Parlez-vous le Yellen ?

Spécialiste du marché du travail, Janet Yellen portera son attention sur des données "micro-économiques" que les investisseurs devraient également suivre, selon Morgan Stanley.

Jocelyn Jovène 31.10.2013
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Pour comprendre la politique monétaire de Ben Bernanke, il était utile de relire l’un de ses discours de 2002 dans lequel l’encore actuel patron de la Fed évoquait les moyens de lutter contre le risque de déflation (risque qui s’est matérialisé avec la crise financière de 2008).

Dans une note datée du 29 octobre, les économistes de Morgan Stanley proposent un décryptage de la méthode « Yellen », en s’intéressant, à partir de ses discours, aux éléments qui pourront façonner l’action de la future présidente de la Fed.

Les thèmes récurrents des derniers discours de cette économiste du travail sont centrés sur le chômage, l’assouplissement quantitatif ou l’inflation.

Concernant le marché de l’emploi, Morgan Stanley estime que les investisseurs qui souhaitent anticiper l’action de la Fed devraient porter une attention particulière à plusieurs statistiques clefs, notamment celles portant sur le marché de l’emploi et sur l’inflation.

L'emploi, la priorité

Janet Yellen s’est ainsi déclarée favorable à la règle de la Fed selon laquelle la remontée des taux directeurs ne pourra être envisagée que lorsque le taux de chômage passera sous la barre des 6,5%. 

Corollaire du taux de chômage, le rythme des créations d’emplois est également un important indicateur de la vigueur de l’économie américaine.

Il en va de même du taux de participation, considéré par de nombreux observateurs comme un véritable défi pour l’économie américaine. Après avoir atteint un plus haut au début des années 2000, il a décliné de manière inquiétante depuis.

Dans le même temps, le niveau du chômage structurel n’a cessé d’augmenter. Heureusement, il semble décliner de nouveau, mais à un rythme très lent depuis 2011.

La « fluidité » du marché du travail est également un élément important pour la future présidente de la Fed. Le taux d’offres d’emplois en est un indicateur. Il est notamment regardé en conjonction avec le taux de chômage.

Si les deux indicateurs évoluent dans le même sens, cela signifie qu’un nombre croissant d’emploi ne trouve pas preneur faute d’adéquation entre l’offre et la demande. L’évolution récente des deux indicateurs semble montrer que ce n’est pas le cas actuellement.

Pour Morgan Stanley, d’autres indicateurs devraient influer sur la décision de sortir d’une politique monétaire accommodante : le taux de chômage U6 qui est une mesure « large » du taux de chômage et inclut la plupart des emplois précaires.

Les deux autres indicateurs sont la part des employés découragés, soit les personnes qui pensent qu’il n’y a pas de travail pour elles, ne peuvent trouver de travail ou qu’ils manquent de la formation adéquate pour retrouver un emploi.

Enfin, la proportion des personnes travaillant à temps partiel mais qui souhaiteront trouver un emploi à temps plein (actuellement ce chiffre est de 7,86 millions). Sa faible décrue est une indication de la lenteur de la reprise économique aux Etats-Unis.

Inflation

L’inflation est le deuxième mandat de la Fed, laquelle doit rechercher une stabilité des prix et s’est fixée un objectif de 2% d’inflation annuelle. Ce chiffre de 2% renvoie à l’indice PCE Price Index.

Tout l’enjeu pour la Fed est de parvenir à ancrer les anticipations d’inflation, et à éviter que les participants du marché n’anticipent une remontée brutale de l’inflation, qui leur laisserait penser que la hausse des taux d’intérêt pourrait être plus rapide que prévu.

L’anticipation des intervenants se traduit par une courbe : le taux forward 5 ans dans 5 ans, où le rendement des obligations indexées sur l’inflation nous indique ce que les anticipations du niveau d’inflation attendu dans 5 ans seront dans 5 ans.

Ce taux se situe actuellement autour de 2,5%, ce qui est plutôt proche de sa borne basse (la borne haute de fluctuation depuis 2000 se situant un peu au-dessus de 3%).

Autres séries

Les membres du comité de politique monétaire et Janet Yellen suivent bien évidement des indicateurs d’activité comme la variation du PIB réel, la contribution des dépenses publiques et des dépenses de construction immobilière à la croissance de l’activité, l’évolution des revenus, les salaires horaires, ainsi qu’un ensemble d’indicateurs liés au marché de l’immobilier (évolution des prix, accessibilité au crédit, saisies immobilières).

Enfin, selon Morgan Stanley, Janet Yellen est une économiste dont la prise de décision prend en compte les prévisions de modèles économétriques. La banque en retient trois : Règle de Taylor, courbe de Beveridge ou loi d’Okun.

La première règle vise à déterminer le niveau des taux réels en fonction de l’inflation. La courbe de Beveridge établit un lien entre taux de chômage et vacances d’emplois, qui évolue en fonction du cycle des affaires. Enfin la loi d’Okun établit une relation empirique entre variation du taux de chômage et variation du PIB réel.

 

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A propos de l'auteur

Jocelyn Jovène

Jocelyn Jovène  est analyste financier senior et rédacteur en chef de Morningstar France.