de l’économie, les investisseurs ont continué de s’exposer aux actifs risqués.

« La confusion dont font preuve les marchés financiers ces derniers mois a viré à l’anarchie [la semaine dernière], avec d’un côté la persistance d’un rapprochement des anticipations de hausse des taux de la Fed, illustré par une nette remontée des taux à deux ans, et de l’autre, l’écrasement généralisé des taux à long terme, résultat d’une nette accentuation de l’aversion au risque au niveau mondial », observe Véronique Riches-Flores de RF Research dans une note aux investisseurs.

Pour cette économiste, deux scénarios sont à envisager : soit la reprise économique mondiale s’accélère effectivement et la remontée des taux sera justifiée par la meilleure santé de l’économie américaine ; ou bien les difficultés de la zone euro ou d’autres facteurs de risque (Chine ? Géopolitique ?) reprennent le dessus et entraînent une nouvelle correction boursière.

Profits des entreprises

Si l’incertitude macro-économique domine, la santé des entreprises elle est toujours au beau fixe. Et la bonne nouvelle est que le cycle des prévisions de résultat est sur le point de prendre une tournure plus favorable.

« Les révisions de résultats à l’échelle mondiale sont sur le point de devenir positives pour la première fois depuis juin 2011 », observent les stratégistes de Credit Suisse dans une note.

L’Europe accuse toujours un net retard par rapport aux Etats-Unis, mais pour les investisseurs qui voient le verre à moitié plein, les entreprises européennes ont des niveaux de marge relativement faible, leur coût de financement ne cesse de reculer et l’euro commence enfin à reculer par rapport au dollar.

Si la valorisation des actions européennes n’est pas particulièrement bon marché, elle n’est pas non plus excessive dans la perspective d’un rebond plus solide des profits l’an prochain (encore faut-il qu’un tel rebond se matérialise enfin).

 

Facebook Twitter LinkedIn

A propos de l'auteur

Jocelyn Jovène

Jocelyn Jovène  est analyste financier senior et rédacteur en chef de Morningstar France.