Le prêt de titres dans les ETF de réplication physique

Le prêt de titres concerne parfois plus de 50 % de l’actif de l’ETF. Mais est-ce que le jeu en vaut la chandelle ?

Hortense Bioy, CFA 04.01.2013
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Il y a encore quelques années, le prêt de titres était considéré comme une activité de back office qui n’intéressait personne. Et puis la crise financière est passée par là, Lehman Brothers a fait faillite, et le risque de contrepartie est devenu une considération importante pour les investisseurs dans leur choix d’instruments financiers.

 

En parallèle, le marché des ETF a explosé. Face à la montée en puissance de ces instruments mis à la disposition de tout investisseur par le biais de la Bourse, les autorités de régulation financière ont jugé bon de tirer la sonnette d’alarme sur les risques structurels des ETF, et notamment sur le risque de contrepartie. Les régulateurs ont mis en garde contre le risque de contrepartie inhérent aux ETF de réplication synthétique, ainsi que celui relatif au prêt de titres dans les ETF de réplication physique.Dans ce contexte, l’Agence européenne de régulation des marchés financiers (ESMA) a mené une consultation sur les ETF et autres fonds UCITS visant à harmoniser les pratiques et renforcer la protection des investisseurs. Dans les règles définitives publiées par le régulateur en juillet dernier, le prêt de titres tient une place qui n’est pas passée inaperçue.

 

Le prêt de titres consiste pour un fonds à transférer temporairement ses titres à un tiers, moyennant une commission. Cette pratique, très courante dans le milieu de la gestion d’actifs, n’est absolument pas propre aux ETF. Mais il se trouve que les fonds indiciels constituent d’excellents candidats au prêt de titres en raison de leur nature passive. Leur faible fréquence d’achats et de ventes limite le risque de rappel, c’est-à-dire le risque que les emprunteurs se voient demander de restituer les titres à n’importe quel moment. Aujourd’hui, près de la moitié des ETF de réplication physique en Europe ont recours au prêt de titres, dont les revenus permettent de compenser partiellement, et parfois même totalement, les frais de gestion et autres sources de tracking error.

 

La quantité de titres prêtés ainsi que les revenus perçus peuvent varier de manière significative d’un fonds à l’autre. Cela dépend principalement de l’offre et de la demande, ainsi que de la politique du promoteur.

 

En général, les small caps et titres illiquides dont l’offre est limitée peuvent espérer des niveaux de rémunération plus élevés que les titres très liquides et largement disponibles sur le marché. Ainsi, l’iShares S&P ETF Global Clean Energy, investi dans des small et mid caps spécialisées, a reçu 171 points de base (pbs) de revenus supplémentaires l’an dernier, grâce à son activité de prêt, ce qui a permis de compenser les 65 pbs de frais de gestion du fonds. En revanche, l’iShares eb.rexx Gov. Germany 10.5+, investi dans des obligations ultraliquides dont l’offre est abondante, n’a touché que 3 pbs, un bien faible rendement au regard de la quantité d’actifs prêtés. Le fonds s’est vu prêter pratiquement la moitié de ses titres de manière constante l’an dernier. À certains moments, même, il a été amené à en prêter la totalité. Beaucoup d’investisseurs ne savent pas qu’en Europe, les fonds UCITS (dont les ETF font partie) sont autorisés à prêter jusqu’à 100 % de leurs actifs. L’ESMA a confirmé ce point en juillet dernier.

 

Notre étude sur le sujet révèle que près du quart des ETF de réplication physique ayant eu recours au prêt de titres, l’an dernier, en Europe ont été amenés à prêter à un moment donné plus de 50 % de leurs actifs, et la moitié ont prêté moins de 30 % de leurs actifs. En moyenne, l’activité de prêt était plus limitée. Environ la moitié ont prêté en moyenne moins de 10 % de leurs actifs, et seulement 15 % ont prêté en moyenne plus de la moitié de leurs actifs.

