Réactions des marchés suite à la crise budgétaire américaine

Après l’accord provisoire intervenu à Washington pour rouvrir les services fédéraux et relever le plafond de la dette publique fédérale, d’importants mouvements ont animé les marchés.

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Cet article fait partie de la série "Perspective", qui regroupe des contributions externes. Le texte suivi a été rédigé par Neill Nuttall, stratégiste chez J.P.Morgan Asset Management.

Les actions internationales ont rebondi : l’indice S&P 500 et le DAX ont atteint de nouveaux sommets historiques alors que le FTSE a gagné plus de 6 % par rapport à son point bas du début de mois. Les obligations ont également relevé la tête, les rendements à 10 ans en Allemagne, aux Etats-Unis et au Japon étant retombés respectivement à leurs niveaux d’il y a deux, trois et cinq mois ; le crédit a également bien performé.

Le dollar US a cependant reculé : à 1,38, la parité EUR/USD a retrouvé ses hauts niveaux d’il y a deux ans, alors que la paire USD/JPY menace d’enfoncer de manière prolongée sa moyenne mobile sur 200 jours pour la première fois en un an. Nous nous attendions à un mouvement sur les actions mais avons été quelque peu surpris par le rebond des obligations et l’affaiblissement du dollar.

De plus, le fait que le conflit sur le budget va ressurgir prochainement constitue une déception. Du fait de l’absence de résolution pérenne de la crise, nous nous demandons s’il n’y aurait pas un message derrière ces surprenants mouvements de marché, qui contredirait notre perspective stratégique sous-jacente, à savoir : un contexte d’amélioration de la croissance mondiale avec une inflation contenue, des valorisations raisonnables et un positionnement politique accommodant constituent un environnement très positif pour les actifs risqués.

Le dollar US

Avec le recul, il s’avère que nous aurions dû être moins surpris par les mouvements du dollar. Après la résolution de la crise du fiscal cliff au début de l’année, le “séquestre” (coupes automatiques pratiquées dans les dépenses publiques) a été suivi aux Etats-Unis d’une contraction budgétaire de près de 1,2 % du PIB en 2013.

Cependant, l’anticipation d’une politique monétaire moins accommodante a été différée. Par exemple, si le “tapering” (réduction progressive du programme de rachat d’actifs de la Réserve fédérale) débute en mars l’an prochain, le bilan de la Réserve fédérale se sera accru de quelque 500 milliards de dollars par rapport aux anticipations du consensus qui tablait sur un démarrage du processus en septembre.

Au même moment en Europe, le niveau général de l’austérité a reculé, alors que l’amélioration des niveaux d’activité par rapport aux attentes s’est traduite par l’éloignement de la probabilité d’une nouvelle baisse de taux d’intérêt et d’un programme complémentaire de LTRO. Cependant, l’affaiblissement rapide du yen a perdu son élan depuis mai, la Banque du Japon n’ayant pas renforcé sa politique d’assouplissement monétaire.

De plus, l’imminence de l’entrée en vigueur de la taxe sur la consommation compense toutes les baisses de la fiscalité intervenues au Japon. Ainsi, pour ce qui concerne les attentes du début de cette année, la politique menée aux Etats-Unis a consisté à combiner resserrement budgétaire et assouplissement monétaire, alors que c’est l’inverse qui a prévalu en Europe et au Japon.

Habituellement, les devises se renforcent lorsqu’elles sont soutenues par des politiques de resserrement monétaire et d’assouplissement budgétaire, et elles ont tendance à s’affaiblir dans un contexte inverse. Le récent affaiblissement du dollar est ainsi compréhensible et n’invalide pas notre analyse stratégique sous-jacente.

Nous estimons que le resserrement budgétaire aux Etats-Unis va se ralentir au début de l’année prochaine dans la mesure où le “séquestre” se réduit (réduction d’au moins 1 % du PIB) et nous n’adhérons pas à l’idée de “QEternity” (politique perpétuelle d’assouplissement quantitatif) : nous anticipons un démarrage du “tapering” au cours du premier semestre 2014, probablement en mars et nous prévoyons une évolution de la combinaison de la politique budgétaire et de la politique monétaire favorable au dollar en 2014.

Le momentum macro-économique positif aux Etats-Unis devrait de nouveau s’imposer et, grâce aux effets positifs de la révolution énergétique sur le commerce extérieur, le caractère haussier du marché du dollar depuis deux ans va probablement refaire surface.

Les obligations

Les rendements des bons du Trésor américain à 10 ans sont passés de 1,6 % début mai à près de 3,00 % début septembre. Après une telle évolution, le fait qu’une correction soit devenue nécessaire ne constitue pas une surprise et les rendements ont reculé vers une fourchette de 2,60 % – 2,70 % au cours des semaines précédant les manoeuvres incessantes visant à résoudre le problème du plafond de la dette à Washington.

Au même moment, les marchés à terme avaient intégré dans les cours une “normalisation” des rendements, le rendement à 5 ans du 10 ans progressant de près de 140 pb à 4,1 %. Depuis la résolution du conflit sur le budget, les rendements au comptant ont brusquement reculé de près de 25 pb, pour se replier brièvement en dessous de 2,5 %. Les rendements à terme se sont assagis, mais dans une moindre mesure. Cette détente sur les rendements est-elle le signe d’une anticipation d’un ralentissement de la croissance au cours du premier semestre 2014 ?

Nous ne partageons pas cette opinion. Comme indiqué ci-dessus ainsi que dans notre Strategy Report de la semaine dernière, le secteur public est le principal responsable du caractère “modéré” de la reprise aux Etats-Unis, impact qui va s’atténuer dans la perspective d’un assouplissement budgétaire. L’activité du secteur privé a évolué cette année à un rythme solide et cela semble continuer. Les enquêtes sur la confiance globale des consommateurs pourraient enregistrer un recul mais nous estimons que l’activité se maintiendra jusqu’à Thanksgiving et la période de Noël, soutenue par la baisse des prix des carburants.

Cette opinion est confortée par les données publiées sur le trafic ferroviaire qui atteint des niveaux record et par le cas particulier des dépenses liées à la consommation discrétionnaire. Le sentiment général des entreprises et le redressement très attendu des dépenses d’équipement semblent prendre de la consistance. Le rythme d’octroi des prêts bancaires à caractère industriel et commercial s’accélère et ce phénomène est constaté principalement chez les petites banques, ce qui suggère un état de santé satisfaisant de l’économie domestique et notamment des SME.

En résumé, ces éléments ainsi que les indicateurs avancés continuent de suggérer que l’activité économique va progresser au cours du premier semestre 2014. Ainsi, nous ne pensons pas que nos perspectives positives sur l’activité économique mondiale et les actifs risqués soient menacées par les récents évènements intervenus aux Etats-Unis.

Les actions

Si le contexte macro-économique reste selon nous positif, quel risque y a-t-il que le mouvement haussier des actions de ces quatre années et demi écoulées ait déjà intégré dans les cours ces bonnes nouvelles ? Nous ne croyons pas que les marchés montrent des signes de fatigue.

Les facteurs qui guident les marchés (tels que la valeur plutôt que le momentum des cours) sont typiquement ceux observés au cours du développement d’une tendance plutôt qu’à son terme.

Par ailleurs, des indicateurs comme le ratio put/call, la récente inversion de la courbe de volatilité et les très faibles niveaux d’endettement non financier évoluent à des niveaux indiquant une poursuite de la tendance plutôt que son arrivée à maturité.

Enfin, les swaps de défaut de crédit suggèrent également un environnement favorable. Il existe assurément un certain nombre de scénarios de risque, que nous traiterons dans de prochaines éditions de notre Strategy Report, mais nous persistons à estimer que les actifs risqués sont bien placés pour tirer parti du cycle. Et le cycle est positif.

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A propos de l'auteur

J.P.Morgan Asset Management  J.P.Morgan Asset Management est une filiale de J.P.Morgan.