 

Lorsque les rendements perçus sont très faibles, comme dans le cas de l’iShares eb.rexx Gov. Germany 10.5+, les investisseurs sont en droit de se poser la question de savoir si la prise de risque est justifiée. Certains estiment que non. Et ceux-là préfèreraient que leurs fonds n’aient pas recours au prêt de titres. En revanche, d’autres investisseurs disent ne pas rechigner sur quelques points de base de performance supplémentaire, même au prix d’une prise de risque accrue.

 

Toujours est-il que, sous la pression d’un bon nombre de clients, BlackRock a décidé en mai dernier de plafonner à 50 % la quantité d’actifs que ses fonds iShares seront désormais autorisés à mettre à la disposition d’emprunteurs. Une décision qui a, depuis, apaisé les investisseurs les plus averses au risque de contrepartie.

 

Le principal risque que présente le prêt de titres est que l’emprunteur des titres devienne insolvable et qu’il ne soit pas en mesure de restituer les titres prêtés.

 

Pour évaluer ce risque de contrepartie, il est important de connaître l’identité des emprunteurs. À ce jour, un nombre limité de promoteurs communiquent cette information. Cela devrait toutefois changer dès l’an prochain, avec la mise en application des nouvelles règles de l’ESMA. Les promoteurs d’ETF et de tout fonds UCITS auront l’obligation de divulguer le nom des contreparties au prêt de titres dans les rapports annuels des fonds.

 

Selon le programme de prêt de titres en place, un fonds peut avoir une ou plusieurs contreparties. Notre préférence va au recours à plusieurs contreparties car cela permet de diversifier les risques, à condition, bien entendu, que les emprunteurs soient sélectionnés et monitorés de manière rigoureuse.

 

Plusieurs mesures de protection sont prévues pour protéger les investisseurs contre le risque de contrepartie. Tout d’abord, le dépôt d’un collatéral, auquel des décotes (« haircuts ») sont généralement appliquées. Ce collatéral, souvent composé d’actions d’indices internationaux très connus et d’obligations d’État du G7-G10, fait l’objet d’un marked-to-market quotidien, afin de maintenir les niveaux de surcollatéralisation.

 

La qualité des titres constituant le collatéral est importante car, dans un scenario de défaut d’un emprunteur, ils devront être liquidés par le gérant du fonds ou l’agent de prêt. Et, dans un tel scénario, il y a toujours un risque que la valeur liquidative du collatéral ne soit pas suffisante pour racheter les titres non restitués. Il faut donc toujours s’assurer 1), que le collatéral est de bonne qualité, liquide et d’origine suffisamment diversifiée, et 2), que le niveau des « haircuts » est adéquat et bien en ligne avec la qualité du collatéral.

 

Enfin, dernière protection offerte par la majorité des fournisseurs d’ETF par l’intermédiaire de leurs agents de prêt : l’indemnisation. L’agent de prêt promet de remplacer à ses frais tous les titres non restitués. Cette mesure, équivalente à une police d’assurance, permet de rassurer. Il faut savoir que, in fine, en cas de défaut d’un emprunteur, et d’une valeur liquidative du collateral insuffisante pour racheter les titres manquants, le fonds se retrouvera exposé directement à la solidité du bilan de l’entité qui offre l’indemnisation.

 

Check-list de due diligence

Ÿ L’ETF participe-t-il à un programme de titres ?

Ÿ Quel pourcentage de l’ETF est prêté ?

Ÿ Qui sont les contreparties ?

Ÿ Quelles sont les règles de gestion des risques définies par le fournisseur d’ETF ?

Ÿ Le collatéral est-il de bonne qualité ?

Ÿ Le rendement généré par le prêt de titres justifie-t-il la prise de risque supplémentaire ?

Ÿ Le niveau de transparence est-il suffisant pour prendre les bonnes décisions ?

 

Cette liste de due diligence n’est évidemment pas exhaustive, mais elle constitue un bon point de départ.

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A propos de l'auteur

Hortense Bioy, CFA

Hortense Bioy, CFA  est directrice mondiale de la recherche sur l'investissement durable chez Morningstar